Thèmes: Art, Histoire, Visite Sortie Visite du mardi 16 octobre 1990
Le soleil nous a suivi toute la journée dans la Somme où nous avons visité, partagés en plusieurs groupes, la cathédrale d’Amiens et les grottes de Naours.
La cathédrale
Le premier car va directement à la cathédrale. C’est l’un des douze plus beaux monuments de la terre officiellement répertoriés par l’UNESCO, au même titre que la pyramide de Kheops ou le Taj Mahal. Une distinction qui s’explique par l’ampleur du bâtiment (c’est la plus grande de France), mais aussi par la richesse de sa statuaire.
Si l’on observe attentivement la façade principale, on s’aperçoit qu’aucun n’est laissé au hasard dans le choix et la disposition des sujets. La pensée directive des sculpteurs est empruntée à l’Evangile où le Christ se compare à la Porte par laquelle les brebis entrent dans le bercail. Avant de parvenir à lui, un cheminement est nécessaire. En tout premier plan, et de droite à gauche, exactement dans l’ordre où ils se présentent dans la Bible, les douze petits prophètes s’adressent au peuple, sur place. Ils se dirigent vers les quatre grands prophètes présentés face à face, deux à deux : Isaïe et Jérémie à droite, Daniel et Ezéchiel à gauche.
Derrière les pieds-droits, les lignes se brisent pour converger vers le Christ en présentant les douze apôtres qui ont suivi celui qu’ils ont vu.
Une clarté incroyable règne dans la cathédrale. Tout concourt à limiter l’importance de la pierre au profit de la lumière : hauteur de la nef et des bas-côtés, minceur des piles, hauteurs des fenêtres.
A une époque où l’on ne connaissait pas la force de gravitation, l’attraction terrestre symbolisait la descente aux enfers. En élançant sa cathédrale vers le ciel et en refusant le poids de la pierre, c’est un peu comme si l’architecte Robert de Luzarches (qui entreprit la construction en 1220) avait voulu se rapprocher de Dieu.
Nous nous dirigeons vers le chœur, mais avant, notre guide nous montre la tribune du grand orgue suspendue au-dessus du grand portail. Cet orgue comprend 2500 tuyaux. Il date de 1422.
Nous nous arrêtons devant le tombeau en bronze, coulé d’une seule pièce, d’un prélat durant la vie duquel commencèrent les travaux de construction de la cathédrale.
Certains n’auront peut-être pas manqué de voir sur le sol un élément symbolique important : le labyrinthe qui nous rapporte de précieux renseignements sur la construction de l’édifice.
Au milieu du labyrinthe se trouvait une dalle de forme octogonale, qui était à l’origine entourée d’une inscription gravée sur la lame de cuivre : mais déjà usée par les ans, elle a disparu au cours de différentes restaurations et fut remplacée par un fac-similé. Le texte nous indique l’année du commencement des travaux et les noms des trois maîtres qui les poursuivirent successivement jusqu’en 1288.
La chaire est adossée à un pilier dans la nef. Ce monument un peu lourd, surchargé de décorations, est le don en 1773 de Monseigneur de la Motte, Evêque d’Amiens.
Les stalles commencées en 1508 furent achevées en 1522. Elles étaient au nombre de 120, mais depuis deux siècles, elles ne sont plus que 110 par suite de travaux pour l’élargissement de l’entrée du chœur.
Les sculptures du déambulatoire font revivre toute l’histoire sainte depuis Adam et Eve jusqu’à Job, puis l’histoire de Joseph et ses démêlés avec ses frères et la femme de Putiphar, enfin les de Moïse et de David.
La grille d’entrée du chœur est un bel ouvrage en fer forgé, rehaussé d’ornements en tôle repoussée.
Il nous reste encore beaucoup de choses à découvrir, mais une heure trente s’est déjà écoulée et il nous faut déjeuner. Nous retrouvons l’autre groupe à Naours au restaurant « Le cheval blanc ».
Après un bon repas nous allons à pied jusqu’à la cité souterraine.
Naours est un village de la Somme, situé au nord d’Amiens, assis dans une large vallée dont les trois principales sinuosités aboutissent à la montagne du « Guet » au-dessous de laquelle s’étendent les souterrains refuges.
Beaucoup de personnes s’interrogent sur la prononciation du nom NAOURS, les uns disent NOUR, d’autres NA-OUR ; d’après les archives, avant le 7ème siècle on écrivait NOR, en l’an 1000 NAURS, au 13ème siècle NAORS et de 1340 à nos jours NAOURS ; mais les habitants prononcent toujours comme leurs ancêtres NOR.
