CDI : TROIS LETTRES A DOUBLE VOCATION
Le Cercle de Documentation et d’Information a été créé en mars 1979. Il répondait à une double vocation : celle de satisfaire les interrogations que l’évolution du monde contemporain pose à beaucoup, et aussi celle d’occuper les loisirs de certains d’entre nous.
Ce dixième anniversaire que nous célébrons cette année, marque une étape dans l’accomplissement de la ligne tracée par Marcel Sire qui assura le lancement du CDI. Sous sa bienveillante autorité et grâce au dynamisme de l’équipe dont il avait su s’entourer, le CDI a vite pris un essor remarquable.
Ils étaient 100 membres inscrits la première année, ils se retrouvaient 300, 5 ans plus tard. Aujourd’hui, c’est 400 adhérents qui suivent régulièrement conférences, sorties et voyages.
En 10 ans, les plus éminents conférenciers tels que Jean Bernard, Haroun Tazieff, Patrick Baudry, Pierre Chaunu et bien d’autres, ont parlé des sujets d’actualité, faisant prendre conscience de réalités scientifiques, sociologiques, historiques… à un auditoire attentif à cette forme de culture.
Les voyages à l’étranger (Guernesey, Hollande, Capitales Européennes, Irlande) ont fourni l’occasion de franchir les frontières, afin d’apprécier des cultures parfois différentes et de renforcer les liens amicaux entre tous les participants.
C’est donc un éventail assez complet de la vie et du monde moderne que le CDI offre à ses adhérents toujours plus nombreux.
Cet acquis est appréciable. C’est un encouragement.
C’est pourquoi, en cette onzième année d’existence, le CDI se propose de poursuivre l’action menée et d’élargir les services offerts aux adhérents.
Le CDI, sur le chemin de la culture est porteur d’espoir pour une meilleure entente conviviale entre tous les Garchois et les habitants des communes avoisinantes.
Y.B.
AMITIE ET RECONNAISSANCE
Avant que nos animateurs ne fassent revivre quelques-unes de nos plus passionnantes réunions, nous tenons à témoigner amitié et reconnaissance aux quelque 150 conférenciers, qui se sont succédés à Garches, au CDI depuis le 19 mars 1979 et qui ont largement contribué à la vitalité et au rayonnement de notre Cercle.
Nous ne pourrons en ces quelques pages commémoratives les citer tous, mais que tous sachent bien qu’ils ont activement participé par leur culture et leur talent, souvent aussi par leur passion et leur amitié à l’essor du CDI.
Nous nous proposons donc seulement de réunir un éventail représentatif des diverses activités du Cercle, un répertoire complet de nos conférences, visites et voyages vous étant proposé par ailleurs.
Tous nos conférenciers nous ont aidé à satisfaire nos interrogations sur l’évolution du monde contemporain – mais était-ce possible de les satisfaire toutes quand chaque conférence en ouvrait de nouvelles ? – et peut-être, aussi et plus sûrement de pouvoir mieux transmettre quelques-unes de nos rares certitudes. Ils ont surtout témoigné de la force, de « l’invincible espoir » qui les anime, et pour cela qu’ils soient assurés de notre gratitude.
E.B.
LE CERCLE ET LES GRANDS HOMMES
Depuis sa fondation, le CDI s’est intéressé, soit au cours d’une conférence, soit à l’occasion des visites, aux hommes et aux femmes qui ont marqué leur époque. Ils ont su observer le milieu dans lequel ils ont vécu, le décrire et l’analyser, et en tirer des théories ou des préceptes, voire des instruments, pour faire avancer nos connaissances de l’homme, de la nature et de notre univers, ou pour aider les hommes à vivre. Ils ont vécu à des périodes différentes mais ils ont en commun d’être issus de la petite ou de la moyenne bourgeoisie. Deux d’entre eux ont eu des ascendants célèbres : Charles Darwin, dont le grand-père était médecin et poète et Jean Rostand, dont les deux parents Edmond Rostand et Roseline Gérard étaient poètes.
Tous ont, au cours de leur vie, fait une rencontre avec la chance :
Théophile Laennec (1761-1826) qui doit à son oncle Guillaume-François Laennec d’avoir, orphelin, été recueilli et lancé dans la vie ; Darwin (1809-1882), d’avoir rencontré le Capitaine Fitzroy qui lui a procuré un embarquement sur le Beagle, à charge de compléter certains relevés cartographiques et d’effectuer des mesures chronométriques ; Claude Monet (1840-1926) qu’Eugène Boudin encouragea à aller étudier à Paris ; Gabrielle Sidonie Colette (1873-1954) dont tout le monde a oublié les prénoms, qui doit à sa mère – là ce n’ est pas une rencontre fortuite – la formation de sa sensibilité ; Albert Einstein (1879-1955) d’avoir fait ses études au moment où la physique se posait des questions ; Gaston Ramon (1886-1965) à qui le directeur de l’Institut Pasteur, Roux, demande un jour de lui rendre service en recherchant un moyen de conserver les vaccins envoyés au front ; Maurice Genevoix (1890-1980) d’être né sur les bords de la Loire ; Jean Rostand (1894-1977) d’avoir trouvé une mouche dont la larve vit en parasite sur un mollusque ; Raoul Follereau (1903-1977) d’avoir rencontré les lépreux ; Arthur Koestler (1905-1983) d’avoir rencontré, par hasard dit-il, le sionisme.
Ces « occasions » ont marqué leurs œuvres.
Elles nous ont procuré la description du monde des sens, et de l’amour sous toutes ses formes : les troubles de l’adolescence (Le blé en herbe), la jalousie (Duo), le drame du couple (Retraite sentimentale), les mystérieuses liaisons (Les plaisirs), les dissonances douloureuses (Chéri, La fin de Chéri), l’apaisement (La naissance du jour).
Nous leur devons aussi les interviews du Roi Fayçal, du Duc de Broglie et de Queipo de LLano, le récit de la vie d’un condamné à mort, l’affirmation de la liberté du choix de l’homme maître de son destin, et la description de l’homme aux prises avec les conceptions politiques modernes.
Et aussi, le témoignage de l’horreur dans laquelle ont vécu des millions d’hommes et des récits, par ce dernier peintre de la campagne française – dont les visages quotidiens, les mœurs et l’âme même éclatent dans la confusion de la civilisation industrielle – qui manifestent tous une intuition chaleureuse de la nature et une pudique tendresse pour les humbles destins de l’homme.
Également ces peintures de la nature, libérées de toute entrave intellectuelle, éthique ou sociale, dans lesquelles les formes ne sont plus restituées que par des taches sommaires et rapides obligeant le spectateur à un effort de recomposition.
Et la noble réaction de cet avocat, qui, traversant le Sahara sur les traces du père Charles de Foucauld, se trouve en face des lépreux, en est bouleversé au point d’effacer en lui tout souci personnel, et de consacrer sa vie, avec l’aide de Mère Julia, supérieure générale des sœurs Notre-Dame des Apôtres, à la réalisation du village d’Adzopé (Côte d’Ivoire) où les lépreux ne seront plus traités comme des bêtes dangereuses, mais comme des êtres humains.
Que nous ont apporté les savants ?
La théorie biologique de l‘évolution naturelle des êtres vivants (la nature favorisant ceux qui ont des caractères avantageux, elle opère une sélection qui ne devrait pas connaître de fin !!!) et une interprétation de la manière dont se seraient produites les transformations des espèces.
L’introduction de la description médicale et de l’analyse des faits, prélude à la médecine curative du XIXème siècle, que son auteur appliquera à l’auscultation (pour laquelle il inventera le stéthoscope), et au traitement de la tuberculose.
L’emploi des propriétés du formol, un antiseptique banal, pour la conservation des vaccins, la découverte de la réaction de floculation utilisée pour le titrage de la toxine, le principe des substances adjuvantes, et la découverte de l’anatoxine diphtérique et des vaccinations associées.
D’importantes recherches sur la parthogénèse expérimentale, la gynogénèse le doublement des chromosomes par le froid, l’emploi de la glycérine comme agent protecteur dans la conservation des cellules, mais aussi l’affirmation d’un humanisme biologique qui nous éclaire sur toutes les questions essentielles touchant à l’homme et sa place dans la nature, des recherches sur l’hérédité sans compter de profondes réflexions psychologiques et morales.
