Thèmes : Economie, Sciences, Société Conférence du mardi 29 janvier 2019.
Par Bernard DUCROS, lavandiculteur dans la Drôme, au cœur des baronnies provençales.
INTRODUCTION.
La lavande évoque pour bon nombre d’entre nous le petit sachet que mettaient nos grand-mères dans les armoires. C’est aussi les paysages de Provence et les collines toutes bleues qui apparaissent dans certains tableaux de Vincent Van Gogh ou d’autres grands peintres. La lavande nous la retrouvons aussi en aromathérapie ainsi que dans la parfumerie.
I – La lavande, une plante méditerranéenne.
Venue de l’ouest du bassin méditerranéen, la lavande était déjà utilisée par les Romains pour conserver le linge et parfumer les bains. En Provence la lavande fut utilisée au Moyen-âge pour la composition de parfums et de médicaments.
On dénombre trois types de lavandes différentes qui poussent à des altitudes différentes et dont les caractéristiques sont elles aussi différentes.
La lavande fine, sauvage pousse entre 500 et 1400 mètres, la lavande aspic entre 500 et 700 mètres et le lavandin entre 500 et 700 mètres. Ce dernier est le résultat du croisement par pollinisation de la lavande fine et de la lavande aspic. Le lavandin se reproduit par bouturage car il est stérile. On commence à le planter massivement dans les années 1930 et actuellement 80% de la production de lavande est du lavandin. Bernard DUCROS développe les plants de lavande sur l’exploitation.
La lavande sauvage occupe de moins en moins de place car c’est une plante qui ne peut pas cohabiter avec les broussailles et les arbres car elle doit être en plein soleil. La présence de troupeaux est essentielle pour maintenir la lavande cependant l’élevage traditionnel étant en forte baisse les terres propices à l’épanouissement de la lavande sauvage se réduisent.
Depuis quelques décennies, une bactérie apportée par un insecte, la chrysomèle, attaque la lavande. Les symptômes dus aux attaques de chrysomèle se caractérisent par le bout des pousses qui devient marron et par un dépérissement rapide. Certains remèdes ont été appliqués mais ils sont contraignants comme par exemple asperger les plants de kaolite mélangée d’eau ce qui rend les plantes blanches les rendant ainsi méconnaissables pour les parasites. Les chercheurs aussi cherchent à trouver une plante résistante naturellement à la bactérie. Actuellement une des solutions est de planter la lavande en altitude, au dessus de 800 mètres, car les insectes parasites ne survivent pas à cette altitude.
Au début du siècle dernier, l’office national des forêts a planté des pins noirs d’Autriche afin de lutter contre l’érosion mais cette essence est très envahissante et empêche tout épanouissement de la lavande. Même si à cause des risques d’incendie on arrache les pins aux abords des villages, ils restent une sérieuse menace pour la lavande.
La lavande fine a un rendement beaucoup plus faible que le lavandin et elle est bien plus fragile. Elle doit être récoltée à la main avec une faucille alors que le lavandin peut être récolté mécaniquement.
Dans la première moitié du XXe siècle la lavande faisait partie intégrante de l’économie locale de la Drôme. Toute la famille cueillait la lavande sauvage qui était alors très abondante. Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, la Provence était parsemée de petites distilleries familiales qui ont peu à peu toutes disparu, victimes de mévente et de l’industrialisation de la production.
Par exemple, à Villeperdrix, petit village de la Drôme, on comptait 23 alambics au début du XXe siècle et un seul de nos jours, celui de Bernard DUCROS.
II – Récolte, distillation et utilisation.
La récolte de la lavande se fait en fin de floraison, de fin juillet à fin août. La récolte a lieu en été car les fortes chaleurs favorisent la montée de l’essence dans les cellules et les glandes sécrétrices de la fleur. La lavande fine ou sauvage est coupée à la main puis mise dans une « saquette », tissu noué autour du corps du cueilleur. Les « saquettes » sont à leur tour vidées sur un « bourras » qui est en toile de jute. Le « bourras » est ensuite descendu au village où la lavande est séchée. Pour cueillir une cuve de 1000 litres de lavande sauvage, il faut une semaine de récolte manuelle. On fait des boutures de lavandin en février, puis on les plante en mars l’année suivante pour une première récolte deux ans après. Bernard DUCROS travaille traditionnellement.
Pour distiller la lavande on utilise un alambic dit alambic à bain-marie. Après la distillation on récupère la paille manuellement, elle sera utilisée pour alimenter le foyer de l’alambic lors de la distillation suivante. Dans une cuve on peut mettre environ 70 kilos de plantes séchées. Dans le refroidisseur on trouve un tuyau en forme de serpentin dont le diamètre va en décroissant jusqu’au fond. Pour la distillation on entasse la fleur de lavande dans un vase qui est traversé par de la vapeur d’eau cette dernière entraîne l’essence de la fleur. Ce mélange vapeur d’eau-essence monte dans le col de cygne, puis il refroidi dans le serpentin. Après sa condensation il devient liquide. Ce mélange est recueilli dans l’essencier. L’essence de lavande n’est pas miscible dans l’eau et plus légère. L’essencier est muni de deux robinets, le plus haut permet de recueillir l’huile et le plus bas de retirer l’eau distillée. Au cours de la distillation il faut effectuer plusieurs tests afin de savoir quand arrêter la distillation. Il faut environ 40 minutes pour distiller une cuve de 1000 litres. Toutes les lavandes n’ont pas le même rendement. Avec une cuve de lavande fine on obtient entre 2 et 2,5 litres d’essence, avec une cuve de lavande aspic de 1 à 1,5 litres et avec une cuve de lavandin environ 5 litres.
Les bienfaits des huiles essentielles de lavande sont nombreux et c’est une huile très utilisée en phytothérapie et aromathérapie. L’essence extraite de la lavande fine est anti-bactérienne, anti-infectieuse, cicatrisante, apaisante et favorise l’endormissement. C’est la seule qui peut être avalée. L’essence de lavande aspic soigne les brûlures et les piqûres d’insectes. Elle est aussi fongicide (mycoses).
Le lavandin qui représente 80% de la production française donne une essence qui est anti-inflammatoire, qui soulage les crampes, la fatigue musculaire et qui empêche la formation d’hématomes. Le lavandin est également un bon répulsif contre les mites et les poux.
On utilise les essences de lavande aussi en savonnerie et comme parfum des détergents et adoucissants. La parfumerie est également un secteur qui utilise les essences de lavande particulièrement pour les parfums masculins.
CONCLUSION
La lavande depuis des siècles est utilisée par l’homme pour son parfum. L’élevage traditionnel favorise le développement de la lavande mais depuis le milieu du XXe siècle les conditions sont peu favorables à cette plante : sécheresse excessive, terrains broussailleux, expansion du pin noir, maladies. Le problème touche aussi le secteur apicole car la lavande est une plante très mellifère. La production se maintien avec une grande demande en aromathérapie.
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