Thèmes: Art, Histoire Sortie – Visite des mercredi 14 et jeudi 15 mars 1990
Mercredi 14 mars et jeudi 15 mars, une centaine d‘adhérents ont quitté Garches par une belle journée pour découvrir ou revoir ces demeures, si proches de notre ville et riches de souvenirs de l‘époque napoléonienne.
Histoire de la Malmaison
Dans un aussi charmant décor, on s‘interroge sur l’appellation « Malmaison », signifiant mauvaise maison, attribuée à l‘ancien hameau. Peut-être faut-il remonter jusqu‘au 9ème siècle au cours duquel on dit que se trouvait en ces lieux un repaire de pillards Normands.
En fait l’histoire commence par une modeste grange construite au 13ème siècle et dépendance de l’Abbaye de St Denis.
C’est ensuite, sous le règne de Louis XIII que Christophe Perrot, prévôt des marchands, construit le bâtiment central et le pavillon sud de l‘actuel château. Au 17ème siècle, J. H. Barentin y ajoute le pavillon nord ainsi que deux ailes mansardées. Au 18ème siècle le château est loué à des financiers. L‘un d‘entre eux, Jean le Conteulx du Molay et sa femme Sophie modifient et modernisent l’intérieur, agrémentent l’environnement d’un parc à l’anglaise, et reçoivent une société choisie d‘écrivains et d’artistes tels que Madame Vigée-Lebrun, l’Abbé Delille, Bernardin de St Pierre, Grimm, Suard etc...
Mais la Révolution les oblige à vendre la propriété. C’est alors qu’intervient Madame Bonaparte, née Marie-Joseph-Rose Tascher de la Pagerie, veuve du vicomte de Beauharnais, et mère d‘Eugène et d’Hortense. La « citoyenne » Beauharnais, remariée en 1796 avec le Général Bonaparte, connaissait la Malmaison, visible de sa résidence de Croissy. Très désireuse de l‘acquérir, alors que son mari était à la Campagne d‘Egypte, et qu‘elle restait sans nouvelles de lui, elle négocie et l’achète le 21 avril 1799 pour son propre compte, en contractant une dette très importante. De retour en octobre 1799 Bonaparte devenu premier consul acquitte aussitôt la dette de sa femme.
Mais là ne s’arrêtent pas les dépenses : dès 1800 le Premier Consul confie à deux jeunes architectes Fontaine et Percier la rénovation du Château ajoutant une véranda à l‘entrée, agrandissant les pièces de réception, créant des décors à la romaine, édifiant des bâtiments annexes : orangerie, serres, écuries, théâtres, …
Le château est alors le centre d‘une vie très active à la fois mondaine et de travail. Dès 1802, cette résidence campagnarde devient trop modeste pour Bonaparte nomme Consul à vie, et a fortiori pour l‘Empereur sacré en 1804.
Ainsi les Tuileries, Saint-Cloud puis Fontainebleau, Compiègne, Rambouillet deviendront les nouveaux lieux de séjour fréquentés par la Cour.
Cependant, devenue Impératrice, Joséphine continue d’embellir son domaine où elle se sent bien, mais où Napoléon ne vient plus guère. Dans une nouvelle serre chaude, elle acclimate des espèces rares. Et dans le château elle accumule les œuvres d’art.
A partir de décembre 1809, l‘Impératrice répudiée y réside le plus souvent. En 1812 elle transforme ses appartements, mais conserve intacte la bibliothèque de l’Empereur qui de loin veille toujours sur elle et continue en maugréant à payer les créanciers. Joséphine meurt à Malmaison le 29 mai 1814. Napoléon, au retour de l’Ile d‘Elbe y vient en pèlerinage et s‘y retire après Waterloo en juin 1815 avant son exil définitif.
Acquises par le tsar, les plus belles peintures et statues partent pour la Russie (musée de l‘Ermitage à Léningrad).
De 1815 à nos jours, la Malmaison passe de main en main d‘abord propriété du prince Eugène de Beauharnais, elle est achetée en 1842 par Marie-Christine, reine d’Espagne, qui la cède à Napoléon III en 1861.
L‘Impératrice Eugénie y crée le premier musée, bientôt fermé à la guerre de 1870. On se bat près du château (Combat de Bougival octobre 70, puis de Buzenval janvier 71). La paix revenue, le domaine est morcelé, vendu plusieurs fois jusqu‘à ce qu‘un mécène Daniel Iffla Osiris en fasse don en 1903 à l‘Etat qui l‘aménage en musée napoléonien, inauguré en 1906.
