Thèmes : Art – Histoire – Musique – Société                                                                                                                           Conférence du mardi 7 mars 2023

GERMAINE SABLON, QUI ÊTES- VOUS ?

Par Monsieur Michel MERCKEL, professeur honoraire.

INTRODUCTION

Germaine Sablon, grande vedette d’avant-guerre puis résistante de la première heure a été l’égérie du Chant des partisans. Elle fut chanteuse à 16 ans et actrice à 20 ans. Par suite de son engagement dans la Résistance, elle est dénoncée et fuit à Londres en 1943 où elle participe à la création et chante pour la première fois le Chant des partisans, qui devient rapidement l’hymne des résistants.

Engagée dans la France libre, elle s’enrôle dans une unité médicale en tant qu’infirmière et participe à de nombreuses campagnes. Elle est blessée à deux reprises et reprend sa carrière d’artiste une fois la paix revenue. De 1945 à 1955 elle reprend sa carrière et enregistre une trentaine de chansons. Elle donne aussi de très nombreux concerts à travers le monde. Elle s’éteint le 17 avril 1985 après avoir eu une vie bien remplie.

I – Germaine Sablon : une artiste triomphante.

Germaine Berthe Sablon naît le 19 juillet 1899 au Perreux-sur-Marne. Elle est la fille de Charles Sablon, un compositeur, sa mère était sage-femme. Elle a trois frères qui feront eux aussi carrière dans le monde du spectacle. Marcel sera le directeur du Palais de la Méditerranée à Nice, André deviendra compositeur et chef d’orchestre quant à Jean, il deviendra un célèbre crooner. Germaine baigne dans la musique dès sa plus tendre enfance. Très jeune, elle est formée au piano et au chant classique.

Dès 1915, à 16 ans, elle commence à chanter dans des opérettes. Elle se marie avec Maurice Bloch en 1918 mais elle s’ennuie, sa personnalité ne correspondant pas avec une vie sage de femme au foyer conformément aux critères de l’époque. Elle divorce en 1921 et le jour même du divorce se remarie avec Jean Legrand, chanteur et fils du propriétaire du Journal de Valence. Elle donne naissance à ses deux fils, Pierre et André.

A partir de 1932 elle se remet à la chanson et c’est le grand succès. Elle passe régulièrement à la radio et ses chansons sont connues de tous. Elle sera la première à chanter « Mon légionnaire », chanson qui sera reprise quelques années plus tard par Edith Piaf. Le disque fait son apparition et elle enregistre plusieurs chansons avec des airs empreints d’un rythme et une poésie inédits.

Elle fera aussi une carrière d’actrice avec un premier film tourné en 1919 La double existence du docteur Morart, film muet de Jacques Grétillat. Alors que le passage au cinéma parlant a brisé la carrière de plusieurs acteurs car leur voix passait très mal, Germaine Sablon poursuit sa carrière brillamment. Dans plusieurs de ses films elle chante mettant ainsi sa voix en valeur au cinéma. Entre 1932 et 1939 Germaine Sablon enregistre 80 chansons et tourne 15 films. Par ailleurs, elle fait des tournées et donne de nombreux concerts qui se terminent par une troisième mi-temps à la manière des matchs de rugby. Elle rencontre Joseph Kessel avec qui elle aura une longue histoire d’amour, mais aussi d’autres grands noms de la vie culturelle des années 1930 comme Jean Marais, Jean Cocteau, Serge Lifar ou Pablo Picasso. Cette joie de vivre s’arrête avec la seconde guerre mondiale.

Germaine Sablon ne reprendra sa carrière artistique qu’après la guerre. De 1945 à 1955, elle enregistre une trentaine de chansons. Fin 1945, elle entame une tournée au Brésil avec son frère Jean. En 1950 elle se produit au Blue Angel Club à New York et elle devient ambassadrice de la chanson française à l’étranger. Enfin en 1955, elle tourne son dernier film La foire aux femmes de Jean Stelli.

II – Germaine Sablon : une vaillante résistante.

Si Germaine Sablon était une grande vedette avant-guerre, elle a aussi été une patriote et une résistante de la première heure.

