MUSIQUES SUR LES RIVES DU DANUBE

Thèmes: Art, Géographie, Musique                                                          Conférences des mardi 5 décembre 2023 et 9 janvier 2024

MUSIQUES SUR LES RIVES DU DANUBE           

Par Monsieur André PALÉOLOGUE, docteur en Histoire, expert consultant auprès de l’UNESCO. 

INTRODUCTION

Le plus long fleuve d’Europe, le Danube, traverse notre continent d’Ouest à l’Est en arrosant à ce jour dix pays dont quatre capitales : Vienne (Autriche), Bratislava (Slovaquie), Budapest (Hongrie) et Belgrade (Serbie). Même si depuis déjà l’antiquité grecque et romaine et, ensuite, au Moyen âge le Danube a été une importante voie navigable, il faudra attendre le milieux du XIXe siècle – le Traité de paix de Paris de 1856 et la création de la Commission européenne du Danube, notamment – pour que l’on prenne conscience du rôle clé que ce fleuve a pu et peut encore jouer dans le contexte géopolitique européen. Par ailleurs, le succès remporté par la valse intitulée Le Beau Danube bleu que Johann Strauss II (1825-1899) a jouée lors de l’Exposition universelle de Paris en 1867, a réveillé l’intérêt du monde entier pour ce fleuve. Ainsi, on a découvert que le patrimoine culturel du bassin danubien, qu’il soit matériel ou immatériel et tout particulièrement musical est d’une richesse exceptionnelle.

I – La musique sur les rives du Danube de sa source à Vienne

Il est certainement intéressant de noter qu’à Donaueschingen où le Danube prend «officiellement» sa source, a lieu chaque année au mois d’octobre le plus ancien festival de musique contemporaine au monde. C’est bien là que des compositeurs français tels Messiaen et son élève Pierre Boulez proposèrent leurs nouvelles œuvres.

A partir de là, également, dans la direction montrée symboliquement par la Mutter Baar, la jeune Donau (en allemand le nom du fleuve est au féminin) va prendre le long chemin qui va l’amener jusqu’à la Mer Noire. Elle va pouvoir ainsi constater combien les rives du fleuve comptent de nombreux sites que l’on considère à ce jour comme de vraies références de notre civilisation européenne et de l’histoire de la musique crée et jouée au cours des siècles sur notre continent.

L’abbaye bénédictine de Beuron, par exemple, qui depuis le XIe siècle s’est enrichie d’une bibliothèque qui fait d’elle encore aujourd’hui un très important centre d’études théologiques et littéraires. Un recueil de chants anciens gardé ici, ont inspiré Carl Orff (1895-1982) pour sa très célèbre cantate Carmina Burana. N’oublions pas de mentionner que sur la rive droite du Danube souabe, ce même couvent de Beuron est devenu lieu de recueillement et de mémoire lié à Edith Stein, philosophe et religieuse carmélite connue sous le nom de Bénédicte de la Croix qui, juive par sa naissance, fut déportée à Auschwitz où elle mourut en 1942. C’est au bord du Danube qu’en 1999, elle fut canonisée par le pape Jean Paul II et déclarée co-sainte patronne de l’Europe.

Après être passé aux pieds du château des Hohenzollern à Sigmaringen, le Danube arrive aux portes d’Ulm, grande ville culturelle européenne. C’est là qu’on peut mieux comprendre l’impact culturel des Souabes et des communautés d’Ulm sur l’espace danubien. C’est dans cette ville que Maître Parler a érigé en 1377 la flèche gothique la plus haute jamais érigée en Europe (161,5m). C’est ici que Johannes Kepler (1571-1630) a fait valoir ses talents dans le domaine des calculs mathématiques et c’est toujours là qu’Albert Einstein (1879-1955) est né. Il n’est pas anodin de rappeler que dans l’environnement baroque souabe et bavarois conçu en grande partie par les frères Asam, fut accueilli avec bonheur l’Italien Antonio Vivaldi (1678-1741) qui connaitra ici des moments de gloire musicale avant de décéder à Vienne.