La visite
De Garches à Rueil, la distance est vite franchie et notre car nous dépose devant la grille principale du parc. Nous allons par la grande allée jusqu‘au château où nous entrons par la véranda en cours de restauration.
Nos guides sont exacts au rendez-vous et la visite commence aussitôt.
Dans le vestibule néo–classique à colonnes de stuc, décorées des bustes de la famille impériale, ils nous expliquent comment au cours du temps le mobilier a été dispersé, et n‘a pas pu être totalement récupéré, d‘où vient l‘apport en complément de meubles et objets d’art qui se trouvaient à Saint-Cloud, à Compiègne ou aux Tuileries.
Au rez-de-chaussée nous voyons d‘abord les salles de réception et de travail :
– l’ancienne salle de billard où l‘on remarque des consoles et des tabourets en X de Jacob-Desmalter, des candélabres à figure d‘égyptienne et un très beau lustre (originaire de St Cloud).
– dans le « salon doré » rehaussé d‘une grande cheminée offerte par le pape Pie VII après le concordat, sont exposés des tableaux de Giraudet et Gérard. Du mobilier d‘origine il ne reste qu‘un piano–secrétaire, des fauteuils et une jolie table de tric-trac en acajou et citronnier.
– le salon de musique a été reconstitué d’après une aquarelle d‘époque de Garneray. Il a conservé une partie du mobilier de la Malmaison. Deux des quatre canapés d’acajou des frères Jacob, garnis de drap rouge à galons noirs, ont retrouvé leur place. On y voit également la harpe de Joséphine ornée d’un aigle, en acajou, bronze et nacre de Cousineau, le piano de la reine Hortense, un secrétaire et une commode de Mansion.
– la salle à manger est joliment décorée de danseuses pompéiennes peintes sur stuc. Parmi les meubles, on remarque de superbes chaises d‘acajou incrustées d‘ébène et d‘étain, des frères Jacob, et l’on contemple de belles porcelaines : vases marqués du J, vaisselle marquée du B.
La salle à manger.
– la salle du conseil, dessinée par Percier, est en forme de tente d‘Etat-Major, en coutil rayé bleu et blanc. On y voit trois fauteuils caractérisés par leurs pieds en X arrondis qui sont là depuis l’origine, le reste du mobilier venant de St Cloud.
– la bibliothèque est la dernière salle de cette suite. Aménagée en 1800 par la réunion de trois pièces, elle comporte des voûtes peintes, des armoires encastrées et des colonnettes d‘acajou. Bonaparte ne l’aimait pas beaucoup, la trouvait trop ressemblante à une chapelle... Il s‘y rendait directement de son appartement par un escalier dérobé qui existe toujours. L‘imposant bureau « mécanique » et les sièges viennent des Tuileries.
Nous accédons maintenant au premier étage où sont situés les appartements de Napoléon et de Joséphine :
—l’appartement de l‘Empereur comprend un salon où sont rassemblés des portraits de famille, dont celui de Joséphine à la Malmaison peint par Gérard, puis une chambre (reconstituée sur documents) drapée d‘étoffe rayée et abritant des meubles des Tuileries, garnis de casimir jaune à applications de drap noir.
On y voit également un portait du Général Bonaparte à Milan, et celui de Joséphine à la Malmaison peint par Gros.
Nous traversons ensuite une série de salles où sont exposés de nombreux tableaux et une importante collection d‘objets d‘art et de souvenirs.
—dans la salle dite « Marengo » se trouvent le tableau de David : « Bonaparte franchissant le grand Saint-Bernard », ainsi que des armes ayant appartenu au premier consul.
– dans la salle « Joséphine », comment ne pas être séduit par la beauté des porcelaines de Sèvres (plateau de la « table des Maréchaux », cabaret à thé), de Berlin (assiettes) ou de Dihl (service de table, miniatures), de même que par l‘orfèvrerie et par l’élégance et le luxe d‘objets usuels, témoins de la vie quotidienne du couple ?
– dans la dernière salle, nous découvrons d‘autres souvenirs parmi lesquels table à ouvrage, coiffeuse de l‘impératrice, commode et secrétaire, en admirant au passage la pendule de « Jason et la toison d‘or ».
Et nous voici pénétrant dans les appartements de Joséphine. Ils comprennent une antichambre garnie de tableaux de Gérard, de Vincent et où l’on peut apprécier les gravures de plantes et de fleurs coloriées par Redouté, si précises et de teintes si fraiches qu’on les croit vivantes.
