Thème : HISTOIRE Mardi 26 Mai 2010
Par Ariane Charton, Auteur de l’ouvrage éponyme
Dans mon livre sur Hortense Allart, j’ai choisi de me concentrer sur les années 1826-1841, les quinze années les plus riches de son existence. Durant toute sa vie, cette femme à l’esprit libre se laissa guider par les élans de son cœur.
Née à Milan en 1801, Hortense Allart a passé son enfance dans un monde où Chateaubriand et Madame de Staël faisaient figure de référence. Son père, homme d’affaires très en vue durant le Premier Empire, intime de Talma, recevait beaucoup jusqu’à sa mort en 1817. Sa mère, Marie-Françoise Gay, auteur de romans, était la belle-sœur de Sophie Gay, femme de lettres dont le salon ne désemplissait pas. Hortense, à la mort de ses parents, fut une protégée de Laure Regnault de Saint-Jean d’Angely et de Mme Hamelin, une ancienne maîtresse de Chateaubriand. Tout au long de sa vie, Hortense publia des essais, des romans, des Lettres sur Madame de Staël, des récits inspirés de ses amours et de ses expériences intimes comme Les enchantements de Prudence ou Gertrude, mais aussi des essais consacrés à la place de la femme dans la démocratie, à l’histoire de Florence, à la religion et à la littérature latine pour laquelle elle avait une prédilection. Hortense est une héroïne romantique en ceci qu’elle a mené sa vie selon deux grands principes : l’amour et l’indépendance.
La dernière maîtresse de Chateaubriand
En 1825, elle quitte Paris en hâte pour l’Italie car elle est tombée enceinte du marquis de Sampayo, un homme marié auprès de qui elle acheva son éducation intellectuelle. L’éloignement géographique rend la rupture définitive. Hortense assume sa décision, et choisit à partir du printemps 1826 d’élever seule son fils plutôt que de le laisser à une nourrice, ce qui se faisait à l’époque. Elle préfère rester en Italie, séjournant en Toscane et visitant Rome pour la première fois. A Rome, tout l’émerveille, elle est dans l’attente d’un autre amour. Au printemps 1829, elle rencontre Chateaubriand, alors ambassadeur de France. Il vit cette nomination comme une mise au placard, s’estime mal récompensé par la monarchie et s’ennuie à Rome. Il vit sans passion et se sent fatigué par le poids des ans. Madame Hamelin, proche de l’écrivain et de la jeune femme conseille à cette dernière de rendre visite à l’ambassadeur, pensant qu’ils pourraient se distraire l’un l’autre. Hortense est immédiatement séduite par la cour que lui fait L’Enchanteur. Malgré leurs différences d’âges, de situation sociale, d’opinions politiques (elle est libérale, lui conservateur), ils se plaisent. Leur liaison commence pendant la semaine sainte de 1829. Auprès de lui, la jeune femme découvre des plaisirs d’amour inconnus jusqu’alors, comme elle l’écrira dans Les enchantements de Prudence (1872).
La vie sentimentale de Chateaubriand est riche, mais Hortense Allart aura une place à part car elle sera son dernier amour, une femme beaucoup plus indépendante et affirmée que les précédentes. Se sentant enterré à Rome, l’écrivain renaît au contact de la jeune femme. Quand il est rappelé à Paris (avec son épouse), Hortense le rejoint. Le couple continue à se voir tous les jours, et aime à se promener dans la capitale. Après un printemps à Rome, c’est un automne de bonheur qu’ils vivent à Paris. Ils aiment chanter les chansons de Béranger, dont les idées libérales sont pourtant à l’opposé de celles de Chateaubriand. C’est Hortense qui présente le poète chansonnier à L’Enchanteur qui l’admire beaucoup. Au contact de la jeune femme, Chateaubriand se rapproche des idées de gauche. Pendant l’hiver rigoureux de 1830, le pouvoir de Charles X chancèle à cause de l’impopularité de son président du conseil, le duc de Polignac et Chateaubriand espère rejouer un rôle politique. Préoccupé par ses ambitions, l’Enchanteur se détache de sa jeune maîtresse. Leurs différences d’âges, de goûts, de caractères se font de plus en plus sentir.
Au printemps 1830, Hortense est invitée par une amie à Londres. Là, elle rencontre Henry Bulwer-Lytton, qui tombe amoureux d’elle. Cet anglais distingué, fils de bonne famille et dont le frère Edouard écrivit Les Derniers Jours de Pompéi, lui promet de l’épouser dès que sa situation le permettra. Chateaubriand prend mal la décision d’Hortense de le quitter, il parle même de suicide puis se résigne. Ils resteront amis tout le temps que durera la liaison d’Hortense avec Bulwer-Lytton. Les deux anciens amants échangèrent une riche correspondance jusqu’à la mort de l’écrivain en 1848. Leur relation aura duré vingt ans. Hortense livra de l’Enchanteur une image intime et tendre dans ses Enchantements de Prudence.
Une figure du féminisme romantisme
A Londres, Hortense est seule toute la journée : Henry, par peur des représailles de sa mère et désireux de mener à bien sa carrière politique la cache. Femme curieuse des autres, elle ne supporte pas d’être recluse et retourne régulièrement à Paris où elle retrouve ses amis Béranger, Adolphe Thiers, Sainte-Beuve, mais aussi George Sand et Marie d’Agoult. Les rapports entre ces trois femmes n’ont pas toujours été au beau fixe, mais elles ont en commun ce « féminisme romantique » du XIXe siècle. Toutes trois ont lutté à leur manière pour que les femmes aient plus de place dans la société, tout en affirmant leurs choix amoureux.
Ne pouvant vivre ensemble, Henry Bulwer-Lytton et Hortense Allart s’autorisent des amours contingentes pour mieux supporter la séparation. Cette façon d’aimer libre dans le couple, à la façon de Sartre et Beauvoir, s’exerce alors même qu’ils vivent une vraie histoire passionnelle. Henry veut être père, mais c’est un de ses amants de passage qui mettra Hortense enceinte une nouvelle fois. Les scènes de jalousie et de réconciliation s’enchaînent. En 1837, ne supportant plus cette situation, elle retourne en Italie et peu à peu se détache d’Henry. En 1840, elle rentre à Paris avec son second enfant, né d’une brève liaison avec un homme politique toscan et assume publiquement sa position.
A quarante ans, elle s’éprend de son ami Sainte-Beuve, mais la relation avec le critique littéraire ne dure pas. En 1843, elle épouse M. de Meritens, ce qui surprend quand on sait qu’elle s’est toujours opposée au mariage sans amour. Mais sa situation financière l’a peut-être contrainte à cette décision. Elle suit son mari à Montauban, où il a été nommé comme architecte, mais il s’avère être un homme autoritaire et parfois violent. Quelques mois plus tard, elle retourne à Paris, sans divorcer pour autant et choisit de se mettre en retraite sentimentale. Elle apprécie cette page calme et agréable de sa vie comme elle l’écrit en 1851 à George Sand. Elle mourra en 1878 et sera enterrée à Bourg-la-Reine.
La vie amoureuse et intellectuelle d’Hortense Allart fait d’elle l’un des plus beaux personnages féminins du romantisme français, à la fois libre et passionné.
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Coté livres :
Coté Web :
http://www.cfo-news.com/Chateaubriand-et-Hortense-Allart-deux-generations-romantiques_a13015.html
http://mh.viviani.org/chat1/6hortens.html
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