Au bord du Danube, Regensburg ou Ratisbonne mérovingienne ou, encore, Castra Regina romaine, a été pendant plusieurs siècles la ville où les Empereurs du Saint Empire romain-germanique se faisaient élire. C’est, également, tout près de Ratisbonne, sur la rive gauche du fleuve, que le roi Louis 1er de Bavière a fait construire dans un pur style néo-dorique le Walhalla – sorte de «temple» ou panthéon germanique consacré aux personnalités qui illustrèrent la civilisation allemande. On y trouve les bustes en marbre et les effigies de nombreux compositeurs allemands allant de Hildegarde von Bingen à Jean Sébastien Bach, Ludwig van Beethoven et Anton Bruckner.

La ville bavaroise et port danubien de Passau a été au Moyen âge le siège d’un important archevêché. Sa cathédrale Saint-Etienne le prouve et impressionne surtout par le positionnement ingénieux de ses cinq buffets d’orgues qui constitue un des ensembles sonores les plus importants au monde (17 774 tuyaux allant de 11m30 au 6 cm, 233 jeux, etc.). Cet imposant ensemble qui requérait jadis jusqu’à cinq organistes pour une messe, bénéficie aujourd’hui de 12 km de câbles électriques qui assurent son parfait fonctionnement.

Les berges du Danube offrent des paysages remarquables selon les saisons. Cette beauté a inspiré de nombreux artistes et écrivains du courant romantique. Très prisée en Allemagne aussi bien par les littéraires, les peintres ou les musiciens, la Naturphilosophie a été parfaitement exprimée par des compositeurs comme Franz Schubert (1797-1828) qui a consacré un de ses lieder au Danube.

En Autriche, le fleuve poursuit sa route en traversant Linz. L’Université de cette ville jadis royale, a compté parmi ses enseignants le grand Kepler – l’astronome qui non seulement a corrigé les trajets célestes de Copernic, a brossé dans son ouvrage Harmonices Mundi (1619), le portrait d’un cosmos soumis à des lois « harmoniques » à l’image de la musique.

Se rendant de Salzbourg natale à Vienne, Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) fit halte de nombreuses fois à Linz. Accueilli en 1783 par la famille von Thun und Hohenstein à un moment où le jeune compositeur traversait une crise majeure de son existence, Mozart va leur dédier en guise de reconnaissance sa 36ème Symphonie (dite de Linz) réalisée en pas plus de trois jours. Il s’agit d’une composition musicale «à clé» car on la considère aussi comme le point de départ de son engagement dans les Loges franc-maçonniques de son époque.

Anton Bruckner (1824-1896) est lui aussi un brillant résidant de Linz. Ce grand maître des orgues qui a beaucoup admiré Richard Wagner et qui a composé, à l’instar de Beethoven, neuf symphonies, a participé à la mise au point de tous les grands orgues européens de son époque qu’ils soient à Paris, Londres ou Berlin. De nos jours, tous les deux ans, Linz organise la Brucknerfest dans une salle qui lui est spécialement dédiée construite dans les années 1960 au bord du Danube. Installé vis-à-vis, sur l’autre rive du Danube, l’Ars Electronica Centrum participe à ces évènements musicaux avec de vrais spectacles son et lumière qui leur offrent un éclat particulier.

En suivant le Danube dans la vallée de Wachau, on trouvera le prestigieux couvent (Stift) de Melk dont la bibliothèque inspirera le cadre et l’action romanesque imaginé par Umberto Eco dans son ouvrage Au nom de la rose. Le baroque à profusion que le supérieur Berthold Dietmayr (1670-1709) a demandé à l’architecte Jakob Prandtauer d’installer dans son couvent est riche de significations philosophiques et théologiques qui ont marqué toutes les personnalités qui ont fait halte dans ses murs, de Mozart et l’Impératrice Marrie Thérèse à Napoléon Bonaparte en route vers Vienne et Austerlitz.

