SUR LES PAS DES PEINTRES DE L’ÎLE DE FRANCE AVEC MILLET ET VAN GOGH DE BARBIZON À AUVERS-SUR-OISE
GEORGES GODFROY
Mardi 19 avril 1988
Mardi 19 avril, Georges Godfroy, nous a présenté une conférence sur les peintres de l’Île de France, illustrée de très nombreuses diapositives.
Le 19ème siècle a vu de grands changements, des bouillonnements dans les idées qui influencèrent tous les arts.
Sous le Second Empire, les créateurs, qu’ils soient gens de lettres ou artistes, tombèrent souvent sous le coup de la loi. Le devoir de la société est de se protéger contre tout ce qui peut subsister de la grande explosion de février 1848 si bien décrite par Flaubert dans « L’éducation sentimentale ».
Ceux qui durant toute leur vie étaient demeurés muets avaient eu pour quelques jours la parole. Il existe donc les arts officiels. Cependant les ferments d’un renouveau sont en action. L’opposition entre l’art officiel et les francs-tireurs se retrouve naturellement en peinture qui est sous surveillance.
En peinture les « réprimés » ont pour chefs de file Courbet et Manet.
Les chefs-d’œuvre des « refusés » en 1863 étaient entreposés au Palais de l’Industrie à la hauteur de l’actuel Grand Palais.
Cependant Édouard Manet a l’idée d’organiser un salon des refusés. Il obtient l’accord des autorités.
781 toiles sont exposées dont « Le bain » de Manet, peint en 1963 que l’on appelle aujourd’hui « Le déjeuner sur l’herbe ».
Il y a aussi des toiles de Pissarro et de Jongkind.
L’œuvre la plus mal reçue est « Le bain ». Des femmes nues auprès d’hommes en jaquette. Quel scandale !
Scandale plus grand en 1865 quand Manet expose « L’Olympia ».
Camille Corot déjà dans une facture classique avait réhabilité le paysage. L’école de Barbizon avec Millet et Théodore Rousseau était attentive à la lumière, mais avec Manet une nouvelle peinture est en gestation. Elle se préoccupe à la fois d’investigation subtile sans la lumière, et de création d’un certain rythme des surfaces colorées.
Les nouveaux peintres comme Monet et Pissarro, les futurs Impressionnistes, reconnaissent en Manet un maître. Son œuvre inspirera également Gauguin comme Cézanne. Les ombres, les perspectives, la scène du dessin, tout ce qui constitue l’académisme est bien mort.
Rares sont les esprits conscients de la renaissance de la peinture. Zola, Baudelaire, qui d’autre ?
L’exceptionnelle richesse du milieu artistique et littéraire de la France sous le Second Empire ne s’accompagnait nullement d’une grande ouverture aux arts du public.
Manet n’indigna en fait que le petit public parisien des critiques de journaux et des marchands de peintures.
Qui lisait Flaubert ou Baudelaire en dehors des 4 000 bacheliers annuels que secrétait la société française de l’époque, et combien parmi ces fils de notaires et de pharmaciens étaient préparés à parcourir les avenues nouvelles de la peinture et de la poésie ?
L’art officiel s’habille de gravité souvent ennuyeuse. À l’écart des commandes officielles, une école sème la révolution : « les peintres en plein air ».
Corot fait figure de patriarche de ce mouvement. Dès 1836, Théodore Rousseau découvre les paysages de Barbizon. Diaz, Millet, Dupré le rejoignent. Corot préfère Ville d’Avray. Quelques artistes connaîtront la célébrité, mais Millet, comme Daumier, mourra dans la misère.
Courbet, républicain, inquiète le régime. Sa peinture naturaliste scandalise. Sous le masque brillant et frivole du Second Empire, se dessinent les traits de l’art, de la littérature et de la science moderne.
L’impressionnisme est né de l’ironie d’un dénommé Leroy, chroniqueur au Charivari, qui parle par dérision d’école d’impressionniste. Il venait de voir exposé en 1874 dans l’atelier-studio de Nadar, au 35, Boulevard de Capucines, où eut lieu la première exposition des impressionnistes, un tableau de Monet dédicacé par le peintre, « Impression soleil levant ».
Le sort en est jeté. C’est ainsi qu’on qualifiera désormais le groupe de jeunes peintres qui autour de Monet s’apprête à renverser quatre siècles de tradition que l’académisme respectait scrupuleusement.