Dès le début de la guerre en 1939 elle s’engage dans le théâtre des Armées. Ce théâtre avait été créé durant la première guerre mondiale car au cours de la Grande Guerre les périodes d’attente entre les combats pouvaient être longues alors, on faisait du sport, on jouait de la musique ou on montait des pièces de théâtre. De grandes vedettes comme Sarah Bernhardt viendront jouer pour les soldats. Le théâtre continue d’exister jusqu’au conflit de 39-45 et Germaine Sablon ira chanter pour les soldats de la ligne Maginot. Très vite, elle cherche à être plus utile et elle s’engage comme infirmière.

Lorsque l’armistice est signé, Germaine Sablon se refuse à accepter l’occupation de la France et elle s’engage secrètement dans la Résistance. L’appel du 18 juin 1940 du Général de Gaulle a été un espoir pour de nombreux français patriotes qui rallieront la Résistance sans en tirer aucune gloire. En 1940 Germaine Sablon part s’installer dans le sud de la France, en zone libre. S’étant engagée sans en parler à personne, elle n’apprendra que plus tard que son amant Joseph Kessel était lui aussi résistant. Elle organise pour le réseau d’évasion Hugo le départ et l’embarquement nocturne d’officiers français, polonais et alliés à destination de Londres avec l’aide d’André Gillois et André Girard. Son groupe est dénoncé et de ce fait elle doit fuir à travers l’Espagne puis le Portugal d’où elle rejoint Londres en février 1943. En Angleterre elle retrouve Joseph Kessel, son neveu Maurice Druon et Alberto Cavalcanti, un réalisateur brésilien qui tourne un film (Three songs about Resistance) sur la Résistance. Ce dernier souhaite intégrer à son film une chanson qui serait une chanson de ralliement  et un hymne emblématique de la Résistance.

Un soir de mai 1943 Germaine Sablon accompagnée de Joseph Kessel et Maurice Druon se rend au Club Français de St James Park. Là elle rencontre Anna Marly une russe blanche exilée qui chante des airs du folklore cosaque en s’accompagnant à la guitare. Germaine Sablon est sous le charme de cette musique et souhaite que Joseph Kessel lui écrive des paroles mais il est dans l’ecriture son roman L’armée des ombres et n’est pas très enthousiaste. Mais Germaine insiste et le 29 mai 1943 avec l’aide de Maurice Druon, la chanson est prête. Germaine Sablon transpose dans la nuit la chanson dans un petit carnet et dès le lendemain, le 30 mai, la chanson passe dans le programme de la BBC Les Français parlent aux Français et devient rapidement l’hymne de la Résistance. Le texte sera imprimé dans Les cahiers de la Libération et largué par la RAF sur les territoires occupés. Le chant des partisans remplace pour certains « La Marseillaise» interdite par les Nazis. Il est entonné pour des funérailles de résistants morts au combat en particulier lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964.

Germaine Sablon poursuit sa lutte. Aux ordres de la 1^èreDivision Française Libre, elle se retrouve infirmière dans les ambulances de Lady Spears durant les campagnes de Libye et de Tunisie où son fils est blessé. Elle sera également de la campagne d’Italie où elle sera blessée au Mont-Cassin. Elle participe au débarquement de Provence en 1944 et à la libération de l’Alsace. Considérant sa mission accomplie, Germaine Sablon retourne à la chanson et dès le 24 mars 1945, elle chante au théâtre des Champs Elysées.

Elle recevra de nombreuses décorations dont la Croix de guerre avec palmes, la médaille de la Résistance française et la Légion d’honneur.

CONCLUSION

Son frère Jean, disait d’elle « Très courageuse, entière et spontanée mais toujours pressée ». Jean Cocteau la définissait comme « un cœur qui chante ». Germaine Sablon avait une personnalité remarquable qu’elle a su mettre au service des autres.  Renonçant à sa carrière artistique au moment de la seconde guerre mondiale, elle s’engagea résolument dans la Résistance Française où elle fut héroïque. Égérie du Chant des partisans, elle fait partie de ces femmes qui par leur courage et leur engagement ont permis de faire avancer le droit des femmes en se montrant l’égal des hommes face à l’adversité. Un des droits acquis juste après la guerre sera le droit de vote.

On trouve une rue à Saint Raphaël, une allée à Saint-Jean-Bonnefonds, une promenade à Paris dans le 13^e arrondissement et un groupe scolaire au Perreux-sur-Marne, sa ville natale, qui portent son nom.

Mère de deux enfants, Germaine Sablon a vécu en « être libre » fidèle à son idéal humaniste. Femme de cœur, de conviction et d’engagement, partageant sa soif de vie, elle reste un exemple pour tous.

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