HISTOIRE DE L’OPÉRA DE PARIS, DE LOUIS XIV À CHARLES GARNIER

Thèmes: Art, Danse, Musique                                                                                            Conférence du mardi 26 septembre 2023

HISTOIRE DE L’OPÉRA DE PARIS, DE LOUIS XIV À CHARLES GARNIER

Par Madame Catherine COUDERT, diplômée d’histoire et d’histoire de l’art, guide conférencière.

INTRODUCTION

L’Opéra de Paris est la compagnie française d’opéra et de ballet ayant succédé à celles réunies dès 1669 au sein de l’Académie royale de musique.

Depuis 1669, l’Opéra de Paris a occupé plusieurs salles, l’histoire en retient quinze. Certaines ont disparu, d’autres ont d’autres fonctions de nos jours, certaines ont été occupées plusieurs années, d’autres quelques mois. Ce n’est qu’en 1875, lorsque le Palais Garnier est inauguré, que l’Opéra de Paris s’y installe. Depuis 1990 et l’inauguration de l’opéra Bastille, l’Opéra de Paris s’organise entre ces deux salles.

I – Les débuts : l’Opéra et le pouvoir royal (1669-1687).

L’opéra est réellement né en 1598, en Italie où à Mantoue Jacopo Peri écrit La Dafne qui est considéré comme l’un des premiers opéras. C’est un mélange de poésie, chant et danse.

Au début du XVIIe siècle, toujours en en Italie, Claudio Monteverdi compose en 1607 le premier opéra qui marquera les esprits, Orfeo. A la mort de Monteverdi en 1643, l’opéra est déjà un succès partout en Italie. Dans les années 1630 l’opéra se développe particulièrement à Venise où l’ouverture pour la première fois du théâtre San Cassiano à un public payant a pour conséquence d’élargir l’audience de l’opéra au-delà des cours fréquentées uniquement par la noblesse. L’opéra étant jusqu’alors un art réservé aux cours italiennes notamment à celle des Gonzagues où avait été donné pour la première fois l’Orfeo.

En France, c’est le cardinal Mazarin, d’origine italienne, qui ouvre la porte à l’opéra italien en faisant donner dans la salle du Petit-Bourbon La finta pazza de Francesco Sacrati en 1645 afin de divertir le jeune roi Louis XIV. C’est le premier opéra donné à Paris. La salle est démolie en 1660 pour faire place à la colonnade du Louvre. La salle des Machines qui lui fait suite est installée au Palais des Tuileries et sera inaugurée en 1662 avec L’Ercole amante de Francesco Cavalli commandé par Mazarin pour le mariage de Louis XIV.

En 1669 est créée une académie d’Opéra à la suite du privilège accordé au poète Pierre Perrin l’autorisant à établir des théâtres ayant la capacité exclusive de proposer au public des opéras ou représentations en musique et en vers français. Cette patente octroyée à Perrin marque le début de l’Opéra français.

Pierre Perrin s’associe à Robert Cambert et M. Sourdéac, afin de créer leur propre spectacle. M. de Sourdéac est un noble, un aventurier, passionné de machineries théâtrales – il sera un des financiers du spectacle et celui qui gère les « effets spéciaux ». Et c’est ainsi que le 3 mars 1671, Pomone, considéré comme le premier opéra français est créé sous l’égide de l’Académie d’opéra dans la salle du Jeu de Paume de la Bouteille. Perrin, endetté, est déjà en prison au moment de cette première représentation d’un opéra français.

Cette œuvre est un succès puisqu’au moins 146 représentations ont eu lieu.