Enfin, la relativité généralisée (la réunion des concepts de temps et d’espace avait été réalisée par la théorie de la relativité restreinte), puis la théorie du photon, l’interprétation du formalisme probabilistique de la mécanique quantique, enfin la recherche de la théorie unitaire du champ.
Que le lecteur me pardonne de lui avoir imposé une sorte de rébus, mais il aura certainement su attribuer à chacun l’œuvre qui fut la sienne.
F.P.
LE CERCLE ET LA DEMOGRAPHIE
En filigrane ou en « fil rouge » reliant la plupart de nos conférences, se trouvait toujours posée, après les essais de solution proposés sur le « comment des choses, la question du « pourquoi » et souvent celle du « pour qui » ?
C’est pour cette raison que plusieurs de nos conférenciers, et ce depuis le début du CDI, ont proposé des problèmes de démographie, rendus singulièrement plus précis par les progrès d’une science nouvelle, la statistique, et plus urgents par les révélations qu’elle apporte sur les époques extrêmes de la vie, la naissance et la vieillesse.
Ils furent au cœur de la conférence d’Alfred Sauvy (mars 81) pionnier depuis un demi-siècle de la démographie. Il tenta de nous faire partager ses connaissances et son expérience. De la synthèse qu’il fit des questions de démographie, d’économie et de modes de vie se dégageait une amertume certaine. Mais quand nous lisons qu’en mars 81, il regrettait le « verrouillage » de l’économie française, le refus de l’effort fécond, que « l’idée de plaire efface celle d’éclaircir », comment ne pas comprendre l’amertume d’avoir proclamé ces paroles depuis près de 50 ans.
On les retrouve plus directement dans celles de Paul Paillat (déc. 85). Dans les chiffres qu’il nous donne et les schémas qu’il nous montre, Paul Paillat rend concrètes des notions souvent cachées par les chiffres et les « moyennes ». Nous « voyons » l’espoir de la « pyramide », les risques de la « tour » et le drame de la « montgolfière » dont l’équilibre n’est assuré que par un renfort extérieur de la base. Il nous fait toucher du doigt les « vrais problèmes d’adaptation, à court comme à moyen terme d’une société malade de ses problèmes ».
La conférence d’Alain Parant (oct. 79) était encore sous l’influence des travaux et des prédictions du Club de Rome des années 70 prévoyant une surpopulation générale prônant – sans délai – la croissance double-zéro : démographique et économique nulles. Depuis l’une et l’autre ont été révisées, tant à l’échelle locale -ou semi-locale -qu’à l’échelle planétaire.
Jean-Jacques Tur (fév. 82) nous offre la synthèse des travaux de A. Sauvy et A. Parant. Il nous fait remarquer par un film de 1974 le choc des problèmes planétaires et interdépendants mais malgré tout individuels, chocs dus à leurs exigences contradictoires : les drames du sous-développement et les risques du sur-développement, la pénurie éventuelle de l’énergie et des matières premières. Malgré le pessimisme du film, il peut conclure « nous aurons la paix en plus ».
Michel Crozier (mai 82) se demande, son ouvrage à l’appui, si l’on « pouvait changer une société par décret ». Regrettant que nos compatriotes croient trop aux vertus du « y ‘a qu’à », reprenant par trois fois les mots de « blocage de notre société », il croit que les véritables novateurs sont les hommes plus que les structures, que la vie se conquiert et se maintient par une action continue et réfléchie contre la routine et la facilité.
Les chiffres que nous donna Marc Aufran (fév. 88) dans sa conférence sur l’organisation et les travaux de l’INSEE nous firent comprendre quel progrès essentiel la statistique avait apporté à l’étude et à la projection des problèmes de démographie.
Ces chiffres avaient permis à Albert Delaunay (jan. 83) dans sa conférence « Vieillir… », de constater le vieillissement de nos populations, vie plus longue et plus active certes, mais pas sans conséquence sur le dynamisme donc l’avenir d’une société où les effets positifs de l’espérance doivent compter avec l’effet négatif du non renouvellement des générations.
Yves Bodin (nov. 88) dans sa conférence sur l’Europe nous montre par ses graphiques, les taux de fécondité des femmes des états de l’Europe des 12, donc l’avenir même de ces états ; avenir timide puisque le « maintien » de la France, 2ème sur 12, peut être considéré comme un « succès ».
Tous ces problèmes de démographie furent surtout démontrés et proclamés par Pierre Chaunu (oct. 87) qui laissa exprimer sa passion et son inquiétude dans sa conférence sur « La démographie européenne » dont Fernand Labigne fait par ailleurs un compte-rendu quasi exhaustif.
Ne risquons-nous pas d’être dans la position du coureur de relais qui ne trouve plus à qui passer le témoin ? La vocation initiale du CDI et sa continuité « Curiosités et Connaissance du Futur » se trouvent là largement confirmées : connaître l’avenir pour mieux l’aborder … mais veiller d’abord à l’assurer.
E.B.
LE CERCLE ET LA SANTE DANS LE TIERS MONDE
Au fil des années, nos adhérents ont manifesté leur curiosité et leur intérêt pour des sujets de conférences traitant de la santé, et à maintes reprises nous avons été informés des progrès obtenus au cours des dernières décennies, en médecine et en chirurgie.
Les pays industrialisés bénéficient de cette avancée des sciences techniques et médicales. Mais combien de problèmes complexes et interdépendants, combien d’obstacles se dressent lorsqu’il s’agit de faire bénéficier les pays du tiers monde de ces découvertes !
Ce vaste sujet qu’est la santé à l’échelle du monde est quasiment inépuisable, car il est composé de multiples facettes. Il y a les grandes épidémies qui déferlent depuis la nuit des temps, les maladies microbiennes solidement installées dans certaines régions à l’état d’endémies, et les maladies parasitaires dont l’importance dans les pays tropicaux et subtropicaux est majeure.
Plusieurs conférences nous ont instruits sur quelques aspects d’un aussi vaste sujet :
Ainsi, le Professeur Jacques Ruffié (mars 1988) a traité des épidémies dans l’histoire de l’Homme, retraçant d’abord la lutte pour la survie dans la préhistoire, puis au fil des siècles, l’historique de grands fléaux tels que la peste, la lèpre, la tuberculose, etc., en faits et anecdotes indissociables de l’histoire « tout court ».
Quelques mois après cette conférence, le Professeur Henri Mollaret (oct. 1988) nous a expliqué comment apparaissent et évoluent les maladies contagieuses. Le conférencier a bien montré que ces maladies résultent de l’affrontement entre « deux mondes », celui de l’Homme et celui de l’infiniment petit, et ce conflit ne peut être compris que sur « le terrain », en prenant en compte les facteurs ethnologiques et sociologiques. A cette question : « y a-t-il des maladies nouvelles, telle que le SIDA ? », le Professeur Mollaret a répondu : « ce qui est certain, c’est que des germes microbiens, apparus sur la terre au commencement de la vie attendent « leur heure » et l’occasion favorable pour agresser l’Homme…
Pour combattre ces maladies infectieuses, d’immenses travaux ont été réalisés dans le domaine de la prévention avec la mise au point de nombreux vaccins, fruit de la science pastorienne.
A titre d’exemple, le Professeur Albert Delaunay, au cours de sa conférence prononcée en 1987, sur la vie et l’œuvre de Gaston Ramon, a rappelé que ce savant est le père des anatoxines, aujourd’hui largement utilisées pour la prévention du tétanos et de la diphtérie, y compris dans le tiers monde.
Pourtant, malgré le grand arsenal de moyens dont nous disposons pour la prévention et le traitement des maladies, malgré les spectaculaires progrès des techniques agricoles, malgré l’énorme potentiel de production des pays industrialisés, l’essentiel des besoins du tiers monde reste insatisfait. D’où cette extrême difficulté à procurer « la santé pour tous » défi lancé pour l’an 2000 par l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.).
Le CDI a reçu quelques réponses à cette question.