Les grottes-refuges de Naours ont été des cavernes habitées depuis les temps les plus reculés. Ces cavernes agrandies deviennent des refuges dont l’origine remonte à l’époque gallo-romaine. Ces refuges utilisés jusqu’au 18ème siècle, les plus vastes de France, étalent demeurés ignorés jusqu’en 1887 où l’Abbé Danicourt, nommé depuis un an à la cure de Naours, en entreprit la recherche, car les entrées avaient été rebouchées. Ses travaux furent, au bout de quelques jours couronnés de succès.
D’une profondeur moyenne de 33 mètres, elles se composent, dans l’ensemble, d’une trentaine de galeries s’étendant sur une longueur totale de 2000 mètres ; la hauteur de ces galeries varie entre 1m 60 et 2 mètres. Trois cents chambres servaient de réserves d’approvisionnement pour les habitants et aussi d’abris momentanés pour eux, ainsi que pour les bestiaux, durant les guerres et invasions qui désolèrent si fréquemment la contrée.
Il est prouvé que les grottes commencèrent à être aménagées en vue du refuge des habitants à l’époque des invasions barbares des 3ème et 4ème siècles et, plus tard, au 9ème siècle, lors des invasions normandes.
A chaque invasion, une nouvelle vie s’organisait : les diverses familles se groupaient par pièces, par quartiers, le long des galeries aux cellules régulières disposées symétriquement et à l’entrée desquelles, de nos jours, se voient encore des rainures d’encastrement des portes avec encoches pour les tenons, les étables aux bornes taillées, aux auges et anneaux creusés dans la pierre. Certaines chambres, bien conservées comportent encore des niches excavées en couchettes et en armoires.
On ne peut reconnaître avec certitude, la destination particulière que de trois chambres, vastes, parallèles et communiquant entre elles : ce sont les nefs et une chapelle où pouvaient se tenir 400 personnes ; au fond de chacune d’elles, une arcade faisait office de niche d’autel, c’est, au dire des archéologues, un « arcosolium », tel ceux des catacombes de Rome.
Dédale des chapelles
Aux parois se voient des centaines de cavités remplies de suie où l’on posait de petites lampes en terre cuite, « les créchets », dont on a recueilli un grand nombre, soit en fer, soit en terre battue.
Une curiosité tout à fait remarquable est l’existence de cheminées énormes, puits ayant, à leur base un diamètre supérieur à un mètre. Ces conduits de fumée et d’aération traversent l’épaisseur de la colline, laquelle, selon les points, varie de 23 à 31 mètres. Primitivement, ces cheminées, au nombre de six, réparties dans divers quartiers des grottes débouchaient à ras de terre dans les champs, ou taillis. Il est vraisemblable que, dans ces conditions, la fumée dut attirer l’attention de l’ennemi. Les réfugiés employèrent alors un stratagème.
La partie supérieure de chaque cheminée fut comblée à une profondeur de 7 à 8 mètres de l’affleurement extérieur. A quelque distance de là, à 20 ou 30 mètres, un puits d’une profondeur égale était creusé. Puis la partie supérieure de la cheminée tronquée était reliée au nouveau puits par une galerie horizontale. La fumée empruntait ce nouveau passage avant de s’évacuer loin du véritable orifice à présent bien dissimulé. Pour plus de sécurité encore, deux de ces conduits de fumée furent dirigés vers les maisonnettes de deux meuniers situées sur la colline ; arrivés là, ils laissaient échapper les gaz de combustion par les propres cheminées des maisonnettes.
Aucune des deux dernières guerres n’a rendu aux grottes leur destination millénaire de refuge pour la population du village et des environs. Mais l’armée, en revanche, en a fait largement usage. De 1916 à 1918, des détachements anglais, canadiens et australiens y séjournèrent. Pendant la seconde guerre mondiale, les Etats-Majors apprécièrent davantage l’intérêt stratégique de ce vaste réseau souterrain. Dès 1939, les troupes britanniques utilisèrent partiellement les salles pour y abriter des réserves, de carburant notamment. En 1941, ce fut le tour des Allemands. Une unité d’artillerie transforma d’abord les galeries en entrepôt de munitions. Un peu plus tard, en 1943, Naours allait devenir pour l’armée d’occupation une base importante.
A la sortie de ce refuge est aménagé un petit musée picard, montrant divers métiers disparus.
