Thèmes: Arts, Histoire Visites du jeudi 10 juin 1993
Jeudi 10 juin 1993, une centaine de membres du C.D.I., accompagnés de deux conférencières, ont parcouru la route des abbayes dans les Yvelines, avec une halte pour déjeuner à Senlisse.
Port-Royal –
Au début du 13ème siècle, Milon de Voisins tenait du chevalier Guillaume de la Ferté, un fief situé en Porrois (Port-Royal) et acheté au prieur de Bonnelles. En 1204, cette terre fut acquise, en vue d’une fondation pieuse, par Mathilde de Garlande qui répondait ainsi au vœu de son époux, Mathieu 1er de Marly-Montmorency, parti pour la quatrième croisade.
Mathilde établit une communauté religieuse, bientôt élevée au rang d’abbaye, dans le fond d’un vallon aux eaux stagnantes. En 1223, une Bulle du Pape Honoré III accordait divers privilèges et autorisait à recevoir des séculières qui désireraient faire retraite sans prononcer de vœux. La nouvelle abbaye prospérera, aidée par de nombreux bienfaiteurs dont Saint-Louis.
Abbaye de Port-Royal des Champs
Pendant près de quatre siècles, elle eut à souffrir de la guerre de Cent Ans, des guerres de religions. La règle de la vie communautaire s’était relachée au point qu’on y menait une vie plus mondaine que vraiment religieuse.
Vers la fin de 1599, une enfant de huit ans y fut nommée coadjutrice. Elle s’appelait Jacqueline Arnauld et était d’une famille de robe, puissante par ses amitiés et ses alliances. Son père, avocat général au Parlement de Paris, avait su mériter les bonnes grâces d’Henri IV.
Lorsqu’en 1602, l’abbesse de Port-Royal mourut, la fillette, qui avait fait profession sous le nom de Marie-Angélique, lui succéda à la faveur d’une falsification de sa date de naissance : on la disait âgée de 17 ans. Elle se voua tout entière à la vie religieuse et décida de réformer son monastère. L’importance de cette restauration fut vite connue et l’on envoya Mère Angélique établir semblable réforme à l’abbaye de Maubuisson.
Mère Angélique et Mère Agnès Arnauld
À Port-Royal-des-Champs les novices affluaient ; on comptait quelque quatre-vingts religieuses en 1625. Mais l’état sanitaire était devenu si déplorable que l’on décida de transférer la communauté à Paris. Ces bâtiments ont subsisté, ils forment une partie de la maternité Baudelocque.
Le frère ainé de Mère Angélique lui présenta, ainsi qu’à toute sa famille, l’abbé de Saint-Cyran qui était le disciple et l’ami de l’évêque d’Ypres, Jansénius. De ce jour, Port-Royal deviendra la citadelle du Jansénisme.
Jansénius
Abbé de Saint-Cyran
En 1637, Monsieur Le Maître, neveu de Mère Angélique, avocat de renom et conseiller d’État se retire dans le voisinage de Port-Royal de Paris où le rejoignent son frère Monsieur de Séricourt et quelques amis qui formeront ainsi la Société des Solitaires qu’on a coutume d’appeler » Ces Messieurs de Port-Royal ».
À l’arrestation de l’abbé de Saint-Cyran, certains des Messieurs se réfugient à la Ferté-Milon, chez un ami, Monsieur Sicart (grand-oncle de Jean Racine).
Le calme revenu, les Solitaires regagnent Port-Royal des Champs et s’emploient à restaurer et agrandir les bâtiments, à assainir le vallon. En 1648, Mère Angélique revient avec plusieurs religieuses, et les Solitaires, dont le nombre a grandi, s’établissent dans une dépendance, la ferme des Granges.
Aux « Petites Écoles », l’abbé de Saint-Cyran avait réuni autour de ses neveux, quelques enfants de familles amies dont il dirigeait l’éducation. Après lui, les Messieurs continuèrent. C’est parce que sa famille était intimement unie à Port-Royal (une de ses tantes en fut abbesse) que Racine y fut accueilli adolescent et y demeura de 16 à 19 ans. En 1660, les ennemis de Port-Royal, obtinrent de la Cour l’interdiction de cet enseignement.
Les « Petites Écoles »
« L’Augustinus » de Jansénius fut violemment condamné par les Jésuites. Cinq propositions qualifiées d’hérétiques, entièrement fabriquées et que l’on attibuait à Jansénius, furent condamnées en 1653 par le Pape Innocent X. En 1656, le Pape Alexandre VII acheva la condamnation romaine des Jansénistes que n’avait pu sauver la contre-attaque de Blaise Pascal, ami fervent du monastère où sa sœur avait fait profession. De Janvier 1656 à mars 1657, il fit paraître, sous le pseudonyme de « Montalte », dix-huit lettres adressées à un provincial et où il s’efforce de discréditer les Jésuites. Ses lettres furent réunies en 1657 sous le titre : « Lettres écrites… à un provincial de ses amis ». Elles sont connues de nos jours.sous le titre ‘Les Provinciales ».