Ainsi, en 1981, Marcel Mazoyer a prononcé une conférence sur « l’agriculture en l’an 2000 pour ceux qui ont faim », montrant chiffres à l’appui, la croissance démographique toujours inquiétante dans nombre de pays du tiers monde, et la situation dramatique au plan de l’alimentation résultant de rendements extrêmement faibles des productions agricoles. Le cercle infernal est tracé : faute de moyens pour se développer, les plus pauvres sont condamnés à le rester ; et ne pouvant progresser, ils régressent…
Ce constat est symptomatique d’une crise économique généralisée dont Pierre Esteva a brossé pour nous le tableau en 1985, mettant en relief l’importance de l’endettement des pays du tiers monde. Le conférencier conclut en déclarant que cet endettement ne saurait être le remède à tous les maux, surtout pour les pays de grande pauvreté, et que face à la pauvreté doivent correspondre des efforts de non moins grande générosité.
Or, bien que toujours insuffisante, la générosité ainsi que les aides pour soulager les hommes de leurs souffrances ne manquent pas et sont quasi-permanentes.
Elles viennent parfois de l’initiative d’un homme, tel Raoul Follereau dont la vie et l’œuvre entièrement consacrée aux lépreux nous ont été contées en 1988 par Frère Davoine. Bel exemple d’abnégation et de persévérance, qui alla jusqu’à mobiliser dans sa cause l’Organisation des Nations Unies !
D’autres aides sous des formes diverses sont programmées, mises en place, et souvent financées par des organismes internationaux, des associations, des institutions ou des fondations privées. Ainsi l’histoire et les activités de l’UNESCO nous ont été exposées par Monsieur M’Baye en 1987.
Cependant cette organisation n’est pas la seule parmi celles qui ont été créées par les Nations Unies, à œuvrer dans le tiers monde. Celles qui sont plus spécialement préoccupées de problèmes en rapport avec la santé sont : l’OMS (Santé humaine) et la FAO (agriculture, alimentation, santé animale) auxquelles on doit ajouter la BIRD (Banque Internationale pour le Développement) et l’UNICEF (Fonds International pour la Protection de l’Enfance).
Gardons donc le souvenir de quelques victoires citées par les Professeurs Ruffié et Mollaret, telle la variole qui a disparu du monde grâce à l’application d’un programme de l’OMS, et j’oserai dire, comme le Professeur Ruffié, comme le Professeur Israël à la fin de leurs conférences :
«Finalement je demeure optimiste… J’ai confiance. J’ai foi en la science ».
P.R.
LE CERCLE ET L’ENERGIE
Dans le panthéon de l’hindouisme, les dieux, Brahma, Vishnou, Shiva et bien d’autres … vénèrent à leur tour une déesse assez peu connue de l’Hindou moyen, mais qui serait la mère de tous, la créatrice de tout l’Univers, le déesse Shikta, c’est-à-dire l’Energie.
N’y a-t-il pas là, de la part des penseurs et des philosophes qui, il y a près de vingt-cinq siècles, ont bâti ce panthéon hindou, une sorte d’intuition géniale ? L’énergie est à la base de tout dans l’activité humaine et le bond formidable de l’économie mondiale dans les deux derniers siècles a bien comme cause première la multiplication à la disposition de l’homme des nombreuses sources d’énergie que nous connaissons actuellement.
Aussi, le CDI devait-il s’intéresser à ce sujet. De nombreuses conférences ont eu pour but de présenter les différentes formes actuelles que cette déesse moderne revêt :
Jean Oudinet, à deux reprises, nous a parlé du pétrole sous ses aspects techniques d’abord, puis économiques.
Pierre Guérin, à titre d’exemple concret, a analysé l’alimentation en gaz de la région parisienne.
Christian Gourdon, Pierre Lévèque et Guy de St-Maur, nous ont initiés aux mystères du nucléaire et de l’utilisation pacifique de l’atome.
Dès notre première année, Bruno Toch et Bénédicte Joncheray nous ont présenté l’énergie solaire et la géothermie.
Et j’ai eu le plaisir, tentant une réflexion prospective, d’exposer quelques idées sur ce que seraient les énergies de l’an 2000.
Enfin, une forme d’énergie qui peut-être un jour jouera un rôle important, bien qu’on ne sache pas encore la domestiquer, l’énergie interne du globe terrestre, a été évoquée par un spécialiste de la volcanologie, Haroun Tazieff.
Est-il permis de citer, dans le même domaine, les différentes conférences remarquables traitant de l’exploration de l’espace ? Peut-être s’agit-il d’un sujet différent, mais après tout, si cette exploration est devenue possible, c’est non seulement à Jules Verne que nous le devons, mais aussi, au développement récent de sources autonomes d’énergie extrêmement puissantes.
Successivement, James Le Queuse et Patrick Eymar, Françoise Genova et Yolande Leblanc nous ont présenté les différents aspects de la connaissance, puis de la conquête de l’espace. Comme couronnement de cette série – pourrait-on dire – un témoignage concret passionnant a été offert à une salle archi-comble par l’un des plus brillants acteurs de cette exploration, Patrick Baudry.
La base fondamentale de l’énergie c’est bien le mouvement des atomes et autres corpuscules microscopiques au sein des molécules. Aussi, semble-t-il nécessaire de terminer ce rapide survol en évoquant le remarquable aperçu sur l’importance probable des biotechnologies dans l’avenir des sciences de l’homme, tel qu’il nous a été présenté par Joël de Rosnay.
Ainsi, comme vous le voyez, le CDI, dans son désir d’éclectisme, a réussi, à son tour, pour le plus grand bien de ses membres, à rendre de nombreux hommages à la déesse Shikta.
M.L.
LE CERCLE ET LE MAI LITTERAIRE DE GARCHES
VISITE AU PAYS DE MAURICE GENEVOIX (mai 1986)
A l’occasion du Prix Maurice Genevoix-Ville de Garches, le CDI s’est rendu dans le pays de Loire où Madame Maurice Genevoix a eu la gentillesse de l’accueillir dans son jardin des Vernelles.
Dans le village de Maurice Genevoix, une exposition fait revivre l’itinéraire de l’enfant de Châteauneuf-sur-Loire les rencontres, les amours, les études, promesses d’une carrière universitaire brillante, la rue d’Ulm, l’agrégation : la cassure de la Grande Guerre, la blessure des Hauts-de-Meuse en 1915 le rendent à Châteauneuf où il décide de se consacrer à la littérature. C’est ce pays qui nourrit la réflexion de l’homme adulte : de « Raboliot » Prix Goncourt 1925, « La dernière harde » 1938, à l’Académie française où il fut élu en 1946. Sa dernière œuvre « 30 000 jours » publiée en 1980 consacre l’accomplissement de sa pensée. Citons-en un extrait :
Il trouve un écureuil dans la forêt :
« Le monde n’était plus que cette petite bête rousse, dans l’herbe, son « museau levé, son œil brillant qui me fixait… »
Il le remet dans la pinède :
« Cette minute où j’ai eu le sentiment de participer à une Immense, une « poignante réalité qui était le monde… »
Que devient l’écureuil ?
« II m’avait été donné de voir s’entrouvrir sous mes yeux, un monde vrai où « les symboles et les correspondances sont la seule réalité où la création « est Dieu même et Dieu sa propre création… ».
LA VIE ET L’ŒUVRE DE COLETTE (Richard Flahaut – mai 1988)
Richard Flahaut, connu à Garches pour ses conférences d’histoire des civilisations, a évoqué dans le cadre du CDI la vie et l’œuvre de Colette.
A travers la vie tumultueuse qui conduisit l’écolière de Saint-Sauveur-en-Puisaye à l’écrivain de l’Académie Goncourt, il a mis en valeur l’admirable écriture de Colette.
Richard Flahaut dont le talent a de multiples facettes : professeur à l’Ecole d’architecture, historien, responsable du « Béjart ballet » de Lausanne, nous a plongé dans l’univers de Colette : la sensibilité instinctive d’un grand poète, d’un style tellement consommé que l’on croit facile d’en imiter l’inimitable simplicité.
UNE JOURNÉE AU PAYS DE COLETTE (25 et 26 mai 1988)
Cette excursion illustre naturellement la conférence de Richard Flahaut.
Dans le Puisaye, le pays de l’eau, l’on retrouve l’étang de Colette. A Saint-Sauveur, Madame Boivin, Présidente des amis de Colette, nous accueille dans la mairie, « l’asile » de « Claudine à l’école ». Une exposition évoque la vie de Colette, les costumes de spectacle en font revivre la carrière théâtrale.
Près de Saint-Sauveur, l’église de Moutiers nous invite à la découverte des fresques du XIIIème siècle en cours de restauration, nous assistons au travail qui les fait renaître.
