Thèmes: Arts, Sciences, Société Mardi 2 octobre 2018.
MAUX D’ARTISTES, CE QUE CACHENT LEURS OEUVRES
par Madame Béatrice LUBIN, Historienne de l’art, Chevalier de l’Ordre National du Mérite.
INTRODUCTION
Bon nombre d’artistes et d’écrivains ont souffert de divers maux qui ont influencé leur travail et leur créativité. Où est la limite entre le génie et la folie ? Selon la maladie les conséquences sont différentes. Ces maux divers peuvent affecter les artistes peintres ou sculpteurs, mais aussi les compositeurs ou les écrivains
I – L’épilepsie.
C’est un mal qui atteint plusieurs artistes et écrivains. Les peintres ne sont pas affectés dans leur création car ils ne peignent pas durant les crises. Tout est différent pour les écrivains qui peuvent transcrire dans leurs récits leurs sensations lors de leurs crises.
L’épilepsie est connue depuis l’Antiquité, époque à laquelle on disait que c’était le mal qui était entré dans la personne. Jules César est un des plus célèbres épileptiques de l’histoire. Plus proche de nous, un autre célèbre épileptique est Fiodor Dostoïevski dont nombre de personnages de ses romans souffrent d’épilepsie. Son roman le plus représentatif à ce sujet est « L’idiot » dont le personnage principal est épileptique ; dans « Les frères Karamazov » le domestique de la famille est lui aussi épileptique. Dostoïevski décrit à merveille les troubles mentaux, l’état d’exaltation et les hallucinations que peuvent provoquer les crises d’épilepsie. Sa maladie a beaucoup marqué l’écrivain dont même les traits du visage laissent apparaître son mal. Lord Byron a utilisé l’exaltation que provoque sa maladie pour créer ses textes et lancer le mouvement romantique. Il s’est enflammé pour la libération de la Grèce du joug de l’Empire ottoman. Byron est l’écrivain de cette période de l’histoire de l’Europe comme au XXe siècle Hemingway sera celui de la guerre civile espagnole.
L’épilepsie n’engendre pas seulement de l’exaltation mais aussi des crises de dépression, c’est cette phase dépressive que retranscrit Flaubert dans ses personnages, mais Flaubert restera toujours en « sur-contrôle » en réaction à sa maladie.
II – La migraine ophtalmique.
Lors des crises, on voit un halo lumineux qui se resserre petit à petit, des arcs de scie peuvent également apparaitre.
Le peintre Georgio de Chirico qui souffrait de ces migraines en reproduit l’effet dans certaines de ses peintures comme « Le chevalier noir de retour au château ». Chirico est le fondateur de la peinture métaphysique et ses œuvres connaîtront un franc succès auprès des surréalistes. Il se sert de sa pathologie pour en faire une esthétique. Il travaille sur la capacité du rêve à générer des mondes à partir d’un élément connu. En observant certains tableaux de Van Gogh on peut se demander s’il n’a pas lui aussi souffert de telles migraines, avec ses coups de pinceaux en traits presque parallèles. Autre migraineux notoire, Cézanne qui avait de grandes sautes d’humeur. Il avait commencé à peindre avec les doigts à une époque où les peintures contenaient beaucoup de métaux lourds qui au contact prolongé avec la peau sont extrêmement dangereux et peuvent provoquer des migraines.
Chez les écrivains, Alfred de Vigny et Lewis Carroll souffrent aussi de cette pathologie. Ces migraines amèneront ce dernier à la littérature fantastique et au monde disproportionné de « Alice aux pays des merveilles ». Plus tard Carroll se tournera vers l’occultisme.
III – La maladie de Parkinson.
Vingt ans avant sa mort on avait diagnostiqué la maladie de Parkinson à Salvador Dali. Tous ses personnages bancals qui se tiennent avec des bâtons et des béquilles sont probablement le reflet de sa maladie. Au fur et à mesure de l’avancement de la maladie et de ses conséquences, la peinture de Dali se simplifie. Cette maladie peut donner des hallucinations, ce dont l’artiste est conscient et qui peuvent transparaître dans ses œuvres.
Mervyn Peake peintre illustrateur et écirvain, menbre des inklings groupe d’ecrivain parmis lesquels nous trouvons Tolkien et Lewis Carollet se font une renomée dans la littérature fantastique. Lui est atteints de Parkinson.Il utilisera son imagination débordante pour créer des œuvres reflétant ainsi son mal-être. C’est un univers entre le cauchemar et le rêve qu’Il laisse apparaître dans sa célèbre trilogie « Gormenghast ».