Sur les collines traversées par le Danube, on peut admirer les silhouettes de nombreux châteaux forts comme ceux de Hinterhaus et de Dürnstein où, parait-il, Richard Cœur de Lion fait prisonnier au retour de la Troisième Croisade, fut retrouvé par son ami trouvère Blondin de Nesle. C’est de là qu’il sera libéré grâce à la lourde rançon que sa mère Aliénor d’Aquitaine a accepté de payer. Toujours dans la vallée de Wachau on a pris conscience à la fin du XIXe siècle de l’existence d’un très riche folklore musical. Transcrites et éditées dans des recueils par les frère Johann et Joseph Schrammel – considérés parmi les premiers ethnomusicologues de l’époque moderne -, les mélodies très entraînantes de la Wachau (l’équivalent des valses musettes de nos guinguettes) ont constitué une véritable source d’inspiration pour les compositeurs à la recherche de renouvellements. Brahms (1833-1897) et surtout les Strauss n’ont jamais nié leur admiration pour ce qu’ils ont désigné comme Schrammelmusik.

Apres avoir noté au passage que le Danube fut détourné, pour qu’à ce jour ne traverse plus Vienne afin que les crues du fleuve ne puissent plus provoquer de dégâts, il est à souligner l’importance qu’à eu pour notre civilisation moderne la vie musicale viennoise au XVIIIe et au XIXe siècles. Mozart et Haydn, Beethoven et Brahms sont les grandes figures d’une Vienne impériale. Vienne de la jeunesse «sécessionniste» sera ensuite marquée aussi bien par un musicien de la taille de Gustave Mahler (1860-1911) que par le dodécaphoniste Arnold Schoenberg (1874-1951). Mais, que l’on veuille ou non, Vienne est et sera associée également à la valse et, plus particulièrement, à celles de Johann Strauss II dont, la mondialement connue, Le beau Danube bleu. Cette valse est encore aujourd’hui, l’incontournable pièce finale du traditionnel Concert du Nouvel An diffusé chaque année dans le monde entier depuis la salle dorée du Musikverein de Vienne.

II – La musique sur les rives du Danube de Vienne jusqu’à la mer Noire.

En contournant Vienne, le Danube poursuit son cours vers Bratislava, capitale de l’actuelle Slovaquie. Cette ville connue tout au long de l’histoire sous son nom de Presbourg fut, de 1526 à 1783, lieu d’exil de l’aristocratie catholique magyare durant l’occupation ottomane de leur pays. Raison pour laquelle les Hongrois la connaissent sous le nom de Pozsony où 12 de leurs rois et reines furent couronnés pendant qu’une partie des territoires de leur royaume fut annexé à l’Empire ottoman. On comprendra pourquoi, à l’intérieur de la cathédrale de la ville, la représentation statuaire de saint Martin n’est plus celle du pieux légionnaire romain, mais bel et bien celle d’un hussard magyar.

A quelques kilomètres de Bratislava se situe Slavkov u Brna ou Austerlitz, lieu lourd de signification pour l’histoire napoléonienne et de l’Europe. Victorieuse à Austerlitz, la France bouleversera, en effet, nombre d’idées reçus sur la guerre et la paix. Ceci fut ressenti y compris à travers des compositions musicales comme le poème symphonique intitulé Dunaj (nom slave du fleuve) du compositeur Leo Janacek (1854-1928).

Le Danube frôle ensuite les rochers de la ville d’Esztergom (Gran), considérée comme la «Reims» des Hongrois vu qu’ici même en l’an mil ont eu lieu le baptême et le couronnement du premier roi hongrois Etienne (Arpad ) selon le cérémonial devenu classique conçu cinq siècles auparavant pour notre Clovis. Ayant retrouvé la liberté après une occupation ottomane qui a duré 180 ans, les Hongrois ont souhaité renouer rapidement avec les traditions occidentales de l’Europe en reconstruisant, surtout en bord du Danube, leurs cathédrales, temples protestants et autres architectures représentatives. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, lors de la consécration en 1856 de la basilique saint Adalbert et pour marquer la renaissance de la Hongrie, Franz Liszt va composer la Messe «dite de Gran», considérée à juste titre comme une des plus grandioses compositions de musique sacrée. Cette œuvre sera également jouée lors du sacre, en 1867 dans l’église Saint-Matthias de Budapest, de François-Joseph d’Autriche et de son épouse Elisabeth (Sissi), roi et reine d’une Hongrie faisant partie d’un éphémère Empire austro-hongrois (1867-1918).