La visite du château de Saint-Fargeau, résidence de la Grande Mademoiselle, qui ne laisse pas oublier le roman et le film « Au plaisir de Dieu », complète cette journée enrichissante d’une histoire qui nous a conduits du XIIIème siècle à nos jours.
M.M.
PIERRE CHAUNU (6 octobre 1987)
LA DEMOGRAPHIE EUROPEENNE
Le mardi 6 octobre 1987, Monsieur Pierre Chaunu, historien, professeur à la Sorbonne, membre de l’Institut, de l’Académie des sciences morales et politiques, auteur d’une soixantaine d’ouvrages, membre de la Commission des Sages sur le statut des immigrés, a prononcé, devant un public très nombreux, la conférence inaugurale de la saison 1987-1988 du CDI.
Notre hôte avait choisi de nous parler de la démographie européenne, problème « très préoccupant » pour la France et, déjà « dramatique » pour d’autres états.
Pierre Chaunu nous expliqua d’abord que depuis 1962-1964, quelque chose de grave se passe, quelque chose dont on ne voit pas d’équivalent dans le passé.
Ayant été amené, en 1961, à faire en Europe de la démographie historique, il a étudié les statistiques de Berlin-Ouest. « Ce que j’y ai vu m’a littéralement glacé le sang » nous dit-il. Le taux de natalité y était inférieur aux taux les plus bas notés en 1933-1934 et également à Léningrad pendant le siège. Pierre Chaunu fut alors amené à faire des prospectives qui parurent « ineptes » aux « experts », mais qui malheureusement s’avérèrent exactes, ce qui ne lui fut jamais pardonné. Il va donc commencer par planter les deux personnages en cause : l’Europe et la démographie.
L’Europe : c’est notre patrie. Nous sommes des Européens. Il s’est passé beaucoup d’évènements dans cette petite partie du monde.
Il y a 10 000 ans naît la première ville : Jéricho. Soudain, un changement décisif : plus d’un million d’hommes, en trois endroits du globe au moins, relativement groupés sur un espace limité, entretiennent entre eux des relations entre sociétés. C’est en Europe que se trouve la plus longue mémoire de l’Homme.
La démographie et l’anthropologie : Un être humain est un produit génétique, un être biologique qu’il faut programmer – l’acquis ne se transmet pas -. » A chaque fois qu’un vieillard meurt en Afrique, c’est (dit-on) toute une bibliothèque qui disparaît ». Il faut donc que le relais de la culture passe. Or, ce qui est inquiétant à l’heure actuelle, ce sont les difficultés rencontrées pour y réussir. Et Pierre Chaunu énumère alors tout ce qui fait obstacle à l’évolution normale des phénomènes démographiques. Tout se résume en un chiffre : l’indice synthétique de fécondité. Actuellement il faudrait que naissent 210 enfants pour 100 femmes si l’on veut simplement qu’il y ait « remplacement des générations ». Il faudrait que mortalité et natalité s’équilibrent.
Or, de 1964 à 1979, la fécondité en Europe et dans les pays industrialisés a chuté de 100 à 56 – on est passé de 3,2 enfants par femme à 1,8 -. L’Allemagne est depuis 1965 au centre du problème avec une chute de 50 % des naissances en 13 ans – la France s’effondre en 1973 -. On en subira les conséquences que dans quelques années.
Pierre Chaunu va maintenant analyser les causes du phénomène :
La révolution contraceptive n’est pas maîtrisée. On n’obtient pas le nombre d’enfants « qu’il faudrait ». Le slogan « un enfant, si je veux, quand je veux est un vœu mortel » scande Pierre Chaunu, et de conclure « c’est aux confins de l’Europe, qu’un homme, Abraham, entendit une voix lui dire « lève-toi et marche ». Et puis, d’autres personnes entendirent une voix étrange qui venait d’ailleurs. « II me semble que ces vieilles paroles qui peuvent être rajeunies sont toujours actuelles. Nous savons qu’il y a quelque part une source de l’être, que la vie a un sens, et que le jour où nous aurons redécouvert que la vie a un sens, alors nous aurons peut-être le désir de transmettre cette vie. Si nous savons transmettre la vie, nous saurons plus facilement accueillir ceux qui frappent à notre porte. Ne me demandez pas de quoi sera fait demain. Le temps un jour cessera de s’écouler, et au-delà du temps, j’ai la profonde conviction que quelqu’un nous attend ».
Pierre Chaunu répond ensuite à quelques questions des auditeurs. Il n’est pas tellement partisan de l’abaissement de l’âge de la retraite ni de la réduction de la durée du travail. Son désir serait de mettre fin à un triple scandale : le travail accablant des jeunes femmes obligées d’assurer une double tâche, le gaspillage que représente le sur-travail des femmes au plan de la qualité fondamentale de l’éducation, le scandale des scandales enfin, dans cette société, étant la paupérisation des femmes âgées ayant eu charge d’enfants.
Il est temps de réfléchir à ces données « incontournables » même en France, et prudent de constater que pour les Etats les plus menacés dans l’immédiat (Pays-Bas, Allemagne), la civilisation qui a produit Rembrandt, Beethoven, Erasme et Goethe mérite la mention « en voie de disparition ». Ne continuons pas à gâcher les plus belles chances que nous ayons jamais eues.
Pierre Chaunu parle ensuite de ses « coups de cœur » parmi les historiens : Hérodote et Thucydide, Michelet, Fernand Braudel, Lucien Febvre, Pierre Renouvin… et Voltaire.
Ainsi s’achève, sous de chaleureux applaudissements, la conférence de celui qu’on aurait appelé au XVIIème et XVIIIème siècles « un honnête homme ».
Nous avons pu constater que ce conférencier n’hésitait pas à aborder avec force et lucidité les problèmes les plus brûlants et controversés de notre temps, quitte à ramer à contre-courant, courageusement, peu soucieux de mettre son drapeau dans sa poche, et qui, ayant le tort d’avoir trop tôt raison, fut souvent, comme les prophètes, incompris, sans jamais cesser de mettre en accord ses paroles et son comportement avec ses convictions. Et quel humour !
F.L.
MARC BLANCPAIN (20 octobre 1981)
LA FRANCOPHONIE
La langue française dit-on, est en régression dans le monde. Les causes en seraient multiples ; les Français en ont-ils conscience ? L’anglomanie les plonge-t-elle dans le désarroi ? Quel va être l’avenir de notre langue ? Marc Blancpain, journaliste, romancier, ancien secrétaire général de l’Alliance française (1945-1977) a accepté de nous en parler.
Contrairement à beaucoup de gens dans le monde qui estiment que le français exprime le mieux la pensée abstraite, tandis que l’anglais s’adapte mieux au concret, le conférencier affirme que ce qui est le plus important, ce n’est pas la langue en elle-même, mais ceux qui l’utilisent. Si la littérature française jouit d’une bonne réputation à l’étranger, il ne faut pas oublier que la littérature anglaise est aussi riche, sinon davantage que la nôtre.
Nous exportons huit fois plus de livres qu’avant la 2ème guerre mondiale et en 1945, le français -grâce à Haïti -est resté langue diplomatique. L’effort de notre pays dans l’enseignement du français à l’étranger est considérable. L’Alliance française, à elle seule, y emploie 6 000 professeurs. Ne pas oublier l’importante contribution des missionnaires, par exemple. Quatre-vingt millions « d’élèves » étudient le français à travers le monde.
Certes, l’anglais a progressé partout. Il domine largement dans la littérature scientifique. De loin il est choisi comme première langue dans les écoles.
Marc Blancpain souhaite que les Français réagissent contre la décadence langagière, contre l’anglomanie (franglais) souvent ridicule et que dans les textes officiels et publicitaires on respecte le bon français.
Nous ne devrions plus négliger les langues africaines : il faut associer étroitement la langue ancestrale à la langue française pour que celle-ci devienne seulement la langue seconde de formation, à l’échelon secondaire et supérieur. Quand cette transformation sera achevée, la francophonie africaine sera tout à fait assurée. Dans certains pays, comme le Kenya, l’Afrique du Sud, …, il serait avantageux pour le français qu’il s’y développe un trilinguisme, qui est tout à fait réalisable.