IV – Les hypocondriaques.
Certains artistes ne sont pas réellement malades mais le deviennent à force de le croire. Marcel Proust est un des plus célèbres hypocondriaques. Proust buvait des litres de café et ensuite se plaignait de ne pas dormir, à la suite de quoi il prenait du valium, un puissant somnifère. Ayant du mal à se réveiller il buvait à nouveau du café et ainsi de suite, finissant par se rendre malade. Ce régime provoque des pertes de mémoire, thème omniprésent chez Proust et dont la célèbre madeleine est le meilleur exemple. Proust aime créer des souvenirs, ce qui le place à l’opposé de Freud dont il est pourtant contemporain. C’est également la période à laquelle naissent et se développent la neurologie et la psychologie.
V – La synesthésie.
Ce phénomène neurologique fait voir des couleurs lorsque l’on entend un son ou que l’on voit des chiffres ou des lettres. Charles Baudelaire souffrait de ces symptômes mais celui qui l’a illustré à la perfection est Edvard Munch dans son tableau « Le cri ». Bien que le titre du tableau évoque un son, la toile présente une palette de couleurs vives entourant le personnage qui crie. Clairement le son engendre les couleurs. Pierre Bonnard transfère lui aussi son ressenti dans ses tableaux.
Wassily Kandinsky -mais était-il affecté par ce phénomène- cherche lui aussi à créer un lien entre la peinture et la musique. Il veut que l’on rentre dans sa peinture comme on se laisse porter par un morceau de musique. Kandinsky ne donne pas de titre à ses œuvres afin de ne pas influencer l’observateur. Toujours dans cette recherche de fusion entre la musique et les couleurs on peut mentionner Goethe, grand écrivain allemand, qui avait fixé des petits rubans de couleur au bout des tubes de l’orgue et qui flottaient quand on frappait une touche. Et George Gershwin et sa « Rhapsody in blue » : est-ce un phénomène de synesthésie ?
VI – Le vampirisme.
En 1897 le romancier britannique Bram Stocker crée le personnage de Dracula qui présente les symptômes cumulés de trois maladies différentes. La rage provoque les hallucinations, la tuberculose donne cette couleur blême que les personnes atteintes de ce mal présentent même mortes et la pellagre qui provoque le déchaussement des dents, donnant la sensation de dents démesurément longues, et une haleine fétide.
VII – La syphilis.
Cette maladie atteint de très nombreux artistes qui parfois avaient une vie un peu dissolue. Dans leur phase finale les malades présentent des taches noires sur la peau et certains malades souffrent beaucoup. On retrouvera ces taches noires sur les représentations de personnages dans certaines œuvres. Paul Gauguin est syphilitique mais cela n’a pas d’influence sur son art. Par contre, la syphilis a touché Edouard Manet et l’a empêché de peindre de grandes toiles quand sa maladie eu atteint un stade avancé car les douleurs l’empêchaient de se tenir debout. Ses tableaux sont alors devenus beaucoup plus petits. Autre syphilitique, Henri de Toulouse-Lautrec qui peignait les maisons closes, lieux où sévissait bien souvent la syphilis. Cependant, Toulouse-Lautrec peint toujours les filles de joie avec respect et on ne trouve aucune vulgarité dans les œuvres du peintre.
Antonin Artaud, dessinateur, poète et acteur, syphilitique probable aurait été contaminé par sa mère à la naissance. Sa maladie l’influencera lorsqu’il interprétera des rôles de fou ou d’exalté. Il se sert de sa maladie comme outil artistique. Sa vie et son œuvre sont étroitement liées comme on peut le voir à travers de l’œuvre « Le théâtre et son double« .
VIII – La folie
Camille Claudel est atteinte de folie, elle a le sentiment d’être persécutée. Son état dépressif et la morbidité apparaissent dans sa sculpture « La vieille ».
CONCLUSION
Indiscutablement les maux qui ont touché les artistes, écrivains et compositeurs ont aussi affecté leurs créations et certains ont converti leurs maux ou maladies en source de créativité. Certains artistes semblent cumuler plusieurs symptômes, comme c’est le cas chez Van Gogh où la dépression et l’alcoolisme n’ont fait qu’accentuer ses crises.