A Budapest notamment, de nombreuses salles de concert et un opéra ont été construits selon le goût viennois de l’époque avec le souci toutefois de trouver des solutions pour assurer la meilleure acoustique possible. Une remarquable pléiade de compositeurs hongrois ont eu la chance de se faire connaitre et d’être appréciés : Ferenc Erkel (1810-1893) pour avoir conçu la musique de l’hymne national hongrois, Emmerich Kalman (1822-1953) pour la musique entrainante de son opérette Princesse Czardas; Franz Lehár (1873-1948), pour les airs de la Veuve joyeuse,  Zoltan Kodaly (1882-1967) et Bela Bartok (1881-1945) excellents ethnomusicologues, pour avoir été créateurs de l’École musicale hongroise moderne et contemporaine ou enfin, et surtout, Franz Liszt (1811-1886) qui, de ses propres deniers, fonda l’Académie de musique de Budapest, dont le siège compte parmi les chefs-d’œuvre de l’architecture «Belle Epoque» budapestoise. Le paysage de la steppe hongroise ou de la puszta, traversé par le Danube après avoir quitté Budapest, se retrouve magnifiquement évoqué dans les Rhapsodies hongroises de ce grand compositeur.

Le fleuve va parcourir ensuite les terres de la Krajina (Croatie) et de la Voïvodine (Serbie), régions multi-ethniques par définition. Par ailleurs, le long du Danube la mixité et le brassage sont la norme. A Novi Sad (Serbie) la synagogue, l’église catholique et l’orthodoxe se côtoient depuis toujours. C’est bien dans cette ville que le jeune couple Einstein a résidé en vrai Danubiens, car Albert – natif d’Ulm – n’a vu aucun inconvénient à épouser Mileva Maric sa collègue d’université et première femme physicienne de l’École  polytechnique de Zurich, originaire du port danubien de Novi Sad.

Les nombreuses citadelles et remparts bâtis sur les rives du Danube en Serbie attestent du fait que les Ottomans trouvèrent ici une farouche résistance. Belgrade – rempart essentiel face à l’avancée des Ottomans vers l’Occident -, malgré ses murailles, les chants et les prières prononcés dans les églises orthodoxes serbes, finira par capituler au début du XVIe siècle.

La difficile traversée de la chaîne montagneuse qui sur la rive gauche du Danube porte le nom des Carpates alors que sur la rive droite elle est appelée les Balkans, a été parfaitement décrite par Jules Verne dans son dans son roman Le pilote du Danube. De nos jours, sa description ne correspond plus, car les barrages et les aménagements hydroélectriques réalisés en aval ont remonté le niveau du fleuve d’environ 40 mètres, et ont rendu la navigation beaucoup plus aisée voire confortable. C’est dans ces endroits que les Romains qui convoitaient les mines d’or des Daces des Carpates, ont trouvé moyen de construire un pont afin de faciliter le passage de leurs légions. Un des piliers de ce célèbre pont construit par Apollodore de Damas et qui figure sur la Colonne de Trajan à Rome, a été trouvé lors de la construction de ces barrages.

Sur la rive bulgare du Danube on compte aujourd’hui de nombreuses friches industrielles de l’ère soviétique où les Tsiganes de Serbie et des Balkans se sont installés afin de faciliter leur nomadisme sur tout le long du fleuve, autrement dit sur l’ensemble du territoire européen. Grand connaisseur de ces communautés, le cinéaste et le musicien Emir Kusturica s’est intéressé à leurs traditions ancestrales et a mis au goût du jour leurs rythmes et leur musique étonnamment vivifiants.

