Thèmes: Art, Peinture                                                                                                              Sortie – visite des lundi 21 et mardi 22 mai 1990

LES PEINTRES À TRAVERS LE DÉDALE DES RUES DE MONTMARTRE

Une centaine de membres du C.D.I. ont parcouru les rues de Montmartre, accompagnés de conférencières passionnantes.

Partant de la Basilique du Sacré-Cœur, nous descendons la rue du Cardinal Guibert, du Chevalier de la Barre. Le Chevalier de la Barre était un libre-penseur, victime de l’intolérance. Il fut roué, puis décapité pour avoir refusé de saluer une procession religieuse. La rue du Mont-Cenis fut pendant longtemps la seule voie d’accès au nord de la butte. Elle reliait l’Abbaye de Montmartre à celle de Saint-Denis. Au numéro 22, Berlioz habita une belle maison paysanne de à 1836.

Nous continuons par la rue Cortot. Là se trouve le musée de Montmartre créé en 1960. On y présente les peintres montmartrois. Ce musée renferme en outre quelques 2000 livres consacrés au quotidien.

Au carrefour des rues Saint-Vincent et des Saules : des vignes. Deux mille quatre cents pieds de vigne sur mille sept cents mètres carrés : quelques arpents symboliques qui fournissent une récolte moyenne de mille deux cents kilos de raisin, donnant huit cents bouteilles. Les vendanges se déroulent le premier week-end d’octobre et donnent lieu à diverses manifestations folkloriques. Le clos Montmartre est vendu aux enchères.

La rue de l’Abreuvoir : là se trouvait un abreuvoir à chevaux.

La rue Girardon. L’allée des Brouillards est très étroite, en escalier, bordée de pavillons.

Nous traversons le square Suzanne-Buisson. Une fontaine s’y trouve, surmontée de la statue de Saint-Denis tenant sa tête. Curieuse ment le fond de la fontaine est rouge, ce qui a pour conséquence de donner à l’eau de la fontaine où, selon la légende, Saint-Denis aurait lavé sa tête, des reflets sanguinolents.

Au coin de la rue Lepic a été construit en 1640 le Moulin de la Galette. Ses propriétaires, quatre frères, le défendirent âprement contre les Russes en (l’un d’eux sera pour sa résistance, crucifié sur les ailes du moulin). A la fin du XIXème siècle, il devint l’attraction d’un fameux bal populaire immortalisé par Renoir.

Nous passons rue d’Orchampt, devant l’hôtel particulier de Dalida, puis rue Ravignan.

En bas de la rue se trouve la place Emile-Goudeau. Au numéro 13, le célèbre bateau-lavoir où tant d’artistes séjournèrent. Max Jacob et André Salmon, deux écrivains, ont donné à ce bâtiment son nom. Malheureusement à peine classé, il brûla en 1970.

La place Jean-Baptiste Clément : elle évoque l’auteur d’une célèbre chanson française « le Temps des Cerises », composée en 1871. Plus de dix ans après les terribles massacres perpétrés par les Versaillais, ce fut pourtant la mélodie qui fit à nouveau gonfler les cœurs. Pendant toutes ces années, la Commune avait été complètement occultée par le pouvoir et enfouie dans l’inconscient du peuple. Personne ne s’y trompa : derrière cette chanson apparemment anodine, tout le monde reconnut, à travers l’image des cerises, l’allusion au drapeau rouge et à l’espoir qui renaissait. Au milieu du square, un cerisier a été planté en souvenir.

Place Jean-Baptiste Clément, rue Norvins et rue Poulbot. La rue Poulbot, ancienne « impasse Traînée » déjà ruelle au XIVème siècle, porte le nom du célèbre créateur du « gamin de Montmartre ».

De la Place du Calvaire, en face du musée de Cire, nous avons une très belle vue sur Paris.

Nous finissons par la visite de l’Eglise Saint-Pierre de Montmartre. Seul vestige de la grande abbaye de Montmartre, c’est, après Saint-Germain-des-Prés et Saint-Martin-des-Champs, l’une des plus anciennes églises de la capitale. Commencée en 1134, à l’emplacement d’une basilique consacrée à Saint-Denis, l’édifice était terminé à la fin du même siècle.

La place du Tertre n’a plus qu’un aspect « folklo-mercantile » aussi nous préférons vous offrir ces 2 reproductions de peintres authentiquement montmartrois.

Après cette belle promenade, les plus courageux redescendent à pied, les autres prennent le funiculaire.

ANNEXE

Il est toujours très intéressant de faire du « micro-tourisme » dans les rues de Paris : les enseignements et les souvenirs se télescopent pour le plus grand plaisir du promeneur curieux. Suivons donc dans cet esprit la rue du Mont-Cenis.

