Thèmes: Arts – Géographie – Histoire – Société Mardi 21 Février 2017
ÎLE DE PÂQUES – MYTHES ET RÉALITÉS
par Gérard GALLEN – Ingénieur, peintre et voyageur.
INTRODUCTION
L’île de Pâques est une île mystérieuse située à 4000 kilomètres à l’ouest des côtes chiliennes. L’île doit sa célébrité à ses nombreuses statues monolithes, les Moaï. Ces œuvres ont engendré de nombreuses légendes. De nos jours la culture polynésienne a quasiment disparue même si quelques tentatives de survie persistent.
I – Présentation générale.
L’île de Pâques a été découverte en avril 1722 par le navigateur hollandais Jacob Roggeveen, le jour de Pâques d’où son nom. L’île est formée à partir de trois volcans, le Rano Raraku, le Rano Kau et le Pu A Katiki. La surface de l’île équivaut à deux fois celle de Paris. Le point culminant est le Terevaka situé à 510 mètres. L’île en forme de triangle, ne comporte que deux plages et présente de nombreuses falaises et on y trouve aussi un corail frangeant. L’île étant très isolée au milieu du Pacifique, peu de navigateurs s’y sont rendus, on peut cependant citer Gonzalez de Haedo en 1770 qui pensait être ailleurs, Cook en 1774 lors de son second voyage autour du monde, La Pérouse en 1786 et enfin Loti en 1872. L’île était peu visitée car dépourvue de richesses comme l’or ou les pierres précieuses. Ce n’est qu’à partir de 1860 qu’elle connaît un succès croissant.
II – Le peuplement
La population est un peuple polynésien probablement originaire des îles Marquises situées pourtant à 3000 kilomètres. On suppose qu’il y a eu deux vagues de peuplement, une première entre les cinquième et huitième siècles puis une autre au douzième siècle. Le peuplement se faisait lorsque des familles s’installaient, développaient l’agriculture et la population croissait.
Les îles polynésiennes furent colonisées d’Ouest en Est
Quand la population d’une île (ou d’un archipel) devenait trop nombreuse une partie prenait des volailles et des vivres et partait en famille ou par clans s’installer dans une autre île mais ils ne naviguaient pas au hasard. En effet, les premiers marins du monde sont des Océaniens. Leurs connaissances étaient bien plus vastes que celles des Européens. Ainsi Tupaia a beaucoup aidé Cook grâce à ses connaissances en astronomie et a permis d’établir une carte remarquable pour son époque. Tupaia meurt en 1170 dans l’actuelle Djakarta. Le matériel des Océaniens était également très perfectionné : des pirogues à balancier et des catamarans pouvant atteindre 30 mètres.
Le peuplement de l’île de Pâques a eu lieu avec un chef d’expédition (ariki mau) et sept clans. C’était une société très structurée avec au sommet une aristocratie au pouvoir divin. L’île était coupée en plusieurs « tranches » du sommet des collines jusqu’à la côte, c’est à dire la zone de pêche. Les frontières devaient être respectées. Comme il n’y avait pas de métal on utilisait l’obsidienne pour fabriquer les outils nécessaires à l’agriculture et pour les sculptures. A l’apogée de sa civilisation l’île de Pâques comptait jusqu’à 15 000 habitants autour des XVIIe -XVIIIe siècles.
III – Les Moaï
Ce sont des statues sculptées entre le IXe et XVIe siècle qui sont en tuf volcanique extrait du cratère du Rano Ranaku. Ces oeuvres, taillées grâce à des outils en obsidienne, ont une taille qui varie de 2 à 15 mètres et leur poids est en moyenne de 14 tonnes mais certains moaï peuvent atteindre plus de 60 tonnes. Les Moaï sont tournés vers l’intérieur des terres et dressés sur des autels (ahu) eux aussi en tuf volcanique. De nos jours il ne reste que 900 statues dont 250 dans leurs niches. Le nombre de moaï dressés a diminué entre le passage de Cook et celui de Loti surtout à cause des nombreux tsunamis. Les moaï en dépit de leur poids étaient transportés, ce qui entraînait beaucoup de casse environ 70%. Les yeux des statues étaient en corail car selon la légende ces moaï transmettaient la sagesse et les connaissances des ancêtres. Ils ont tous un tronc mais pas de jambes et leur dos présente des symboles comme le soleil, la pluie … Certains moaï ont un chapeau qui peut peser jusqu’à trois tonnes. Sur une des plages de l’île (Anakena) on peut admirer sept moaï alignés qui représentent les sept clans fondateurs qui sont à l’origine du peuplement de l’île.
IV – Une catastrophe écologique
L’expansion de cette civilisation s’est brusquement arrêtée et les hypothèses sont nombreuses. Si la thèse de la catastrophe écologique est acceptée, les avis divergent pour savoir comment cela c’est produit.