En résumé, Marc Blancpain, fort de son expérience acquise lors de ses nombreux déplacements à l’étranger, ne se veut pas pessimiste. Il table sur l’effort des Français eux-mêmes pour parler et écrire un français correct qui est la garantie de sauvegarde de notre pays.
La francophonie, un sujet dont l’actualité n’est pas près de s’éteindre.
H.L.
JEAN BERNARD (3 mai 1983)
HISTOIRE DES THERAPEUTIQUES ET DES MEDICAMENTS
Au nombre des conférenciers que notre Cercle a eu l’honneur de recevoir, il y eut aussi le Professeur Jean Bernard.
Bien sûr, je pourrais me contenter de dire, puisque c’est vrai, que c’est un de mes amis. Mais ce serait vraiment trop peu. Au vrai, quand il s’agit d’un tel ami, on se sent un arbrisseau auprès d’un chêne.
Arrive-t-on à couvrir d’un coup d’œil l’œuvre professionnelle de Jean Bernard, on s’aperçoit que cet homme a atteint tous les sommets dans la réussite et les honneurs (pour se limiter à la France, il fait partie, en les honorant, des quatre Académies les plus prestigieuses).
Par son action médicale, puisqu’il est d’abord médecin, il a sauvé bien des vies, étant un de ceux qui ont vaincu certaines formes de cancer.
Mais il est aussi historien de la médecine, un amoureux des lettres. Il fut aussi poète pendant un séjour forcé à Fresnes.
Et puis, quand on a la chance de l’écouter, ce qui fut notre cas, on peut s’apercevoir que sa parole aussi, est d’or !
A.D.
ENTRETIEN AVEC SYLVIA MONTFORT (12 mars 1985)
Le mardi 12 mars 1985, notre Cercle organise pour son sixième anniversaire, une rencontre avec une grande dame du théâtre, Madame Sylvia Montfort.
Devant un public nombreux, et en présence de Maître Bodin, Maire de Garches, Madame Sylvia Montfort nous dévoile les différentes facettes de sa personnalité et répond avec beaucoup de gentillesse aux questions de nos adhérents.
Femme d’action, après des études secondaires qui lui permettent d’obtenir son baccalauréat très jeune, elle participe à la Résistance active l’occupant aux côtés de Maurice Clavel qui deviendra ensuite son époux.
Femme de théâtre, elle interprète de très nombreux rôles dans des tragédies grecques et classiques ainsi que des personnages d’auteurs plus contemporains (Claudel, Cocteau, Audiberti, …). Son visage, dont les expressions sont particulièrement intenses, la destine aux rôles dramatiques et aux compositions dont la complexité des sentiments doit être mise en évidence. De sa voix au timbre grave et profond émane une résonnance exceptionnelle dans les situations tragiques. Il faut l’avoir vue dans Phèdre exprimer toute la souffrance et les déchirements du personnage. C’est un grand moment de théâtre.
Femme de cinéma et de télévision, elle tourne une quinzaine de films sous la direction de metteurs en scène qui ont réussi à utiliser avec un certain bonheur pour l’image, son tempérament dramatique. A la télévision elle interprète les grands rôles des tragédies classiques (Phèdre, Andromaque, Bérénice, Bajazet) et certaines pièces d’auteurs récents. Ses apparitions sont à chaque fois le gage d’un succès certain.
Femme de création et d’animation, elle fonde le Carré Thorigny puis le Centre d’Action Culturelle de Paris (Nouveau Carré) qu’elle installe dans l’ancien abattoir de Vaugirard. En 1974, elle ouvre aussi la première école française de cirque et de mime.
Elle poursuit actuellement toutes ces activités avec beaucoup d’ardeur.
Madame Sylvia Montfort subjugue l’auditoire par sa culture, son amour pour le théâtre, son esprit d’entreprise et de créativité.
Les quelques instants passés en sa compagnie nous paraissent bien courts et nous l’invitons à revenir parmi nous.
P.M.
LUCIEN ISRAEL (27 janvier 1987)
REALITES, ESPOIRS ET PERSPECTIVES DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS
Lucien Israël a connu les difficultés de l’adolescent maquisard en lutte contre l’occupant dans les années de la guerre de 1940-1945, celles d’études longues et de la lucidité politique, il a découvert les arts martiaux au Japon. Ceci lui a permis de mesurer, au travers des gymnastiques du corps et du caractère, le courage des hommes et des femmes face à leur maladie. Passant de la pneumophtisiologie à l’examen des cancers des poumons puis aux autres cancers, il a orienté sa vie vers l’étude de ce fléau avec une attention constante pour mieux aider les malades.
Médecin des hôpitaux de Paris et Professeur de cancérologie à la Faculté de Médecine de Bobigny, il a pu redresser des situations dramatiques et allier aux traditions hippocratiques et humanistes l’habileté technique et salvatrice. Ceci explique en partie qu’il ait su capter l’attention des membres du CDI, auditoire sensible à la cohérence personnelle de l’orateur autant qu’à la qualité de ses propos.
L’origine et le déclenchement des maladies cancéreuses demeurent mal déterminés. Toutefois, préciser le mécanisme des multiplications et analyser l’induction de mutation par des substances irritantes, des virus, des radiations, permet de faire progresser le savoir. Les relations de la cellule ou de la tumeur avec la résistance de l’hôte, les données immunologiques ouvrent d’autres champs de travail. L’épidémiologie apporte d’autres renseignements sur la fréquence, l’âge, les conditions écologiques de survenue, les notions de susceptibilité héréditaire.
L’utilisation de la chirurgie, des radiations, des chimiothérapies, des anticorps monoclonaux selon des modalités d’utilisation successives ou simultanées, se fait de façon prudente et contrôlée, étudiée selon des protocoles rigoureux français, européens et internationaux. Des progrès réels se sont manifestés depuis trente ans. Les examens systématiques permettent le dépistage et le traitement précoce. La suppression des intoxications par le tabac, les boissons alcoolisées, la réduction des irradiations solaires excessives permettent d’avoir des espoirs de guérison durable. A chaque progrès répondent de nouvelles agressions. La méthode anatomo-clinique utilisée a manifesté assez de constance dans ses succès pour que son application au domaine des causes vaille d’être poursuivie avec effort, rigueur et confiance.
L’exposé du Professeur Lucien Israël a été le témoignage calme d’un homme d’expérience. Il a fait partager sa conviction que tradition et innovation réunissent leurs forces dans leur alliance, et chaque jour l’effort de recherche permet d’obtenir des guérisons qui paraissaient au-delà de toute possibilité quelques années auparavant.
A-D.N.
PIERRE DEBRAY-RITZEN (12 janvier 1988)
LA VIE AVENTUREUSE, L’ŒUVRE SCIENTIFIQUE ET PHILOSOPHIQUE
D’ARTHUR KOESTLER
Le Professeur Pierre Debray-Ritzen, Chef du Service de Pédo-psychiatrie à l’Hôpital des Enfants Malades, a su captiver les auditeurs du CDI en leur faisant découvrir l’itinéraire qu’Arthur Koestler, dont il était l’aîné, a parcouru entre sa naissance à Budapest en 1905, et sa mort à Londres en 1983. Il a montré combien cet homme s’est plongé dans les difficultés de notre époque pour en connaître les mécanismes, et découvrir les sottises, abus, machinations des politiques d’asservissement et mécanisation de l’homme.
Pierre Debray a étudié les foucades et enthousiasmes, les angoisses et inquiétudes par lesquelles est passé Koestler avant de porter ses jugements. Avoir eu 30 ans en 1935, comme Malraux et Hemingway, entre l’antisémitisme hitlérien et les hésitations de la guerre d’Espagne, être entré en communisme et y renoncer en dénonçant l’absolutisme stalinien, ne donne pas un regard simplifié sur l’avenir de l’humanité. Avec « Le zéro et l’infini », « Le yogi et le commissaire », Koestler parcourt les sentiers de la vie politique de l’Europe. Il approche le sionisme, combat le nazisme, découvre les vices des purges et du goulag, connaît la vie de réfugié, de proscrit, de prisonnier. De cette expérience, naissent de grands livres : « La tour d’Ezra », « Spartacus », « La lie de la terre ».
Mais là encore, Koestler va trouver une nouvelle voie. Il se retire des joutes politiques et retrouve ses racines de polytechnicien de Budapest et de journaliste scientifique pour étudier les conceptions sur l’univers, l’évolution des idées scientifiques et y démasquer les leurres, les conformismes, le verbiage ou les stéréotypes.