Puis deux chambres se succèdent : la chambre d‘apparat ovale, en forme de tente rouge, restaurée telle qu‘elle était en 1812, et abritant le lit doré de l’impératrice, œuvre de Jacob.
La chambre de l‘Impératrice.
Puis la chambre « ordinaire » où l‘on voit un portrait inachevé de l‘impératrice par Prud’hon. En annexe, un cabinet de toilette et un boudoir n‘ont malheureusement pas pu être convenablement restaurés.
Notre pèlerinage s‘achève par la visite du second étage avec la salle « d’atours » demeurée intacte, dont les placards aménagés en vitrines contiennent les robes, les superbes manteaux de cour de Joséphine, ainsi que des vêtements de sa fille.
Enfin dans deux dernières salles sont exposés les souvenirs de la reine Hortense et du prince Eugène, et des documents sur l’histoire de la Malmaison.
Visite de Bois-Préau
En quittant la Malmaison, le soleil et la douceur exceptionnelle du temps nous incitent à aller à pied à Bois-Préau, à travers le parc. D’autant qu’un gardien nous encourage dans cette entreprise en annonçant 5 minutes de marche. En fait il nous en faut 20 pour toucher le but et la fatigue commence à se faire sentir dans quelques « rangs ». En pareil cas, il ne faut pas s‘arrêter et le temps nous est d’ailleurs compté pour cette seconde étape.
Château de Bois-Préau (vue extérieure)
Nous pénétrons dans le musée où une guide nous conduit immédiatement dans le vestibule. Elle résume l’histoire de ce domaine « annexe » de la Malmaison.
L‘ensemble ayant été reçu en héritage par le prince Eugène les domaines sont vendus séparément en 1828 par sa veuve, la princesse Auguste-Amélie de Bavière.
Le château de Bois-Préau est reconstruit en 1853 par M. Rodriguès-Henriques puis il passe de mains en mains jusqu‘à ce qu’un collectionneur américain Edward Tuck en fasse donation aux musées nationaux en 1926 pour réunir à nouveau les deux domaines.
Devenu musée en 1958, Bois–Préau est consacré depuis 1984 au souvenir de la captivité à Ste-Hélène de la mort de Napoléon, du retour des cendres, et à la légende impériale.
Quittant ce vestibule, non sans avoir remarqué la statue de « Napoléon mourant » due à Vicenzo Vela, nous visitons rapidement les différentes salles : salle des pièces et monnaies, puis dans l‘escalier menant au premier étage le tableau de Napoléon sur son lit de mort, peint par Mauzaisse.
Là, plusieurs pièces sont consacrées à la captivité de l‘Empereur : souvenirs du voyage vers Ste-Hélène ; meubles et objets provenant de sa résidence de Longwood, parmi lesquels un bel échiquier, un lit de camp, un grand paravent chinois, un banc du jardin, des fauteuils de jonc, de la vaisselle, les derniers vêtements, des vases sacrés, etc... On y voit également le masque mortuaire pris par le médecin Antommacki, et offert à l’épouse du Maréchal Bertrand, un fidèle de l‘Empereur.
– une salle est dédiée au retour des cendres de l‘Empereur, représenté dans le tableau de Philippoteaux, et des vues du Cortège sur le chemin des Invalide s.
– une autre salle contient les souvenirs et les meubles de Louis Marchand, premier valet de chambre de l‘Empereur à Ste-Hélène.
– enfin deux salles évoquent la légende napoléonienne par des collections de sculptures, peintures, gravures et par des vitrines montrant de nombreux objets utilisés par Napoléon, de même quelques–unes des photographies d‘acteurs ou d‘actrices ayant incarné les rôle s de l’Empereur ou du duc de Reichstadt.
Retour
La visite étant terminée, allons-nous devoir faire en sens in verse, et toujours à pied, le chemin qui nous sépare du car.
C’est bien en tout cas ce qui est prévu…
Eh bien non, car Mme Eymar, prenant ses jambes à son cou, est allé chercher le car qui nous a pris à la grille de Bois-Préau ...
A la satisfaction générale, nous voilà bien vite rendus à Garches.
Si certains d‘entre nous ont malgré tout senti leurs jambes un peu lourdes, ils sûrement pas regretté leur effort. Car nous avons maintenant tant de souvenirs de la Malmaison que nous pouvons rêver de ce « Trianon du Consulat » où la vie de Joséphine et de Bonaparte a du être si pleine de charme et de joies, avant que des nuages viennent obscurcir leurs jours.
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