Thèmes: Art, Histoire Sortie – Visite du jeudi 17 octobre 2024
Visite guidée avec Eugène JULIEN, conférencier et diplômé de l’École Nationale d’Administration
Entre 1774 et 1789, François de Monville, homme des Lumières passionné d’architecture, de botanique et de musique, créa le Désert de Retz.
Ce parc paysager aux essences rares faisait à son origine 38 hectares et comprenait 20 fabriques. Ces créations architecturales sont des constructions pittoresques, parfois extravagantes, s’inspirant des styles chinois, orientaux ou bien antiques.
Le jardin du Désert de Retz fait aujourd’hui 17 hectares et compte encore 7 fabriques : la Colonne détruite, la Tente tartare, l’Eglise gothique ruinée, le Temple au Dieu Pan, le Petit Autel presque ruiné, le Théâtre découvert et la glacière pyramide.
Sur les pas de …
Ce jeudi 17 octobre 2024, notre petit groupe, emmené par Eugène Julien, tous stoïques sous la forte pluie a mis ses pas dans les pas de nombre de célébrités qui nous ont devancés : de M de Monville à Jack Lang et François Mitterrand, en passant par Madame du Barry, Marie-Antoinette – aperçue à l’entrée du Rocher-, Elisabeth Vigée-Lebrun, le roi de Suède Gustave III, Thomas Jefferson futur président des Etats-Unis d’Amérique, Benjamin Franklin, Philippe-Egalité, le peintre Hubert Robert -le peintre des ruines-, Colette, André Breton et les Surréalistes, quelques Francs-Maçons, André Malraux, et tant d’autres célèbres ou anonymes, pour la visite du Désert de Retz à Chambourcy, ce Jardin des Lumières ou Jardin du siècle des Lumières. C’est l’époque du retour à la nature avec les idées développées par Jean-Jacques Rousseau. A la même période, le marquis René-Louis de Girardin aménage le parc d’Ermenonville et y fait construire des fabriques. Mentionnons également le Parc Monceau et le Jardin de Bagatelle. C’est la période de la rupture avec la conception du jardin à la française, où la nature obéit à l’Homme.
Qui était François de Monville : de son nom complet François-Nicolas-Henri Racine du Jonquoy, sieur de Monville et de Thuit est né en 1734 et décédé à Paris en 1797. Il est élevé par son grand-père maternel, fermier général, qui lui laissera un héritage considérable et qui lui permettra entre autres de faire construire en 1766 les Grand et Petit Hôtels de Monville à Paris.
L’histoire du Désert : c’est après l’achat en 1774 d’une maison de campagne entouré de 13 hectares de terrain dans les alentours du village de Retz (ou Roye) en limite nord de la forêt de Marly que François de Monville fait bâtir sa première fabrique, qui sera dédiée au dieu Pan. C’est le début de la création d’un jardin anglo-chinois qui verra la construction de 18 autres fabriques et le rachat de la ruine de l’église gothique du XIIIème siècle. Passionné de botanique et d’horticulture M. de Monville fera planter de nombreuses espèces d’arbres sur son domaine de 38ha. Il est fait mention d’une commande de 4050 pieds d’arbres de douze types différents venant du monde entier. A la Révolution, M. de Monville -qui échappera plus tard de peu à la Terreur, vend le domaine en 1792 à un anglais excentrique, à qui il est confisqué ; le désert passe alors de main en main jusqu’à son rachat en 1856 par Frédéric Passy 1822-1912, premier Prix Nobel de la Paix, dont la famille entretiendra le domaine pendant 80 ans. Tombé en désuétude, Colette pourra écrire : « Encore un peu de temps, et le désert de Retz ne sera plus qu’un poème à l’image d’une époque mais n’est-ce pas beau que d’une époque on sauve un poème ? ». En 1965 le ministre André Malraux s’émeut de l’état de délabrement du domaine ; les premières mesures de sauvetage de la loi Malraux imposant au propriétaire de participer au financement des travaux de sauvetage débutent au Désert en 1973. Le Désert fait alors l’objet d’une première campagne de restauration dans les années 70’s. Acquis en 2007 par la Ville de Chambourcy, le Désert occupe encore aujourd’hui un espace de 17ha, dédié à la culture. Il fait désormais l’objet de nombreux travaux de restauration et d’entretien.
Notre visite : seules 7 fabriques restent encore aujourd’hui, à savoir, dans l’ordre de notre visite, la Tente tartare au bord de l’étang, le Théâtre découvert, la Colonne détruite -la pièce emblématique de cette visite-, la glacière pyramide pour y entreposer la glace pour l’été, l’Eglise gothique en ruine dont le chœur et la nef envahis par la végétation, le Petit Autel presque ruiné, et le Temple au dieu Pan.
Parmi les fabriques disparues ou dégradées, on retiendra la Maison chinoise, qui marquait bien l’ouverture à l’orientalisme, le Rocher à l’entrée est par la forêt de Marly où le visiteur passait de l’obscurité à la lumière, de l’obscurantisme à la connaissance, et les Serres dont il reste 3 pans de mur.
La colonne détruite n’est en rien une colonne détruite mais une fausse ruine, une construction entre la Tour de Babel et la petitesse de l’Homme. Cette construction était l’habitation principale de M. de Monville, avec son escalier en spirale qui distribuait les pièces d’habitation aux différents étages ; on peut lire que « l’intérieur était orné de miroirs qui reflétaient la végétation extérieure ». M. Passy et sa famille en avaient fait également leur habitation.
L’église en ruine : cette fabrique symbolise l’Église catholique dépassée par la modernité du XVIIIème siècle ; elle illustre l’idée que pouvoir et religion sont éphémères.
21 octobre 2024
Jean-Michel BUCHOUD
Bibliographie : Julien Cendres et Chloé Radiguet, Le Désert de Retz, paysage choisi, 2009, préface de François Mitterand ; édition de l’éclat. Cet ouvrage a servi de référence à notre guide Eugène Julien.
Sur internet : L’insolite Désert de Retz, le jardin des Lumière, https://culturezvous insolite-desert-de-retz-chambourcy
Quelques images (source P. Legué et JM Buchoud) :
Les premières explications
La tente tartare
Le théâtre découvert
La colonne détruite
L‘église en ruine
La glacière pyramide
Le temple du dieu Pan
Un commentaire
Jean-Michel Jean-Michel BUCHOUD
Nov 10, 2024
D'autres jardins avec folies : au sud de l'Essonne d'aujourd'hui, vers la fin du XVIIIème siècle, le banquier Jean-Joseph de Laborde, grand amateur de jardins et commanditaire fortuné, a fait composé un jardin anglo-chinois avec jardin à l'anglaise et folies; l'ensemble a été composé par François-Joseph Bélanger au début et poursuivi par Hubert robert, le peintre des ruines. Un siècle plus tard, le parc de Méréville est en plein démantèlement; ému par ce démantèlement, le comte Henri Dufresne de Saint-Léon se porte acquéreur en 1890 du reste des folies du Parc de Méréville qu'il fait transporter jusqu'à Jeurre, une quinzaine de kilomètres plus nord où elles sont aujourd'hui installées dans le Parc de Jeurre. On pourrait également signaler dans le même registre l'arboretum du Domaine de la Vallée-aux-Loups à Chateany-Malabry.