Le Professeur Debray-Ritzen nous fait partager l’estime qu’il garde pour l’un des Maîtres dont il a partagé les préoccupations jusqu’à ses derniers jours avant que Koestler n’adresse son adieu à ses amis le 3 mars 1983.
« Je souhaite que mes amis sachent que je quitte leur compagnie en paix, avec l’espoir timide d’une après-vie dépersonnalisée, au-delà des limites de l’espace, du temps et de la matière, et au-delà des limites de notre compréhension ».
Dans les années 1960, il semblait sot ou sacrilège d’oser émettre un doute sur les pratiques des émules de Freud. Pierre Debray-Ritzen a eu le rare mérite de s’opposer aux opinions trop monopolistiques régnant sur la genèse des désordres affectifs et l’éducation de l’enfant, et il contribue à rétablir la difficile connaissance des relations entre le cerveau et la psychologie, et leurs intrications pathologiques. N’était-il pas alors déjà sur les traces de l’ami qu’il allait connaître…
A-D.N.
LE CERCLE ET SES VISITES D’UNE DEMI-JOURNEE
Conférences, voyages documentaires, journées culturelles, le CDI n’a pas limité là ses activités. Durant les mois d’hiver, il organise des visites d’une demi-journée, chaque mois, à Paris ou dans la proche banlieue. Soucieux de variété dans notre programme – variété et complémentarité – nous avons proposé à nos adhérents des visites techniques souvent couplées avec une conférence ou une autre sortie plus large.
Ainsi notre visite à la Manufacture de Sèvres a été précédée d’une conférence sur la céramique et l’histoire de cet artisanat devenu un art. De même notre voyage en TGV de Garches à Beaune a suivi une visite aux ateliers d’entretien et de réparation de la SNCF à Villeneuve-Saint-Georges ; donc nous étions déjà initiés aux prodiges de la technique moderne et aux exigences de la sécurité avant d’aborder le voyage au cours duquel quelques-uns d’entre-nous (quelques-uns seulement, mais nous étions 400 !) ont pu passer quelques instants dans la cabine (les anciens du PLM ou du PO diraient le salon I) de pilotage.
Les réalisations les plus modernes du Paris culturel et urbain ont eu notre visite ; que ce soit le Centre Pompidou (Exposition de Vienne 1880-1930), le Musée d’Orsay ou la Cité des Sciences et la Géode à la Villette, mais aussi nous avons connu « de l’intérieur » la construction de la Défense et celle de la nouvelle ligne Ermont-Invalides.
Chaque année également depuis 10 ans, le Paris historique nous a révélé quelques-uns de ses secrets et de ses trésors retrouvés sur place à Notre-Dame, à la Conciergerie, aux Gobelins ou groupés en larges fresques au Musée Carnavalet.
L’art et la littérature ne nous ont pas été étrangers et nous avons pu vivre quelques instants dans l’intimité de Balzac ou de Chateaubriand, rue Raynouard ou à Châtenay, l’Opéra de Paris – bien qu’inauguré en 1874- nous a rappelé les fastes du Second Empire que Madame Schmitz avait évoqués quelques mois auparavant dans une conférence sur les fastes et les drames que cette période avait suscités à Saint-Cloud et à Garches.
Nous savons qu’il reste encore beaucoup de choses à découvrir dans notre région et nous n’épuiserons pas les trésors de la Capitale et de sa couronne même si nous attendons dans dix ans de fêter notre deuxième décennie. Pourtant nous avons d’autres projets dont celui d’insérer le CDI dans les visites des Grandes Expositions (type Gauguin), mais c’est une question complexe qui demande une structure souple et une communication immédiate. C’est un projet parmi d’autres qui montre la vitalité du Cercle que notre amicale équipe d’animateurs s’attache à étendre et à dynamiser.
E.B.
CENTRALE NUCLEAIRE
SAINT-LAURENT DES EAUX (mai (981)
C’est le mardi 26 mai 1981 que nous avons visité la première Centrale Nucléaire construite sur les bords de la Loire, non loin de Beaugency, à 159 km de Paris.
Sous la conduite d’ingénieurs de l’EDF, par petits groupes de huit, nous avons parcouru l’installation placée sous haute protection, de la partie « Chaufferie » tout particulièrement concernée au titre d’énergie atomique.
La Centrale comporte deux tranches, A et B, mises en service respectivement en 1969 et 1971. C’est la tranche « A », la plus ancienne, que nous avons visitée. La filière utilisée est celle d’uranium naturel, graphite, gaz remplissant respectivement les rôles de combustible, médiateur et fluide calorique. Ce fluide calorique passe au contact d’un échangeur contenant de l’eau pompée du fleuve voisin pour arriver à une production de vapeur nécessaire à la mise en œuvre d’ensembles turbo-alternateurs générateurs de courant électrique semblables à la production, toutes énergies de base confondues, du réseau EDF.
La France, en comparaison avec sa superficie, est assez bien pourvue en uranium naturel, ce qui n’est pas un mince avantage.
A ce jour, l’énergie atomique fournit près de 70 % de notre production d’électricité.
En dépit des appréhensions bien compréhensibles face à l’appellation « atomique » qui pouvaient assaillir certains visiteurs avant de pénétrer dans la Centrale, tout le monde a dû admettre à la sortie que toutes les mesures de sécurité nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble étaient appliquées avec une totale rigueur par une équipe particulièrement vigilante et responsable. Félicitations à EDF pour cette conception de son devoir !
Soit par continuité directe de ses lignes à haute tension prolongées au-delà de nos frontières terrestres, soit par ligne sous-marine avec la Grande-Bretagne, le réseau EDF est interconnecté avec tous ses voisins européens. Suivant les moments, les besoins, les accords, chaque pays exporte ses surplus disponibles ou complète ses besoins en important l’énergie temporairement nécessaire.
Notre pays se trouve au centre du dispositif de production, distribution et répartition d’énergie, mais ne pourra assumer toutes les responsabilités lui incombant de ce fait que par l’accomplissement vigilant des consignes de sécurité.
Il faut voir dans cette configuration géographique un prélude technologique à l’Europe de demain.
J.S.
VOYAGE A BEAUNE EN T.G.V. (mars 1986)
Faire venir un T.G.V. à Garches était pour beaucoup de gens, une gageure ou un rêve, cependant en ce matin du mardi 18 mars 1986, une rame T.G.V. est bien là, sur la voie centrale ; c’est une petite révolution en gare de Garches et une première pour la SNCF.
Donc Garchoises et Garchois prennent place dans le train, pour se rendre au cœur de la Bourgogne viticole : Beaune, célèbre par ses Hospices et ses vins prestigieux. Durant le voyage, Bernard Collins, Directeur des Relations Publiques de la SNCF Ouest, nous commente les performances du T.G.V.
A 6 h 37, le convoi s’ébranle. Nous devons nous immiscer, selon un horaire précis, dans le trafic banlieue intense du matin. Premier arrêt, Saint-Cloud, départ en sens inverse. A Viroflay, nous empruntons le viaduc pour rejoindre Versailles-Chantiers. A 7 h 45, nous prenons la Grande Ceinture Sud par Massy-Orly jusqu’à Valenton. 8 h 30, départ vers les voies du Sud-Est et la ligne nouvelle T.G.V. à Lieusaint-Moissy où nous roulerons à 270 km à l’heure jusqu’à Montbard, où nous retrouvons la ligne Paris-Dijon-Lyon-Marseille. A 10h 00 précises nous arrivons en gare de Beaune. Huit cars nous attendent ; nous nous y installons.
Les visites sont échelonnées selon les sites prévus. C’est ainsi que nous visiterons la vieille ville fortifiée où subsistent six tours, des remparts des XVème et XVIIIème siècles, en faisant le tour des fossés à pied.
Visite de l’ancien Hôtel des Ducs de Bourgogne où se trouve le musée du vin ; puis de l’Eglise Notre-Dame où, du Xème au XVIème siècle, se retrouvent les arts Roman, Gothique, Renaissance. Nous nous dirigeons à pied vers l’Hôtel-Dieu en parcourant des rues pavées, chargées d’histoire, bordées de maisons très anciennes, nous transportant par la pensée vers des temps révolus. Nous ne pouvons quitter Beaune sans visiter la cave d’un négociant-éleveur, déguster ses vins, en acheter et aussi écouter une véritable conférence sur les crus de Bourgogne.