Cependant, les Jansénistes formaient un parti hostile à l’absolutisme et Louis XIV, en 1661, entreprit de s’assurer leur soumision par la signature d’un formulaire reconnaissant toutes les condamnations. L’archevêque de Paris exigea des religieuses qu’elles signent le formulaire. Elles refusèrent et des mesures vexatoires furent entreprises contre elles.
L’archevêque de Paris fit procéder à l’enlèvement d’une douzaine de religieuses jugées les plus rebelles et les fit transporter dans différents couvents. En 1665, certaines d’entre elles furent regroupées à Port-Royal des Champs sous la garde de la police et privées des sacrements.
Il y eut un certain apaisement dans les années suivantes. En 1669, ce fut la Paix de I’Église. L’abbaye connaît pendant dix ans un nouvel éclat. Les Messieurs retrouvent leur retraite des Granges, de grands travaux sont entrepris dans le domaine, les amis sont nombreux, influents et généreux. Madame de Longueville, cousine du roi, devenue « pénitente » de Port-Royal, assure une puissante protection à l’abbaye. Mais à sa mort, en 1679, la lutte reprend, les pensionnaires et postulants, les confesseurs et les Messieurs doivent partir.
On ne permet plus l’entrée de nouvelles religieuses, c’est le début d’une longue agonie, les ennemis de Port-Royal obtiennent du roi un ordre de dispersion. Les vingt dernières religieuses sont conduites dans différents couvents, tous les biens sont dévolus à l’abbaye de Paris.
Les bâtiments devenaient pour les amis un lieu de pèlerinage. Un arrêt du Conseil décida qu’ils seraient rasés. L’église, d’abord epargnée, fut comprise dans la démolition (1711). Or, depuis cinq siècles, quelque trois mille corps reposaient dans l’église, dans le cimetière du cloitre et dans celui du dehors. Leur exhumation s’imposait.
Le « saint désert » demeura propriété de l’abbaye de Paris jusqu’à la Révolution. En 1791, il fut vendu comme bien national à diverses personnes auxquelles les racheta, en 1824, un Janséniste fervent, Louis Silvy, qui fit effectuer d’importants travaux dont le dessèchement de l’étang.
Aujourd’hui, l’ancien domaine se trouve entre les mains de trois propriétaires. Les vestiges de l’abbaye et les terres y attenant appartiennent à la Société de Port-Royal. Le domaine des Granges (ferme, dépendances et terres) vendu en 1925 est la propriété de particuliers. Les bâtiments des Petites Écoles et son parc ont été acquis en 1952 par l’État.
Le Musée national des Granges, inauguré en 1962, comprend neuf salles évoquant l’histoire du Jansénisme et de Port-Royal, de Racine et Pascal.
Les Vaux de Cernay –
Une grille moderne, flanquée d’un petit pavillon, donne accès au domaine, aujourd’hui propriété privée, achetée en 1941 par Monsieur Amiot à la famille de Rotchschild qui l’avait elle-même acquis en 1873 et fait effectuer des travaux de consolidation pour sauver les ruines de l’abbaye.
Ruines de l’église abbatiale
L’abbaye fut fondée en 1118 par des moines venus de Savigny-en-Avranchin. Parmi les abbés commendataires de cette maison, on peut citer le poète Philippe Desportes qui l’obtint pour un sonnet, et Henri de Bourbon-Verneuil, fils de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées.
Vendu comme bien national sous la Révolution, pour la somme de 32 600 francs-assignats, le domaine fut laissé a l’abandon et les bâtiments tombèrent en ruines.
Les fouilles entreprises à la fin du XIXème siècle ont prouvé que le monastère avait été construit sur le plan adopté par toutes les maisons relevant de Citeaux. L’église, rebâtie dans la seconde moitié du Xllème siècle appartenait au style bourguignon, son chœur se terminant par un chevet plat. Elle mesurait 64 mètres de long, sa nef de cinq travées était large de 9,70 mètres et couverte de voûtes à 17 mètres au-dessus du sol.
Il subsiste une partie de la façade, le mur latéral nord existe encore, celui du sud qui s’élève à 8 mètres de haut a conservé ses voûtes et ses baies. Il reste également quelques vestiges de la partie sud du chœur, du transept et de deux chapelles. De l’ancien cloître, subsiste la salle des Moines et ses neuf travées.