LES MAÎTRES DU RÉALISME
Nous partons à Barbizon avec sa grande rue, les maisons de Daubigny, de Millet, de Diaz.
Paul Huet (1803-1869)
Élève de Guérin et de Gros, il fit partie de la première phalange des paysagistes romantiques. Il nous décrit une nature sauvage, parfois déchaînée comme plus tard dans ses ‘tempêtes d’Honfleur » et nous la restitue sans tenir compte des critères de composition et d’équilibre formel.
Ami de Diaz, Rousseau, Dupré, il sera parmi les promoteurs du paysage sensible et subjectif qui triomphera à Barbizon.
Théodore Rousseau (1812-1867)
Paysagiste majeur de l’école de Barbizon, il deviendra le chantre passionné de la forêt de Fontainebleau.
Passionné par les effets fugitifs de la lumière, il a su traduire la pesanteur d’un soleil d’été à midi, comme l’obscure clarté d’un moment d’orage. Souvent un site est représenté à deux moments différents : lever et coucher du soleil, ce dont s’inspirent ses jeunes collègues.
Narcisse Virgile Diaz de la pena
En 1836, il fait la connaissance de Théodore Rousseau dont il devient le disciple et l’ami. Il reçoit ses conseils et peint avec lui dans la forêt de Barbizon. Il s’installe à Barbizon où il peint les effets de lumière à contre-jour, les drames de la nature, avec un goût baroque des contrastes violents. Il est un des meilleurs représentants de l’école de Barbizon.
Jules Dupré
Déploya sa manière romantique et sombre.
Constant Troyon
Fils d’un peintre sur porcelaine à la manufacture de Sèvres, il est orphelin à 7 ans. Plus tard il prend la place de son père comme peintre à Sèvres.
La rencontre avec les paysagistes de l’École de Barbizon décida de sa carrière. Il parcourt la France à pied pour peindre. Il connaîtra le succès de son vivant.
Jules Breton
Il est d’abord tenté par des sujets réalistes et se consacre dès 1855 aux paysages et encore plus aux scènes de la vie des champs, genre qui lui valut un succès immédiat. « Le rappel des glaneuses » de 1859 consacre l’artiste.
Jean-François Millet (1814-1875)
Fils d’un paysan normand. Élève à Cherbourg de Mouchel, puis de Paul Delaroche à Paris, il quitte bientôt ce dernier pour aller au Louvre étudier Le Sueur, Poussin et Rembrandt.
Pour vivre, il doit brosser des scènes de genre dans le goût du XVIIIème siècle. Parallèlement, il peint pour lui-même des portraits d’un métier solide. Mais bientôt, les souvenirs de son enfance, de la vie au village natal, l’orientent vers des thèmes populaires et rustiques ; c’est alors qu’il met au point les éléments d’un style dont « Le Vanneau », exposé au Salon de 1848, constitue en quelque sorte le prototype. Remarquée par Théophile Gautier, l’œuvre fait sensation et est achetée par le ministre Ledru-Rollin sur ses propres deniers.
En juin 1849, il s’installe à Barbizon, non loin de Théodore Rousseau, dans une chaumière qu’il ne quittera plus. Ne peignant jamais d’ après nature, mais uniquement d’après son souvenir, Millet réussit à exprimer « une grandeur et une noblesse rares, sans atténuer en rien sa rusticité » dit Gautier.
Camille Flers
Cet habitué de Barbizon fut un ami de Paul Huet.
Charles-Emile Jacque
Tient une grande place dans le village de Barbizon
Charles François Daubigny (1817-1878)
Sa maison devient le premier foyer artistique d’Auvers-sur-Oise. Il fit de nombreux séjours à Barbizon.
A partir de 1843, il se déplace dans son bateau atelier « le Botin » dont le port d’attache est Auvers-sur-Oise.
C’est le seul paysagiste français du XIXème siècle à qui l’État a commandé des peintures dont plusieurs décorent la partie du Louvre affectée au ministère des finances. Ce sont des paysages de l’Île-de-France.
Jean-Batiste Camille Corot (1796-1875)
Il peint surtout à Ville d’Avray. Ce fut le peintre des aurores et des crépuscules. Il peint également toute une série de figures d’atelier et des portraits d’une insurpassable distinction. Avec la popularité, l’argent est venu, qu’il distribuait aux pauvres, à ses confrères besogneux. Il aida la veuve de Millet, acheta la maison de Daumier pour la lui donner.