Toutes choses ici-bas, même les meilleures ont une fin. Les cars nous reconduisent à la gare, où nous attend une rame T.G.V. qui par le même itinéraire nous conduira à Garches.
G.G.
LE CERCLE EN HOLLANDE (avril 1986)
Du 21 au 23 avril eut lieu un voyage de trois jours à l’étranger. Les organisateurs avaient choisi les Pays-Bas et 90 adhérents avaient répondu à leur invitation.
L’aventure ne débute pas sous de favorables auspices. Depuis le lever du jour, la pluie « tissait la terre avec le ciel », et cette crise de larmes ne cessa qu’à Bruges où un succulent repas pris dans le cadre rustique et pittoresque d’un restaurant au bord d’un canal qui évoquait Verhaeren et Rodenbach nous rendit l’optimisme. Et puis, à Breskens, nous prîmes le bac : ciel gris, horizon brumeux, air iodé et frais mais vivifiant ; et ce fut la traversée du Zeeland, et la journée s’acheva par la vision, sur fond de ciel magnifiquement orageux, des 19 grands moulins de Kinderdijk, maintenus en état de marche car classés monuments historiques. Sur la route du retour, Monsieur Fernand Labigne fournit précisions et explications sur l’opération Delta et les techniques modernes de conquête des terres sur la mer.
Après une bonne nuit de sommeil, nous gagnâmes Amsterdam, la Venise du Nord, avec ses 20 km de canaux et ses 400 ponts, pour une visite en car.
L’architecture des maisons nous prend sous son charme ; avec leurs briques rouges sur lesquelles se détache le blanc encadrement des multiples fenêtres, ornées dans leur partie supérieure de courts rideaux brodés, à larges festons, et dans leur partie inférieure d’un alignement de plantes vertes et de fleurs – jamais de volets – notre regard émerveillé plonge, sans que nous ayons l’impression de commettre ni viol d’intimité, ni indiscrétion, dans l’intimité des intérieurs confortables ou abondent beaux meubles et bibelots de luxe.
En contraste avec ces riches demeures, de petites maisons de bois sont construites sur pilotis, le long des canaux. Et puis défilent devant nous les quartiers des notables et des riches bourgeois, les belles maisons du XVIIème siècle, les imposants immeubles officiels et administratifs, et … les brasseries.
Notre circuit se termine par la visite du Rijkmuseum où nous sommes subjugués, éblouis par la célèbre « Ronde de nuit » de Rembrandt aux séductions inépuisables pour les amateurs d’art. Mais le Rijkmuseum lui-même est inépuisable et il ne serait pas trop d’une semaine pour en admirer la magnifique collection de tableaux de maîtres hollandais du XVIIème siècle (Rembrandt, Vermeer, Jean Steen, Franz Hals, Van Goyen, Ruysdaël, Cuyp, etc.).
L’après-midi nous faisons la visite rapide d’une diamanterie où l’on nous donne des explications sur les opérations multiples et délicates de la taille, mais le métier n’attire plus les jeunes, et pourtant… nos compagnes ne nient pas que leurs tentations, elles, restent fortes ! Ensuite, nous avons à choisir entre le lèche-vitrines dans les rues piétonnières, ou la visite du Musée Van Gogh, d’une richesse exceptionnelle : on y peut suivre avec clarté l’évolution de la technique du peintre mais aussi l’approche progressive du drame dans lequel sa raison finira par sombrer.
Puis, à la fin d’un repas de qualité, tous les natifs d’Avril du Cercle, regroupés au centre de la salle à manger, reçoivent un souvenir typique hollandais, tandis que circule une table roulante où trône un succulent gâteau de belle taille, Et bravos amicaux de crépiter !
Enfin, nous gagnons une vedette pour « la croisière nocturne » sur les canaux illuminés où se reflète le ciel étoilé si bien que nous avons l’impression de voguer entre deux firmaments. Nous passons sous de multiples ponts dont les arches rejoignent leur reflet sur l’eau sombre, créant ainsi des disques de feu à travers lesquels, comme lion ou tigre de cirque, notre vedette bondit. Après une incursion en pleine mer, nous regagnons le quai.
Et vient le dernier jour. Le voyage touche à sa fin. Le temps s’est fait clément comme s’il voulait se faire pardonner ses incartades du premier jour.
Au printemps, derrière les dunes, la terre sort de son long sommeil hivernal … mais cette année, elle dort encore !
Avant notre départ, nous sommes venus lui rendre visite, en ce célèbre parc floral de Keukenhof, trois semaines trop tôt, et sur ce vaste damier multicolore un bon nombre de cases sont encore vides. Néanmoins, nous pouvons admirer trois grands palais de verre où éclatent des mers de tulipes, de narcisses, de hyacinthes, et profusion d’autres fleurs. Et n’oublions pas le temple de la décoration florale d’un art exquis où d’immenses compositions et des bouquets harmonieux ravissent les yeux.
Nous avons vu tout cela en Hollande et bien d’autres richesses encore !
Et nous regagnons une dernière fois nos cars, mais c’est pour le retour à Garches après un arrêt-repas à Breda où nous « dilapidons » en chocolats, gâteaux secs et cartes postales ce qui nous reste de monnaie hollandaise.
F.L.
CROISIERE SUR L’OURCQ (Juin 1987)
J’étais encore un enfant, mais l’enfant n’oublierait jamais certains noms que la Grande Guerre devait lui apprendre : avant Verdun, c’était, par exemple, l’Ourcq. Presqu’autant que la Marne, en raison de sa dure consonance. Bien sûr, je ne savais pas alors que c’était une rivière, puis un canal construit sur ordre de Bonaparte. Mais je sentais que le mot, quand on le prononçait, était lourd d’angoisse, que la ville de Paris était en péril.
Puis, des années, des décennies, passèrent. L’intérêt diminuait mais ce n’était pas l’oubli, d’où le désir qui me vint, comme à tant de nous, de participer à la croisière organisée par le CDI. C’était le mardi 23 juin 1987. Mais j’avais bien raison. Ce fut une journée réellement charmante par beau temps, pleine de bonne humeur, coupée d’un excellent déjeuner à Claye-Souilly. Pour moi, une des meilleures de la saison et, pour en connaître les raisons touristiques, il suffit de relire le petit texte offert d’abord à notre attention. « Croisière hors du temps, contraste entre l’animation de la grande ville et le calme bucolique dans la campagne briarde, canal à gabarit réduit avec petites écluses, paysages aux teintes transparentes d’aquarelles, parc forestier de Sevran … ».
A la vérité, tout fut encore mieux que prévu, espéré …
Cherchons vite un autre canal hors de Paris pour revivre l’aventure !
A.D
LE CERCLE EN IRLANDE (Mai 1988)
Est-ce la bonne période pour visiter cette ? En tout cas, il ne pleut pas ; le ciel est même ensoleillé. A l’escale de Dublin, un Irlandais me dit en souriant : « the sun shines » ! Il semble satisfait de pouvoir le constater. Je pense à Bernard Alexandre, l’auteur de « Le horsain » qui vit au pays de Caux, région dont il affirme avec un certain sourire « qu’il y pleut trois jours sur deux ». A mon voisin, dans l’avion, je signale qu’Heinrich a été frappé par le fait que les habitants de l’île sourient volontiers « quelquefois », dit-il, et dans son regard passent les images des malheurs qui s’abattirent sur sa patrie.