L’Académie d’opéra ne bénéficie pas de subvention royale et doit trouver par elle-même les moyens de son fonctionnement. Mais les décors, les costumes et les imposantes machines pour les effets spéciaux sont chers. Endetté et floué par ses associés, Perrin, déjà en prison cède son privilège à Jean-Baptiste Lully, lui aussi d’origine italienne. Celui-ci, fin négociateur, obtient du Roi qu’il refonde à son profit l’institution sous le nom d’Académie royale de musique en 1672.  Lully obtient aussi la salle du Palais Royal, profitant de la mort de Molière et de la protection du roi. Son premier opéra Cadmus et Hermione y est créé en 1673, et l’institution y restera jusqu’en 1781. Lully réussit également à obtenir l’autorisation de jouer à Versailles, obtenant par là même une aide financière du Roi. Dans le domaine artistique, Lully créé avec son premier opéra un nouveau genre dramatique, la tragédie lyrique, dont les aspects héroïques, l’opulence et la solennité répondent aux désirs de gloire et de grandeur du Roi. A son décès en 1687, Lully laisse à ses successeurs une institution économiquement prospère et au répertoire apprécié.

II – L’Opéra au XVIIIe siècle.

C’est au XVIIIe siècle qu’apparaît à Naples un nouveau genre, l’opéra bouffe qui s’oppose rapidement à l’opéra dit sérieux. En France une querelle s’installe entre les partisans de l’opéra italien entraînés par Jean-Jacques Rousseau notamment, et les défenseurs de l’opéra français menés par Jean-Philippe Rameau. Déjà en 1733, les lullistes et les ramistes défendaient deux esthétiques différentes de l’opéra. Les premiers reprochaient aux seconds d’aimer le raffinement et la complexité de la musique italienne, dénaturant la tradition de l’opéra français. La nouvelle polémique des années 1750 oppose la tragédie lyrique française, genre noble et sérieux (l’opéra seria) à un genre comique visant l’expression naturelle (l’opéra buffa). Les querelleurs se disputent au parterre de l’Opéra et à coups de pamphlets, pas toujours signés.

En avril 1763, un incendie détruit la salle de l’Opéra du Palais Royal qui sera reconstruite et la salle de spectacle ouvre à nouveau en 1770. Entre ces deux dates, l’Opéra se sera installé au Palais des Tuileries. Un incendie ravage à nouveau la salle du Palais Royal en juin 1781. L’Opéra s’établit jusqu’en 1794 dans la salle de la Porte Saint-Martin.

En 1774 Christoph Gluck qui travaillait à la cour de Vienne où la future reine de France, Marie-Antoinette, était son élève, décide de conquérir Paris et travaille à une tragédie lyrique qui concilie les génies italien et français. Il crée Iphigénie en Aulide qui obtient un grand succès.  Soutenu par Marie-Antoinette, Gluck donne encore plusieurs ouvrages à l’Opéra.

Sous la Révolution, l’administration de l’Opéra est rendue à la ville de Paris en 1790 et le théâtre est dirigé par un comité d’artistes. Entre 1794 et 1820 l’Opéra réside au Théâtre National, rue Richelieu qui fut construit en 1793 et ensuite détruit sur ordre des autorités suite à l’assassinat du Duc de Berry alors qu’il sortait du théâtre. En lieu et place du théâtre une chapelle expiatoire sera construite en 1830. Avec la révolution de juillet, la chapelle est détruite et on construit une imposante fontaine à la place. Cette salle, construite sur les plans de l’architecte Victor Louis était vaste, elle comportait environ 2000 places et était très bien agencée pour utiliser la volumineuse machinerie nécessaire au spectacle.

lII – L’Opéra au XIXe siècle.

Le XIXe siècle est le siècle d’or de l’opéra. En Italie de grands noms apparaissent comme Rossini ou Verdi. En France, le compositeur Auber s’impose et des ténors comme Adolphe Nourrit sont de véritables stars. Les vrais amateurs de bel canto assistent aux opéras italiens alors que la bourgeoisie préfère l’opéra français qui met plus en valeur la danse.

