TRICENTENAIRE DE L’ECOLE DE DANSE DE L’OPERA DE PARIS

Thèmes: Art – Danse                                                                                                                                                                   Mardi 28 Mai 2013

TRICENTENAIRE DE L’ECOLE DE DANSE DE L’OPÉRA DE PARIS

Par Martine ANSTETT, Conférencière à l’Opéra de Paris – Spécialiste de l’histoire du ballet

En France, la danse est une affaire noble depuis très longtemps. Ce n’est donc pas surprenant que l’on fête cette année le tricentenaire de la naissance de l’école de danse française créée par Louis XIV et dont lÉcole de Danse de l’Opéra de Paris est la digne héritière.

La danse fut la forme d’art à laquelle contribuera le plus activement la noblesse de France. Dès la première moitié du XVIIème, chaque noble pratiquait la danse comme on apprenait l’escrime ou l’équitation. Celle ci était instruite dès l’enfance par des maîtres à danser qui  enseignaient les figures de base. Mais bien que considérée comme un art à part entière, la pratique de la danse n’est à cette époque là qu’un divertissement et non ps un spectacle à part entière.

Tout va changer avec Louis XIV qui sut porter une attention particulière à cet art plus que d’autres. Le Ballet de la Nuit est le premier ballet que le souverain donne en 1653. Malgré la lourdeur des costumes et la difficulté de danser avec des chaussures à talons, Louis XIV s’illustre dans son interprétation du ballet composé par Lully. Le « Roi-Soleil », danseur émérite depuis son plus jeune âge, saisi très vite l’intérêt culturel mais aussi politique du ballet, le prétexte est alors tout trouvé pour instaurer une École royale de Danse: pouvait-on créer de beaux ballets avec des danseurs amateurs, non aguerris aux techniques de plus en plus difficiles.

En 1661, il crée l’Académie de danse en réunissant treize des meilleurs maîtres à danser du royaume. Ainsi débute le règne du professionnalisme, Louis XIV décide de codifier et de mieux encadrer les bases de la chorégraphie afin de développer cet art rigoureux.  Même si le terme « d’élèves » n’est pas encore employé, la danse est en pleine mutation, du ballet de cour on passe petit à petit à une danse théâtralisée exigeant des danseurs professionnels. La plupart des danseurs et danseuses sont recrutés dans les troupes de saltimbanques mais Louis XIV souhaite faire bénéficier à ces artistes d’une formation encore plus homogène, il crée alors en 1713, il y a tout juste 300 ans, le Conservatoire de Danse. Son rôle est nettement posé: perfectionner les artistes de l’Académie royale de danse, les façonner dans un même esprit d’élégance, une même technique. C’est cette unité de formation qui perdure aujourd’hui.

Mais où installer cette Académie de danse? Dans un premier temps, au Magasin, un bâtiment proche du Palais-Royal, rue Saint-Nicaise, actuellement rue de Rivoli. Puis, on transfère l’école à l’hôtel des Menus-Plaisirs, rue Richer, et enfin, en 1876, au Palais Garnier. Elle y restera plus d’un siècle, avant d’être déplacée, en 1987, dans de nouveaux bâtiments, à Nanterre. Au tout début considérée comme lieu de peu de vertu, l’école se transforme, la technique se développe et l’entraînement des danseurs s’affine. Louis XVI marche dans les pas de son prédécesseur et en 1784, il officialise l’École de l’Opéra. Rapidement considérée comme faisant partie du prestige national, l’Académie Royale survit à la Révolution de 1789, et à partir de cette date, à tous les soubresauts de l’Histoire.

Vers 1815 l’institution évolue ; un directeur est nommé, un règlement est édité interdisant notamment la présence des parents pendant les cours, des examens et un classement sont mis en place et de grands noms de la danse commencent à faire leur apparition.

En 1832 apparaît un personnage clé de l’histoire du ballet : Marie Taglioni. Elle est la première à porter le tutu lors des représentations de la « Sylphide » ; mais surtout elle est également la première à utiliser les pointes. Celles-ci révolutionnent la danse en y  apportant une sensation de légèreté et de grâce inégalable. Première directrice à être nommée en 1860, elle contribue à beaucoup de changements au sein de l’enseignement, notamment en privilégiant les filles.

C’est en 1836 que le terme « Petits rats » est utilisé pour la première fois. Deux versions sont à l’origine de cette appellation : 1- à l’époque à peine mieux considérés que des prostituées on imagine les danseurs / danseuses de l’académie, sautant sur n’importe quel bout de pain comme de petits rongeurs affamés. 2- l’expression viendrait du fait que les membres de l’Académie sautillaient dans les couloirs du grenier de l’Opéra, d’où la référence aux petits rats…

Le 5 janvier 1875, le nouvel Opéra est inauguré. Le Palais de Charles Garnier devient la pièce maîtresse du nouveau Paris haussmannien et l’école en profite pour déménager et venir s’installer dans les nouveaux locaux de l’opéra.