Nous quittons l’avion marqué d’une feuille de trèfle, traversons la ville de Cork. Le programme a prévu la visite d’une fabrique de lainages à Blarney. Le groupe s’y attarde ; il est trop tard pour voir autre chose. La route à deux voies, route sinueuse comme tant d’autres en ce pays, se glisse entre des ajoncs en fleur et nous conduit à l’hôtel Parknasilla, près de Sneem. En chemin on nous renseigne sur les habitants. Les familles de cinq enfants sont encore nombreuses. Le chômage sévit également, si bien que beaucoup de jeunes, « les meilleurs », quittent le pays. Les Irlandais restent les plus grands buveurs de thé. La langue gaélique est obligatoire dans les écoles primaires …
Le lendemain, après un petit déjeuner copieux, nous partons par un temps très gris ; une petite pluie tenace se met à tomber. Du haut d’un col, coup d’œil sur les lacs embrumés de Killarney. Après avoir franchi de jolis ponts de pierre – impossible de s’arrêter, en raison de l’étroitesse de la route – le car nous laisse à proximité du château-fort de Ross. Il se dresse au bord d’un lac ; de nombreuses hirondelles volettent tout autour. A Killarney, certains participants partent à la recherche d’un bureau de poste, d’autres se sentent attirés par les magasins. Nous déjeunons à deux kilomètres de là. Un arrêt à Waterville nous fournit l’occasion de déguster le fameux « Irish coffee ». Le village de Sneem que nous rejoignons dans la soirée, est remarquable par des maisons peintes chacune d’une couleur différente, sans doute en réaction contre le temps qui, lui, n’est pas toujours souriant. Dans les arbres, les corneilles ont installé leurs nids.
Dimanche. Le départ est pour tout à l’heure. Nombreux sont les promeneurs le jardin de l’hôtel ; il s’étend jusqu’ à la mer. Un micro-climat règne dans cette partie sud-ouest de l’Irlande, grâce au Gulf-Stream, si bien que les palmiers ne sont pas rares.
Débarquement dans l’île de Garinish, près de laquelle, nous dit-on, on rencontre des phoques et des cormorans. Depuis 1910, cette île est un jardin « à l’italienne ». Un richissime Italien, amoureux de cette région, y a fait transporter suffisamment de terreau pour les fleurs et les plantes diverses. Il pleut, mais il ne fait pas froid. L’île est un enchantement.
La petite ville de Kenmare, où commence l’anneau de Kerry, riche de magnifiques panoramas, se distingue également par des maisons de couleur dont la belle harmonie fait oublier la petite pluie. Devant l’église, une grande croix en pierre, d’inspiration gaélique. C’est dans ces parages que l’expédition de Hoche, en décembre 1796, destinée à soulever les Irlandais contre les Anglais, connut son échec. Une autre tentative plus au nord, en août 1798, sous le commandement du général Humbert, remporta quelque succès. Par la suite, Humbert dut s’incliner devant les forces anglaises de beaucoup supérieures en nombre.
Killarney est proche. Le regard embrasse les lacs qui font sa réputation. Nous ne dînons pas à notre bel hôtel tout enveloppé de verdure. Nous nous rendons dans un ancien manoir, à quarante minutes de trajet, où un spectacle de danse et de musique nous attend.
Le matin suivant, visite de l’abbaye de Muckross, joliment située, intéressante bien qu’en ruine, ainsi que Muckross House qui montre la vie d’autrefois : les ateliers, l’ameublement. Ce qui nous laissera un souvenir durable, c’est le magnifique parc avec ses rhododendrons imposants, son chêne de Birmanie, ses arbres vigoureux, sa pelouse parfaite, la nature devenue l’amie de l’homme. Et quand, pour le retour à Paris, l’avion eut commencé à rouler, avec son aile à quelque cinq mètres d’un corbeau, eh bien ! celui-ci, immobile, nous regarda passer.
H.L.
LE CERCLE EN ILE-DE-FRANCE
DU ROMAN AU GOTHIQUE (octobre 1986)
Le mardi 14 octobre 1986, 120 adhérents du C.D.I. quittaient Garches très tôt pour visiter entre autres les usines de pâtes Rivoire et Carret, le musée Calvin et la cathédrale de Noyon.
La journée commence par une conférence dans l’usine de Chiry-Ourscamp où deux cadres, après un historique de Rivoire et Carret depuis 1855 jusqu’à nos jours, nous entraînent à travers l’usine, pour nous initier aux mystères de la fabrication des pâtes.
Visite fatigante à cause du bruit et de la chaleur qui règnent dans l’usine, mais pleine d’intérêt et qui s’achève par la distribution gracieuse d’échantillons variés.
Mais l’un des buts de notre voyage est de découvrir la transition du Roman au Gothique, et la progression de l’art gothique à travers les « essais » des petites églises jusqu’aux prouesses des cathédrales : de la naissance (Eglise de Morienval) à son implantation (Cathédrale de Noyon) jusqu’à son épanouissement et son rayonnement dans les structures de l’Abbaye d’Ourscamp. Partout l’histoire s’inscrit dans la pierre.
Nous gagnons Noyon où après un repas rapide, nous partons à pied visiter la Maison-Musée Calvin. On peut y voir de nombreux portraits de Calvin, des toiles significatives de l’histoire de la Réforme, des autographes, des médailles, des sceaux, des livres imprimés de son vivant ; des coffres du XVème et XVIème siècles décorent les pièces. Visite malheureusement trop rapide … mais un conférencier plein d’humour et d’émotion d’ailleurs nous attend à la cathédrale.
Ce monument est le quatrième édifié sur un lieu de culte gallo-romain comme l’ont révélé des fouilles effectuées de 1921 à 1923. En raison de la variété des styles, on a souvent qualifié la cathédrale de Noyon de « Cathédrale de transition » ou de « Parthénon de l’architecture chrétienne ».
A droite, s’élève un extraordinaire bâtiment à colombages. Il s’agit de l’ancienne librairie des chanoines. Construite au XVIIème siècle, elle a été restaurée après les dégâts de la guerre 14-18. Son unique étage repose sur des piliers de bois sculptés. La bibliothèque contient près de 3 500 volumes. Le plus précieux est le célèbre évangéliaire de Morienval, du IXème siècle, enrichi d’incomparables miniatures et connu du monde entier. Mais aussi quatre incunables dont de rarissimes motets de musique médiévale.
Déjà 17 heures ! Il est temps de rentrer, tout en nous permettant de prendre le chemin des écoliers : forêt d’Ourscamp, forêt de Laigue. Nous passons devant le Château de Pierrefonds avant de nous arrêter à la nuit tombante devant l’église de Morienval. C’est un des plus beaux édifices romans de la région Paris-Picardie. La silhouette de cette abbatiale avec ses 3 tours est caractéristique. Derrière l’église nous pouvons admirer un paisible paysage, forêt au loin, potagers à nos pieds.
A Ourscamp enfin, nous avons pu voir dans le squelette de sa magnifique structure, puisqu’il ne reste plus que les arcs ogivaux, le gothique rayonnant à son apogée, dont la simplicité et l’élégance de l’architecture sont éclairées par des gravures et de nombreuses baies ogivales et tréflées. Et nous emportons le souvenir de ce qui fut construit non par un peuple de « goths » (barbares), mais par des hommes de foi et de métier, chez qui la tradition et l’adresse manuelle compensaient l’ignorance de la règle à calcul et des mathématiques.
Spaghetti !!!
F.L.
Il reste maintenant à préciser les prochaines ambitions du CDI.
De l’ensemble des articles et des synthèses que nous venons de vous proposer se dégage une idée permanente :
« Apprendre et transmettre »
« Apprendre pour continuer »
« Apprendre pour se continuer »
C’est dans ce but que nous portons tous nos soins à la rédaction trimestrielle des comptes-rendus de nos conférences et visites. Ils sont adressés à nos adhérents, répartis dans quelques milieux culturels, et à la disposition de tous dans les bibliothèques de Garches. Les conférences, enregistrées sur cassettes sont par ailleurs disponibles en Mairie.
Nous pensons que cet effort est à étendre et notamment vers les établissements scolaires. Pour ne parler que du premier trimestre de l’année 88-89, la vie de Pierre et Marie Curie, celle de Roland Garros, les ans de l’Etat d’Israël ou l’Avenir de L’Europe sont au programme de bien des étudiants, au centre de bien des curiosités.
Un autre effort doit être fait en direction des associations des communes voisines ayant le même objectif, ou d’associations garchoises dont les intérêts et curiosités recoupent souvent ceux du CDI.
Enfin, nous tenons à maintenir au Cercle le plaisir que chacun trouve à participer à ses activités, non seulement pour se renseigner et pouvoir transmettre, mais aussi pour se retrouver dans une ambiance amicale et studieuse.
C’est sur ces bases, enseignement, communication, amitié que s’est construit, puis développé notre Cercle ; c’est sur elles qu’il continuera à nous rassembler et à rayonner.
E.B.
+ de 1050 textes des conférences du CDI sont disponibles sur le site du CDI de Garches et via le QRCode