Antoine de Chantreuil
Élève de Corot, il est connu comme un peintre pré-impressionniste. « On ne décrit pas un paysage de Chantreuil, c’est une émotion » a écrit Jules Husson dit Champfleury, écrivain, historien d’art et journaliste.
Gustave Courbet (1819-1877)
Fils de vignerons du Doubs riches et cultivés, dès sa jeunesse il dessine. Il adore ce pays, où il reviendra toujours, et qui lui fournira ses meilleurs thèmes, sa famille, ses sœurs, ses amis.
IL voulait prendre la nature à bras le corps et rendre au plus près la vérité de sa matière. Élève de la nature comme il aimait à se définir, Courbet devait recevoir infiniment plus de ses tête-à-tête avec la forêt de Fontainebleau que de l’enseignement des académies.
La défaite de l’Empire et la Commune provoquent ses malheurs. Rendu responsable de la destruction de la Colonne Vendôme, il est arrêté et condamné à 6 mois de prison, ce qui provoque la mort de sa mère. Condamné à reconstruire la colonne à ses frais, poursuivi par la haine officielle, Courbet doit se réfugier en Suisse, où il meurt.
Edouard Manet (1832-1883)
À 12 ans, il se passionnait déjà pour le dessin. À 18 ans il devient l’élève de Thomas Couture.
En 1856 commence sa véritable carrière artistique marquée pendant des années par des refus, des scandales et des échecs, mais aussi par l’amitié et la solidarité des hommes les plus remarquables de son temps.
De 1856 date son amitié avec Baudelaire. Le goût du peintre est stimulé par le poète.
Il considérait Delacroix comme son véritable ancêtre.
C’est seulement en 1860 après sa rencontre avec Monet qu’il subit le contre-coup des idées nouvelles.
Il travaille avec Monet et Renoir.
Le Fifre
Claude Monet (1840-1926)
Fils aîné d’un négociant parisien, il a cinq ans lorsque sa famille vient s’installer au Havre. Il rencontre vers 1858 Eugène Boudin qui l’oriente vers la peinture en plein air. En mai 1859, à Paris, il entre à l’Académie Suisse, où il a pour camarade Pissarro. Après son service militaire en Algérie, Monet retourne au Havre en 1862 ; il travaille à Sainte-Adresse « sur le motif » en compagnie de Boudin et de Jongkind.
En 1863, il fréquente l’Atelier Gleyre où il rencontre Bazille, Renoir et Sisley. Il les entraînera en forêt de Fontainebleau, où il peint, en 1865, « Le déjeuner sur l’herbe »
Il traverse une période de misère à la suite de différends avec sa famille qui refuse de l’aider. Seule l’amitié de Bazille le soutiendra.
Régates à Argenteuil
Il habite à Argenteuil, puis à Vétheuil et enfin à Giverny. Lorsque la chance lui sourit enfin, il achète la maison et crée autour ce jardin de terre et d’eau qui sera l’objet constant de ses soins et la source intarissable de ses chefs-d’œuvre.
Le Bassin aux Nymphéas
Camille Pissarro (1830-1903)
Son père qui dirigeait un comptoir dans une île danoise des Antilles, l’envoya terminer son éducation à Paris. Mais le jeune garçon se montrait plus doué pour les croquis rapidement crayonnés que pour les additions. En 1855, il se consacre définitivement à la peinture. Il s’enthousiasme pour Delacroix, reçoit l’enseignement de Corot dont il subit l’influence. Il fréquente aussi l’Académie Suisse où il rencontre Monet en 1859, puis deux ans plus tard, Cézanne et Guillaumin.
Pissarro, qui fut le plus continûment fidèle à l’Impressionnisme fut aussi de tous les impressionnistes le plus changeant, le plus instable.
Moret, Canal du Loing
Alfred Sisley (1839-1899)
En 1862, il s’inscrit à l’École des Beaux-Arts.
C’est un authentique disciple de Corot et extrêmement proche de Monet. Il fut le plus modeste, le plus discret, le plus pauvre des impressionnistes, mais aussi peut-être le plus poétiquement doué. Il ne fit guère que des paysages, dont on ne devrait apprécier que sur le tard la simplicité, la distinction et l’unité. Il mourra dans la misère.