Vingt ans plus tard, un personnage incontournable fait son entrée à l’Opéra de Paris. Repérée après ses études à l’École de Danse de la Scala de Milan, Carlotta Zambelli est engagée en 1894 comme première danseuse puis devient rapidement soliste. Appréciée pour sa technique brillante et précise, elle prend en charge la classe de perfectionnement où elle forme notamment Lycette Darsonval et Yvette Chauviré, toutes deux futures Etoiles.  Elle devient la directrice de l’établissement en 1920 et marque considérablement son passage. Avec Carlotta Zambelli, l’harmonie prime désormais sur les exploits athlétiques (aujourd’hui encore c’est cette élégance qui est la marque de l’Ecole Française du ballet à travers le monde). En 1958, elle est remplacée par Lycette Darsonval. Petit à petit, des matières complémentaires commencent à être introduites dans le cursus des élèves : l’histoire de la danse, l’initiation musicale et la danse de caractère.

La troisième personnalité ayant marqué l’évolution de l’Opéra de Paris est la, très populaire, danseuse étoile Claude Bessy. Après une carrière soutenue, Claude Bessy est nommée directrice du Ballet de l’Opéra de Paris fin 1972, elle y reste jusqu’en en 2004, date à laquelle Elisabeth Platel, l’actuelle directrice, prend la relève. C’est sous sa direction que l ‘école connaît un essor très important. Elle réussit, après plusieurs années de négociations auprès des pouvoirs publics, à faire construire à Nanterre une superbe école de danse qui est inaugurée en 1987.  Les dernières années de sa direction seront quelque peu entachées par des accusations vis-à-vis de ses méthodes de travail jugées trop sévères mais l’on ne peut renier les profondes modifications qu’elle a apportées à l’École. Elle intègre des cours de mime, de moderne jazz et de folklore dans le cursus et permet aux élèves de monter sur scène au moins une fois par an, avec la création des Démonstrations de l’École de Danse et la mise en place d’un spectacle annuel, tous deux ayant lieu à l’Opéra Garnier. À partir de 1981, elle emmène les élèves en tournée dans le monde entier, que ce soit au Japon ou aux États-Unis, leur donnant ainsi  l’occasion de devenir des artistes à part entière et responsables.

Aujourd’hui installée dans ses nouveaux locaux, l’école comprend 10 studios de danse, 12 salles de classe, 1 salle de gymnastique, 1 cantine et 50 chambres d’internat pouvant accueillir 2 à 3 élèves chacune. Les enfants souhaitant intégrer l’école ne sont pas obligés de savoir danser mais un examen médical ciblé détermine si ceux ci sont aptes à postuler. Dans le cas où l’avis est favorable, l’enfant est accueillit pour un stage de 6 mois pouvant déboucher sur une entrée dans la prestigieuse École de Danse de Paris.

Dès l’âge de 8 ans, les élèves dansent le matin et étudient l’après-midi. L’enseignement est dispensé sur 6 niveaux (de la 6ème à la 1ère division), c’est un apprentissage pluridisciplinaire comprenant, en plus des différents cours de danse, des cours de musique, de mime, de comédie, de droit du spectacle, d’histoire de la danse ou encore d’anatomie et de gymnastique. École de la danse, elle est aussi celle de l’obstination, de la douleur et du dépassement de soi pour répondre à l’obligation d’excellence. Afin d’atténuer la pression qui pèse sur les épaules de ces jeunes artistes, la tradition veut que chaque élève choisisse dans le ballet un « petit père » ou une « petite mère », sorte de parrain-marraine avec lequel il peut échanger, se confier ou auprès de qui il peut glaner de précieux conseils.

Aujourd’hui, de plus en plus d’élèves sortent avec un baccalauréat en poche et les élèves de 1ère division bénéficient d’une priorité de recrutement dans le Corps de ballet de l’Opéra, un concours interne leur étant réservé. Mais les places sont chères  et tout le monde n’a pas la chance d’intégrer ce fameux Corps de Ballet ; les élèves qui ne sont pas engagés peuvent être maintenus à l’École de Danse s’ils ne sont pas en limite d’âge ou bien quitter celle-ci munis d’un diplôme de fin d’études. On leur propose alors de postuler dans d’autres corps de ballet ou de devenir enseignant…lorsqu’ils ne décident pas eux-même de tout arrêter tout simplement !

C’est grâce à cette formation exceptionnelle que le Ballet de l’Opéra reste le premier ballet au monde. Maintenir cette excellence, ne jamais démériter de cette somptueuse histoire, telle reste l’ambition de son actuelle directrice, Brigitte Lefèvre, et tel est le défi que devra relever celui qui prendra sa relève en 2014: Benjamin Millepied !

EN SAVOIR PLUS….

Coté Livres

LE CHEMIN DES ETOILES de Natacha Hochman

Dix ans après « Itinéraires d’étoiles », l’auteure revient dans les coulisses de la prestigieuse Ecole de Danse de l’Opéra de Paris, se concentrant entièrement sur l’enseignement dispensé dans l’établissement. De nombreux photographes et entretiens permettent de suivre les élèves dans leur quotidien

L’ECOLE DE DANSE DE L’OPERA NATIONAL DE PARIS

Photos d’Agathe Poupeney. 2010 – Publié par l’Opéra national de Paris

CotéWeb

http://www.operadeparis.fr/L_Opera/L_Ecole_de_Danse/