En 1820 après un an passé dans la salle Favart, l’Opéra s’installe dans la Salle Le Peletier construite dans une partie des jardins de l’Hôtel de Choiseul. Cette salle qui devait être provisoire suite à la décision de Louis XVIII de faire détruire la salle rue Richelieu, restera la salle de l’Opéra de Paris jusqu’en octobre 1873, date à laquelle elle sera détruite à son tour par un incendie. Comme il s’agissait au départ d’une salle provisoire, on réutilise les matériaux de la salle de la rue Richelieu, tels que les colonnes, le devant des loges, la coupole ou les corniches. Comme la construction est extrêmement légère, la sonorité est excellente. L’éclairage qui se fait dorénavant au gaz donne une luminosité intéressante pour le spectacle. Par ailleurs, la salle est vaste, bien distribuée et dispose de grands dégagements.

C’est dans la Salle Le Peletier que l’opéra devient le lieu où il faut être vu et où l’on rencontre ses associés pour y négocier des affaires. L’opéra joue un rôle important de socialisation notamment grâce à l’administration remarquable du docteur Louis Véron, directeur de l’institution de 1831 à 1835. Ce dernier innove en créant une revue, en distribuant des entrées gratuites, en aménageant un système de claque ou en faisant construire des loges plus petites – donc moins chères, afin d’attirer la bourgeoisie. Par ailleurs, afin d’augmenter les recettes, le docteur Véron fera aménager plusieurs fois dans l’année la salle pour y organiser de somptueux bals. C’est encore le Louis Véron qui introduit le privilège accordé aux abonnés de venir au Foyer de la Danse, voir « leur danseuse » et discuter affaires, politique…Des grands peintres ont représenté des scènes se déroulant à l’opéra Le Peletier comme Edgar Degas ou Edouard Manet. Degas peindra plusieurs toiles représentant les danseuses qui à l’époque étaient des demi-mondaines que les bourgeois venaient voir avant les représentations ou à l’entracte, elles qui étaient issues bien souvent de milieux modestes et qui voyaient là la possibilité de quelque enrichissement. L’Opéra est aussi très présent dans la littérature du XIXe siècle notamment dans les œuvres de Balzac ou de Zola.

L’événement marquant de la salle Le Peletier a lieu le 14 janvier 1858 lorsque devant le théâtre, l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie sont l’objet de l’attentat d’Orsini, un indépendantiste italien. Le couple impérial en ressort indemne, mais l’empereur décide de faire détruire la Salle et il lance en 1860 le concours de « Nouvel Opéra » qui sera remporté par le jeune Charles Garnier. Après l’incendie d’octobre 1873, l’Opéra doit s’installer dans la salle Ventadour en attendant la fin des travaux du Palais Garnier qui sera inauguré en janvier 1875.

La destruction de la salle Le Peletier a plusieurs conséquences : premièrement l’accélération des travaux du Palais Garnier mais aussi des aménagements particuliers pour le nouveau théâtre dont la mise en place d’un réseau de bouches d’incendie car le feu est une cause importante de la destruction des théâtres, ainsi que l’isolement du théâtre afin d’éviter l’embrasement du quartier en cas d’incendie.

L’opéra continuant d’être un important lieu de socialisation, Charles Garnier apporte un soin particulier à la volumétrie du nouveau théâtre. Les espaces sont pensés dès l’entrée, ce qui n’avait jamais été fait pour les théâtres. Le grand foyer et le grand escalier jouent un rôle clé dans cette nouvelle organisation. Dans le domaine décoratif, Charles Garnier remet la mosaïque à la mode en faisant venir d’Italie des artistes renommés. Enfin on peut mentionner que la structure du palais est entièrement métallique ce qui est très novateur pour l’époque.

CONCLUSION

Venu d’Italie, l’opéra connaît un succès croissant en France où un style français particulier se forge peu à peu. L’Opéra devient, surtout au XIXe siècle, un lieu important de socialisation, le lieu où il faut être. Ce rôle social clé de l’Opéra est largement reflété dans les arts et la littérature.

Depuis 1669, l’Opéra français a connu des statuts différents et pas moins d’une quinzaine de salles au gré des destructions ou des aléas politiques. De nos jours, les spectacles sont donnés sur deux sites : le Palais Garnier et l’Opéra Bastille.

 

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