Bords de Seine en automne
Pierre Auguste Renoir (1841-1919)
Il peint des porcelaines et des éventails avant de s’inscrire à l’École des Beaux-Arts en 1862. Il rencontre Monet, Bazille, Sisley, Diaz.
Au côté de Monet, il exécute des vues de Paris de 1867 à 1869.
En 1874, chez Nadar, il participe au premier salon des impressionnistes avant de réaliser le célèbre tableau « Le moulin de la galette ».
Il s’éloigne du groupe pour aboutir au style linéaire des grands nus (1882-1884). À partir de 1890, il adopte une nouvelle manière, fluide, fondue, nacrée.
Il passera les 20 dernières années de sa vie à Cagnes-sur-Mer paralysé par des rhumatismes articulaires. Il peindra jusqu’à la fin de sa vie en faisant attacher un pinceau à ses doigts tors.
Jeune fille se peignant
Paul Cézanne (1839-1906)
Son père, chapelier devenu banquier, désirait que son fils embrassât une carrière « honorable ».
En 1959, il s’inscrit donc à la Faculté de Droit d’Aix-en-Provence ; il suit également les cours de l’École des Beaux-Arts.
Le jeune homme arrive à Paris en 1861. Il y retrouve Émile Zola, son ami de collège. Il est refusé à l’École des Beaux-Arts car il peint avec excès. Aux cours de l’Académie Suisse, il rencontre Guillaumin, qui le présentera à Pissarro.
La Maison du Pendu (la maison appartenait à un breton nommé Penn du).
La Maison du Pendu
(la maison appartenait à un breton nommé Penn du).
Marqué par Courbet et Delacroix, il s’initie sous l’influence de Pissarro à la peinture en plein air. Il est mal accueilli par le public.
Après 1870, il s’établit à Pontoise, puis dans les environs d’Éragny où il demeure jusqu’en 1874.
Il expose au premier Salon des Impressionnistes, chez Nadar.
En 1877, il participe à la troisième exposition des impressionnistes avec le même insuccès qu’en 1874. Il renonce alors aux expositions collectives et, pendant le restant de sa vie, son humiliation se réfugiera dans une solitude ombrageuse et méfiante. Retiré à Aix, il ne quittera plus la Provence que pour quelques rares voyages.
Gustave Caillebotte
Il est surtout connu pour avoir été l’ami et l’un des principaux mécènes des Impressionnistes. Cependant il fut aussi un peintre qui laisse une aura peut-être mineure, mais où s’affirme un talent délicat. Il légua par testament à l’État une collection considérable ne comprenant pas moins de 65 œuvres impressionnistes qui fut refusée, à l’instigation des membres de l’Institut. Après 3 années de négociations et de campagnes de presse, une partie seulement fut acceptée. Il fallut attendre 1928 pour que les œuvres fassent leur entrée solennelle au Louvre.
Armand Guillaumin
Camarades de Monet, de Pissarro et de Cézanne, initiateur de Signac, il fut néanmoins dans la peinture de son temps, un grand indépendant.
En 1863, il fut l’un des exposants du Salon des Refusés et participa à la première manifestation des impressionnistes en 1874 chez Nadar.
Maximilien Luce
Sa vraie carrière commence avec sa rencontre avec Signac et son entrée aux Indépendants en 1887. Il devient alors l’un des peintres en vue du Néo-Impressionnisme et participe aux différentes expositions du groupe à Paris, puis à Bruxelles.
Monsieur Godfroy nous présente quelques œuvres de Guiseppe de Mittis et de Georges d’Espagnat.
Vincent Van Gogh (1853-1890)
Né au Pays-Bas. Après 1877, il peint en imitant Millet. Marqué par une vie agitée pleine de déceptions et d’échecs, en 1886, il s’installe à Paris chez son frère Théo.
Sous l’influence des impressionnistes, il abandonne les couleurs sombres de ses débuts.
L’église d’Auvers-sur-Oise
En 1888, il rejoint Gauguin à Arles. Après une crise de folie, il est interné à l’asile de Saint-Rémy-de-Provence. Il y a des périodes de lucidité. Il peint des toiles lyriques et violentes où puisera tout l’expressionnisme contemporain.
En 1890, il s’installe à Auvers-sur-Oise. Il s’y suicide cette même année.
La Méridienne, d’après Millet
Monsieur Godfroy termine son exposé avec des photographies d’Auvers-sur-Oise en 1988.
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