La place du village
Batteurs au fléau
Après cette belle journée, nous regagnons Garches. Monsieur Tur, conférencier bien connu au C.D.I., était des nôtres. Il nous fit, dans le car, une mini-conférence sur la guerre de Cent Ans, ensuite il nous a distrait en nous racontant quelques histoires drôles.
a cathédrale nous attend, elle nous sera racontée en détail. Prenons quelques repères : la recherche du record de hauteur de voûte :
1150 : Laon 24 m
1163 : Paris 35 m
1124 : Chartres 36,5 m
1210 : Reims 38 m
1220 : Amiens 42 m
1247 : Beauvais 48 m mais qui s’effondre
Puis quelques œuvres d’art à ne pas manquer
Cette cathédrale est le monument d’une ville riche par ses industries comme par la fécondité de la plaine picarde : elle manifeste une prospérité fidèle par son ampleur comme par les embellissements qu’elle n’a cessé de recevoir au cours des siècles.
a Picardie meurtrie et les plaines nourricières (rappel de notre sortie à Noyon).Leur longue douleur commence avec le partage de l’Empire de Charlemagne (843) et se termine le 8 mai 1945 à Reims. S’ébattre, subir, se cacher, fut souvent au cours des siècles le triste choix des paysans des plaines du Nord où Germains, Anglais, Espagnols et leurs troupes de mercenaires (parfois Français) tentaient d’investir Paris. D’où ce besoin de refuge dont témoigneront les grottes et souterrains de Naours.
De Corbie à Péronne, à Ham, la Somme coule tente dans un lit bordé d’un labyrinthe d’eaux dormantes. Ce fut longtemps une barrière défensive : quand elle était franchie, la menace était bien près de la capitale. Souvenons-nous d’autres installations-refuges, des villages provinciaux perchés sur des pitons (Gordes) des populations réfugiées au milieu des marais (Amiens, Montargis), dans des boucles de rivières (Cahors) ou franchement dans des îles (Lutèce).
Ce refuge peut être temporaire, et les forêts jouent un rôle de cachette, ou même artificiel, surtout en « Plat-Pays » où le rôle des remparts et des beffrois fût d’être souvent le seul moyen de sauvegarde.
Alors ne regrettons pas que les « villes tentaculaires » remplacent les villes bloquées ; elles témoignent d‘une plus grande sécurité.
rois Amiénois d’adoption
Jules Verne s’installe à Amiens en 1873, et y vécut 32 ans. Il y composa la majeure partie de son œuvre. Il ne vint pas par goût de l’aventure dans cette ville « sage et policée » mais attiré par la grâce et l’amour d’une amiénoise qui devait devenir sa femme. Il s’intégra à la vie communale et remplit avec sérieux ses fonctions électives à la mairie se chargeant de contrôler le théâtre, de surveiller les fêtes foraines et d’obtenir la création d’un cirque municipal. Il rêvait de tours du monde et d’autres mondes, mais la grâce de sa femme le retint au pays. Il vivait des aventures dignes d’Ulysse sans quitter sa Pénélope.
Auguste Perret, mort en 1954, fut le premier architecte à mettre le béton armé au service des recherches et de la construction modernes. Sa tour (104 m et 30 étages) dresse son arrogant défi sur la ville deux fois millénaire puisque c’est à Samarobriva (le pont sur la Somme) que le légionnaire de César, Martinus, partagea son manteau avec un pauvre.
Puvis de Chavannes rêvait de doter la France de peintures murales aux formes harmonieuses et à la pensée sereine, impénétrable à l’indifférence comme aux railleries. Il dut à la compréhension des musées de province, dont Amiens mais aussi Marseille, de pouvoir réaliser une œuvre conforme à son rêve.
Amiens nous offre parmi ses œuvres : Ave Picardie nutrix, qui montre la vie de la campagne picarde. Si vos voyages vous emmènent à Rouen, à Poitiers, à Lyon, voire à Boston, ou si votre curiosité vous entraine au Panthéon ou à l’Hôtel de Ville de Paris, pensez à Puvis de Chavannes.
a ville drapante
Obtenant très tôt une charte communale, proche de !’Angleterre qui lui fournit la laine brute de ses moutons au milieu de la plaine picarde, dont la production permet d’obtenir une excellente teinture bleue, les drapiers d’Amiens font dès le début du XIIème siècle commence avec la Provence et l’Italie.
Leur prospérité leur permettra de faire construire une des plus belles cathédrales de France.
Ils savent à la fin du XVème siècle, adapter leur production aux goûts nouveaux de la clientèle et lui offrent des tissus plus légers et plus soyeux : la sayetterie.
Aussi, lorsque Colbert assurera le contrôle de l’Etat sur les manufactures (Louis XIV « nationalisant », où allons-nous) celles d’Amiens étaient parmi les plus anciennes et les plus prospères. Leur essor se poursuit surtout par la fabrication des velours de coton et atteint son apogée au milieu du XIXème siècle, sous Louis-Philippe. Et l’Histoire continue…
1802 : La paix d’Amiens ouvre une période de paix qui durera jusqu’en 1803, mais c’est à ce traité que les souverains anglais renonceront à leurs droits au trône de France.
1906 : le congrès de 1a CGT engage les « prolétaires unis de tous les pays » à ne plus participer aux guerres nationales. Cela durera jusqu’en 1914.
1990 : Amiens ne veut pas renouveler l’erreur des chemins de fer, se bat pour obtenir le passage de TGV.
Il est bien venu à Garches !
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