Son nom date de 1868 et rappelle le creusement du fameux tunnel sous les Alpes dont la première partie fut achevée en 1870. Il fallut pour cela débaptiser l’ancienne chaussée dénommée : chemin de la Procession.

Mais pourquoi ce chemin de la Procession ? Les Bénédictins de Saint-Denis conduisaient tous les sept ans à l’église de Montmartre un reliquaire contenant la tête de Saint-Denis en or pur Dans une petite chapelle, en bas de la Butte, le Clergé de Montmartre recevait et accompagnait les moines de Saint-Denis.

« Remontons » (non pas les Champs-Elysées, car je ne suis pas Sacha Guitry) mais la rue du Mont-Cenis. Nous arrivons à la demeure des Seigneurs de Clignancourt « une grande et belle maison, avec des jardins spacieux, embellis par des bassins, des grottes, des fontaines qu’alimentaient des sources aujourd’hui disparues ». Mais, sur l’emplacement des dépendances du Manoir furent construites l’Eglise Notre-Dame de Clignancourt puis la Mairie du XVIIIe et une école de jeunes filles – Vous voyez bien que les ennuis commencent avec l’administration et les promoteurs -.

Nous restons dans un voisinage immédiat quand nous rencontrons une manufacture de porcelaine établie vers 1775 sous le patronage du Comte de Provence, le futur Louis XVIII. Par la ressemblance de ses produits elle fut la rivale de la manufacture de Sèvres, son aînée de 20 ans seulement, et œuvre de Madame de Pompadour.

Continuons notre chemin. Un historien de Montmartre, Monsieur de Tretaigne avait réuni dans un superbe domaine de magnifiques collections de verreries et de peintures modernes. Mourant en 1876, il avait offert de céder son domaine à la Ville de Paris. Le Conseil Municipal tergiversa, un troisième larron s’interposa et finalement des immeubles de rapport furent construits sur les terrains…

Puis il arriva la même aventure à la maison de campagne d’un chirurgien du temps de Louis XV. La propriété de cinq hectares fut vendue à un inspecteur des Carrières. Cela ne s’invente pas ! Comme ne s’invente pas le nom du chirurgien : Pierre Bras d’Or (« Bras » quand même pas « Doigts »).

Abandonnons maintenant ce village rural qui occupe quelques vignerons à la fois meuniers et cultivateurs, une centaine d’ouvriers pour la manufacture de porcelaine et, venant des environs les nombreux ouvriers travaillant aux carrières.

… Et intéressons-nous à un autre aspect du site, le Montmartre des artistes où, avec le poète Gérard de Nerval, s’installa vers une colonie de peintres.

Déjà en Hector Berlioz avait été séduit par une petite maison entourée de glycines, à l’angle de la rue Saint-Vincent. Il y vécut trois ans avec sa femme, la jeune actrice anglaise Henriette Simpson. Il y recevait ses amis : Vigny, Musset, Chopin, Liszt, Georges Sand, … et Musset situa dans la maison voisine l’action de sa nouvelle « Mimi Pinson ». Une scène du musée de cire de Montmartre fait revivre le salon de Berlioz et ses personnages. Puis Berlioz quitta et Montmartre, et Henriette Simpson.

Le bateau-lavoir, les peintres de Montmartre, voilà un domaine bien connu. Cherchons ailleurs le pittoresque, voire l’inédit.

L’église Saint-Pierre, à la Révolution, les religieuses dispersées, devint un magasin, puis un temple pour les fêtes patriotiques et son petit clocher servit à construire la tour du télégraphe aérien de Chappe, tête de la ligne Paris-Lille de 1794 à 1866. L’église fut sauvée (juste retour des choses) après par un farouche révolutionnaire, Eugène Fourmère, contre les projets d’un nommé Abadie. Abadie, vous connaissez. C’est le futur architecte du Sacré-Cœur Le monde est petit et souvent paradoxal sur la Butte.

Je vous dirais bien quelques mots du jardin médicinal du Couvent où les paysans allaient consulter les religieuses qui leur donnaient des herbes à tisanes contre leurs douleurs mais, nous sommes le 26 juin, nous venons de voir dimanche les étonnantes images de la moisson sur les Champs-Elysées et je préfère terminer mon propos par un rapprochement insolite. Zola dans son roman, Paris, nous transporte avec son héros l’abbé Pierre Froment (admirez le choix du nom) en haut de Montmartre où l’abbé rêve « d’un grand soleil de santé et de fécondité qui ferait de la Ville l’immense champ de fertile moisson où pousserait le monde meilleur de demain ». Le rêve de l’abbé Pierre Froment, la moisson du 24 juin sur les Champs-Elysées ! Je vous avais promis un rapprochement insolite.

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