Jarred Diamond, célèbre scientifique est parti du principe que les compétitions entre clans ont engendré une démesure et que cet excès dans la création des moaï a amené à la coupe de tous les arbres provoquant à son tour une catastrophe écologique. En effet, il fallait des quantités considérables de troncs d’arbres pour déplacer ces gigantesques sculptures. Ce message est relayé par les tenants du développement durable : les Pascuans ont tué leur île. Cependant, on peut se demander comment des navigateurs aussi expérimentés qui utilisaient du bois pour les bateaux et les pirogues ont pu détruire quelques 23 essences d’arbres.
Des chercheurs ont émis une autre hypothèse, la catastrophe écologique serait le fait d’une sorte de super Niño entre 1600 et 1650 entraînant une modification climatique et par la même la déforestation totale de l’île.Un élément vient étayer cette thèse, le fait qu’à cette même période on enregistre en Nouvelle Calédonie une chute des températures et une augmentation de la salinité. On a pu constater ces deux faits en étudiant les récifs coralliens.
V – La fin des moaï et l’évolution jusqu’à nos jours.
La déforestation a entraîné la fin de la civilisation des moaï mais d’autres éléments sont venus s’ajouter comme la surpopulation ou les révoltes. On assiste alors à la mise à bas des moaÏ et à un changement radical dans les croyances des habitants. On voit naître le culte de l’homme oiseau avec l’œuf de sterne fuligineuse. Chaque année un nouveau roi est choisi et ceci jusqu’en 1870. C’est le remplacement du culte des moaï par celui des make-make et l’institution de l’homme-oiseau. On assiste aussi au développement de l’art rupestre et des pétroglyphes. Des tablettes de bois recouvertes de signes sont retrouvées, ce sont les rongo-rongo. Ces signes restent énigmatiques et n’ont toujours pas été déchiffrées. Il est intéressant à noter que ce sont les seules traces écrites disponibles des peuples polynésiens qui ont généralement une tradition exclusivement orale.
Une véritable malédiction s’abat sur l’île : des pillages successifs ont lieu, des rumeurs de cannibalisme circulent et une tragédie terrible a lieu en 1863 lorsque le Pérou, alors en possession de l’île, déporte plus de mille travailleurs pour exploiter le guano, toute l’élite de l’île est décimée. Frappée, par ailleurs, par des épidémies apportées par les Européens, la population diminue considérablement. En 1875 il ne reste que quelques centaines d’habitants. En 1879 l’île est livrée aux moutons ce qui est un autre désastre écologique. Enfin en 1888 l’île devient chilienne suite au conflit gagné par le Chili contre le Pérou. Toutes les traditions de l’île se perdent peu à peu.
De nos jours, l’île ne compte que 5000 habitants et on note une forte distinction entre les Chiliens et les autochtones. Le tourisme s’est développé à partir de la seconde moitié du XXe siècle. De nos jours l’île accueille environ 100 000 visiteurs par an et un vol quotidien assure la liaison entre le Chili continental et l’île de Pâques. On a créé un parc maritime de 720 000 km2 pour développer l’économie de l’île et on tente de reboiser avec des toromino, arbre endémique de l’île. Par ailleurs, on assiste à un rapprochement marqué des peuples polynésiens à travers des festivals, des danses ou la mise en valeur des diverses langues polynésiennes.
VI – Les théories sur l’île de Pâques.
Les théories liées à l’île sont nombreuses et parfois bien farfelues. On a affirmé qu’il y avait eu un peuplement à sec, que l’île était l’Atlantide perdu, que les extra-terrestres avaient inspiré les moaï. Certains affirment que les inscriptions que l’on trouve dans les grottes sont des sorte de hiéroglyphes égyptiens et que donc la population est d’origine égyptienne, d’autres avancent un peuplement hébreu d’autres encore un peuplement viking.
Thor Heyerdhal, anthropologue et explorateur norvégien organise une expédition prénommée Kon-Tiki qui tentait de prouver que l’on pouvait sur un radeau rallier les îles polynésiennes à partir des côtes ouest de continent sud-américain. Heyerdhal était convaincu que se sont les Indiens d’Amérique du Sud qui ont peuplé l’île. Cette théorie c’est avéré fausse et il est quasiment sûr que les peuples de Polynésie sont originaires d’Asie du sud-est.
CONCLUSION
L’île de Pâques, île très isolée au milieu du Pacifique a été la source de bien des légendes et de mythes. Les gigantesques moaï toujours présents ont eux aussi donné lieu à des théories étonnantes. La civilisation des moaï disparaît pour laisser place à d’autres croyances mais l’emblème de l’île reste les moaï. Ces statues restent la principale attraction touristique de l’île et on assiste à une remise en valeur de la culture polynésienne. La communauté rapanui veille à la conservation de ce patrimoine, inscrit en 1995 au patrimoine mondial par l’UNESCO.
Un commentaire
Jean-Michel BUCHOUD
Mar 26, 2017
Pure coïncidence, un long article sur l'Ile de Pâques et les dernières révélations est paru dans le numéro 456 de février 2017 du magazine GEO, pratiquement au moment où Gérard Gallen donnait sa conférence, avec son éclairage personnel. Conférence et article de GEO se complètent parfaitement.