Dans le bas Danube, sur la rive gauche, depuis la conquête romaine on parle une langue latine, tandis que sur la rive droite, depuis le VIIe siècle, la langue parlée est le slave bulgare. Les archéologues ont mis à jour, pourtant, des richesses culturelles qui datent depuis bien avant l’ethnogenèse des Roumains et des Bulgares. L’or des Thraces trouvé dans les tumuli du plateau balkanique sont la preuve que sur les rives de ce grand fleuve, la civilisation s’est exprimée sans interruption depuis la nuit des temps. Les chants «cosmiques» des femmes bulgares font partie de ce patrimoine ancestral. Leurs chants a cappella sont devenus d’autant plus célèbres qu’on a décidé de les intégrer parmi les «sons de la Terre» en les gravant sur le Voyager Golden Record embarqué sur les deux sondes spatiales Voyager lancées en 1977, pour servir de «bouteille à la mer interstellaire» pour d’éventuels êtres extraterrestres.

Sur plus de 1000 km de rive gauche danubienne, les Roumains s’avouent très fiers de n’avoir pas été envahis par les Ottomans, car soucieux de préserver leur indépendance et leur souveraineté, ils n’ont jamais accepté la construction de ponts. Il faudra attendre la fin du XIXe siècle et les investissement liés à l’Orient-Express pour qu’un premier pont enjambant le fleuve soit construit. Cet ouvrage sera l’œuvre d’Anghel Saligny – ingénieur franco-roumain formé en Allemagne – preuve qu’en 1895 l’Europe était déjà une réalité concrète au bord du Danube. 60 ans plus tard, souhaitant relier Moscou à la Méditerranée, l’URSS a convaincu les Roumains et les Bulgares de construire un pont stratégiquement efficace. On lui a donné le nom de Pont de l’Amitié bien qu’il fut considéré plutôt comme un pont de la méfiance ! En 2013, sept ans après l’adhésion de ces deux pays à l’UE, un nouveau pont a été construit et baptisé Nouvelle Europe. Suite aux nombreux scandales liés aux coûts de ce chantier, une chanson humoristique a été composée. Elle est intitulée Au diable les voleurs ! ce qui est plutôt révélateur.

Pour permettre à l’URSS de contrôler le delta du Danube, dans les années ’50, sous l’impulsion de Staline, le pouvoir de l’époque décidera de creuser un canal reliant le Danube à la Mer Noire. Des milliers de prisonniers politiques ont été sacrifiés dans les goulags crées pour y parvenir. Les travaux effectués ont contribué à la découverte de nouveaux sites et objets archéologiques telle la figurine qu’on a appelé non sans humour le Penseur de Hamangia datant d’environ 5 000 ans av. n. è.

Sur ce même territoire très riche en eau grâce au Danube, suite à un accord avec la France et le Canada, a été implantée la première centrale nucléaire roumaine. Ce sont toujours les Français qui, au début du siècle dernier, ont modernisé les ports danubiens de Braila et Galatzi se trouvant en aval. Leur présence et leurs initiatives dans le cadre de la CED (Commission européenne du Danube) ont donné envie à des jeunes danubiens de lier leur destin à la France. Ce fut les cas de Panaït Istrati (1884-1935), écrivain francophone d’origine roumaine qui, avec son don de conteur, avait séduit Romain Rolland et convaincu des éditeurs parisiens de lui publier sa saga danubienne (Les chardons du Bărăgan, Codin, Kira Kiralina, etc.).

Danubien serbe d’origine, Iosif Ivanovici (1854-1902) fit une carrière de directeur d’harmonies militaires sur la rive roumaine du Danube et à Bucarest. En 1880, il écrit la valse Les flots du Danube qui, grâce à l’arrangement orchestral heureux de son ami Emile Waldteufel qui résidait en France, fut sélectionnée parmi 116 autres compositions candidates pour l’inauguration de la Tour érigée par Gustave Eiffel à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris de 1889. Cette œuvre devenue du jour au lendemain célèbre à l’instar presque de la valse de Johan Strauss II en 1867, sera souvent confondue avec Le beau Danube bleu ou du moins croit-on que l’auteur est un des Strauss. La ligne musicale des Flots du Danube sera interprétée par Marlène Dietrich et l’Amérique se l’appropria sous le titre The Aniversary Song sans que l’on sache qui en est vraiment l’auteur.