Salle des Moines
À quelques mètres, se dresse la fontaine Saint-Thibault, couverte d’un édicule carré formé de trois arcades de la Renaissance, provenant du cloître réédifie au XVlème siècle.
À l’emplacement des bâtiments conventuels, qui contenaient cuisines et réfectoire, on a construit un corps de logis, en utilisant les fondations et les contreforts restés en place. Au rez-de-chaussée, la salle est voûtée d’arêtes reposant sur des colonnes et les murs sont renforcés d’arcades en tiers-point.
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Notre-Dame de la Roche –
En l’an 1232, Guy de Lévis donna en pure aumône la somme de 4 000 livres Parisis pour la construction d’une abbaye en un lieu voisin de son château.
Les exploits de Guy de Lévis, compagnon d’armes de Simon de Montfort durant la croisade contre les Albigeois, lui avaient valu le titre de Maréchal de la Foi et les Seigneureries de Mirepoix (1209) et de Montségur (1226).
L’Abbaye fut gratifiée d’importantes donations qui lui permirent d’acquérir un domaine assez vaste, mais elle eut cependant beaucoup à souffrir des désastres provoqués par la guerre de Cent Ans qui la placèrent dans une situation financière précaire. Au début du XVIIème siècle, elle ne comptait plus aucun religieux, le culte étant assuré par un chapelain.
Vendue comme bien national sous la Révolution, l’abbaye fut transformée en un domaine agricole. La chapelle devint un grenier à foin et la salle capitulaire une étable.
Au milieu du XIXème siècle, les descendants de Guy de Lévis, devenus « de Lévis-Mirepoix » rachètent l’abbaye et procèdent à la restauration de la chapelle et des principaux bâtiments.
La famille consentit à l’Orphelinat de l’Assomption à Élancourt, un bail de 99 ans, à partir du 1er avril 1874, tout en se réservant le droit de sépulture dans un caveau creusé sous le transept gauche de la chapelle.
Stalles de la clôture du chœur
Les religieuses de Saint-Vincent-de-Paul, prirent le domaine en charge et le firent mettre en culture pour assurer l’approvisionnement de l’orphelinat.
En 1952, Sœur Marie-Thérèse Maunoury, désignée pour diriger l’abbaye et les jeunes garçons de l’orphelinat qui y étaient attachés, décida de créer un Centre d’Apprentissage de l’Horticulture.
Depuis 1966, l’Association de Notre-Dame de la Roche a été créée. Elle reçoit des jeunes garçons confiés par la DDASS aux termes d’un contrat qui prévoit un effectif total de 40 enfants.
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Le Skit du Saint-Esprit –
Ce lieu monastique orthodoxe russe a été fondé en 1936. Il est habité par trois moines qui mènent une vie de prière.
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La Commanderie des Templiers de la Villedieu – (cf. conférence – Mai 1988)
En 1119, Hugues de Payns et Godefroy de Saint-Amour font vœu de protéger les chemins menant en Terre Sainte et de défendre les pèlerins. Le roi Baudouin Il de Jérusalem leur concède une salle de son palais de l’esplanade du Temple, d’où le nom de l’Ordre des Templiers.
Sceau de l’Ordre des Templiers
L’Ordre des Templiers s’enrichit, possède domaines et forteresses, sert de banques aux pèlerins et plus tard aux rois. Ils organisent les finances du commerce avec l’Europe et gèrent les finances des croisés. Après la perte de la Terre Sainte, l’Ordre se retira dans ses possessions en Europe.
En butte à de nombreuses hostilités, il fut persécuté par Nogaret et Philippe IV le Bel désireux de briser sa puissance et de s’en attribuer les biens.
Sous la pression royale, les procès aboutirent à des condamnations à mort en 1310, à la suppression de l’ordre par Clément V en 1312, à l’exécution du grand maître Jacques de Molay en 1314 et à la confiscation des biens, transmis aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem après que le roi en eut tiré le plus d’argent possible.
La Commanderie des Templiers d’Élancourt fut fondée en 1180 et transformée en exploitation agricole après la guerre de Cent Ans. Parmi les nombreuses commanderies existant en France et à l’étranger, elle est la plus caractéristique, la plus pure et la plus révélatrice, par son style dépouillé et sévère, de l’esprit du Temple.
Elle comporte un mur d’enceinte, une chapelle, un bâtiment des Gardes et plusieurs constructions de destination diverses, disposées orthogonalement autour d’une pièce d’eau et d’une vaste cour intérieure.
Bibliographie : . « Les lionnes de Dieu » – Diane Ribardière . « L’enfant de Port-Royal » – Rose Vincent
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