A l’époque du totalitarisme de type soviétique que la Roumanie a connu après la Seconde Guerre mondiale, l’industrialisation intensive opérée aux bouches du Danube a abîmé considérablement le delta du fleuve aussi bien d’un point de vue écologique que culturel. Cependant, quelques sites datant du débuts du christianisme par exemple, ont pu être sauvés au titre des monuments historiques.

L’effondrement inattendu des régimes du bloc de l’est dans la dernière décennie du XXe siècle, a sauvé de justesse le delta du Danube qui était voué à sa quasi disparition. Une des dernières missions du commandant Cousteau (1910-1997) fut dédiée au delta du Danube. Cela a permis son classement immédiat par l’UNESCO en entraînant la création de réserves naturelles de la biosphère strictement protégées.

Les Lipovènes ou «Vieux-croyants» comme ils se désignent eux-mêmes (comparables, pourquoi pas, aux Amish aux Etats-Unis) opposés aux reformes des Tsars de Russie, exilés et installés depuis des siècles dans le delta danubien, sont devenus aujourd’hui les meilleurs garants de la préservation de la faune et de la flore de cette zone tout en perpétuant leur mode de vie ancestral y compris leur folklore musical typiquement slave.

Par ailleurs, les deux valses fétiches du fleuve – Le beau Danube bleu et Les flots du Danube – accompagneront toujours ceux qui, à la recherche du Km 0 du Danube à son embouchure, espèrent encore que le projet d’une Europolis soit de mise.

CONCLUSION

Les rives du Danube sont baignées de musique. Tout au long du fleuve, de Donaueschingen où il prend sa source aux sons d’un Festival de musique contemporaine jusqu’à son extrémité à l’Est de notre continent, la musique culte ou les chants traditionnels des communautés germaniques, hongroises, slaves, roumaines ou lipovènes, font vibrer l’ensemble de l’espace danubien. Cette si riche créativité musicales ne serait-elle pas en fin de compte le vrai axe de stabilité dont l’Europe a comme jamais besoin ?

Liste des extraits musicaux écoutés :

 – Première Partie, le 5 décembre 2023

Johann STRAUSS II : Le Beau Danube bleu (An der schönen blauen Donau)

Carl ORFF : Carmina Burana (O Fortuna)

Antonio VIVALDI : Gloria RV. 589

Johann Sebastian BACH : Toccate et fugue en ré mineur, BWV 565

Franz SCHUBERT : Auf der Donau, D. 553

Wolfgang Amadeus MOZART : Symphonie n° 36 en C majeur, K. 425 « Linz »

Anton BRUCKNER : Symphonie n° 7 en mi majeur, WAB 107

Wolfgang Amadeus MOZART : Requiem en re mineur (Confutatis), K. 626

Johann SCHRAMMEL : Nussdorfer-Marsch (Schrammelmusik)

Johann STRAUSS II : The Beautiful Blue Danube  (André Rieu & his Johann Strauss Orchestra)

 

Seconde Partie, le 9 janvier 2024   

Leo JANACEK : Dunaj (Danube) – poème symphonique

Franz LISZT : Messe, dite de Gran (Kyrie)

Emmerich KALMAN : Princesse Czardas (Ouverture)

Franz LISZT : Rhapsodie hongroise S.359

Divna LJUBOJEVIC : Prière (Bogoroditza)

Emir KUSTURICA : Oh, Danube, ma Danube (orchestre tzigane)

Le mystère des VOIX BULGARES : Mélodie, Vol. IV, (1998)

Victor SOCACIU : Au diable, les voleurs (Mama lor de hoti) (2013)

Joseph IVANOVICI : Les flots du Danube (Valurile Dunării)

CHORALE ORTHODOXE ROUMAINE : Prière (Tatăl nostru)

CHORALE FOLKLORIQUE LIPOVANNE

Johann STRAUSS II : Le Beau Danube bleu (An der schönen blauen Donau)

Iosif IVANOVICI : Les flots du Danube (Valurile Dunării)

 

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