Thème : ECONOMIE – SOCIETE Mardi 9 Février 2010
Par Yann Fradin, Directeur Général et Ghislaine Moulard, responsable de l’unité Insertion/emploi
L’association Espaces, basée à Meudon, anime des ateliers et des chantiers d’insertion dans les Hauts-de-Seine. Née en 1994, elle compte 300 adhérents, 55 permanents et fait travailler 115 salariés en insertion. Si l’élection de Jacques Chirac en 1995 avait mis le thème de la fracture sociale au centre des débats, le problème des « nouveaux pauvres » n’était pas nouveau : dès la fin des années 70 et les années 80, une série de dispositifs avaient été mis en place pour soulager un peu le problème (stages pour les jeunes, travaux d’intérêts collectifs…). En 1989, la création du RMI par le gouvernement Rocard avait offert de nouveaux droits, un « filet de sécurité » aux exclus, avec un revenu minimum et des droits sociaux associés. En contrepartie de ce revenu minimum, il était prévu de faire un effort d’insertion. Les conseils généraux avaient obligation d’investir 20% des sommes versées au titre du RMI en actions d’insertion. Plus tard, le gouvernement Jospin vota, en 1998, une grande loi cadre contre l’exclusion, une démarche de l’Etat confortée par la loi de cohésion sociale présentée en 2005 par Jean-Louis Borloo.
L’association Espaces se situe pleinement dans cette tendance. Parmi nos salariés, 50% touchaient le RMI (aujourd’hui RSA), et près de 40% n’ont aucune ressource en entrant chez nous. Quand il avait fallu évaluer la loi sur le RMI, la commission d’évaluation rattachée au commissariat au Plan avait demandé aux rmistes quels étaient leurs besoins. A 80%, ils avaient répondu : « Nous voulons travailler. » On leur répondait « nous n’avons pas de travail pour vous » alors qu’il y a tant à faire… A Espaces, nous leur proposons du travail, un travail qui soit utile à la collectivité et, pour ce faire, nous cherchons des financements auprès de collectivités. Nous appartenons au champ de l’économie sociale et solidaire – un concept né dans les années 1980 – qui regroupe tout le secteur non lucratif : les mutuelles, les coopératives, les associations, le commerce équitable… En France, ce secteur représente 10% des emplois et 10% de l’activité économique.
Le budget de notre association est, pour 2010, de 5 millions d’euros pour 170 emplois. Les salariés en insertion sont en contrat aidé. Ces contrats, qui couvrent environ 90% des salaires, représentent 20% de notre budget. Nous avons deux autres gros financeurs : l’Agence de l’eau Seine-Normandie qui nous paie pour l’entretien des étangs (Villeneuve, Ville d’Avray) et des berges de la Seine, et le Conseil Général des Hauts-de-Seine (pour l’insertion et l’environnement). Nous recevons également des fonds du Conseil Régional, des collectivités locales et des maîtres d’ouvrage (Centre des Monuments Nationaux pour le Domaine National de Saint-Cloud, Fondation du Mémorial La Fayette…) pour lesquels nous travaillons. Par ailleurs, des entreprises privées faisant du mécénat nous financent parfois le matériel. Pour ne pas concurrencer le secteur privé, nous n’avons pas le droit de dépasser 30% d’activité marchande (10 % actuellement). Quand nous répondons à des appels d’offres, en entretien d’espaces verts par exemple, nous ne prenons pas en compte les subventions dans le calcul des prix afin de ne pas les « casser ».
Nos quatorze chantiers d’insertion (douze dans les Hauts-de-Seine, deux à Paris) répondent à des besoins réels. Nous nous occupons des espaces boisés (parc de Saint-Cloud, Ville d’Avray…), du nettoyage en bordure de voies ferroviaires, de berges de la Seine, des espaces verts de certaines résidences HLM, des jardins solidaires de Clamart et de Meudon-la-forêt… Les personnes en insertion sont payées au Smic horaire. Pour 26 heures par semaine, ils touchent environ 800 euros net, augmentés de 100 euros de RSA. 100 000 personnes travaillent en France dans des structures d’aide à l’insertion alors que deux millions de personnes pourraient y prétendre, ce qui montre qu’il y a encore beaucoup à faire.
L’action d’accompagnement social et professionnel
Parallèlement à notre activité sur les chantiers, nous menons des actions pour tenter de trouver des réponses aux problématiques qui touchent nos salariés. L’accompagnement social et professionnel cherche à définir le projet du salarié, à l’aider à s’approprier la technique de recherche d’emploi, à prendre en charge les problèmes périphériques (santé, logement, endettement administratif, maîtrise de la langue française…). Le médecin-psychanalyste qui intervient chez nous fait le lien avec des structures spécialisées. Quant à l’atelier temps-libre, il propose des ateliers pour mobiliser les salariés sur des projets hors cadre du travail. Car retrouver un contrat de travail permet aussi de réinvestir le champ du loisir, de la culture, de la famille.
L’association Espaces étant reconnue localement, divers organismes (services sociaux, service de probation, Pôle emploi, mission locale…) orientent vers elle ces personnes en difficulté. Le plus souvent, celles-ci ont un problème de qualification initiale (déscolarisation précoce, pas de diplômes) et des ruptures de parcours professionnel, ce qui induit une précarité du logement et de l’hébergement, ainsi que des problèmes de santé. Ce sont majoritairement des hommes, âgés entre 35 et 50 ans ; un tiers d’entre eux ont entre 18 et 26 ans. Pour ces personnes qui ont connu un parcours scolaire et professionnel chaotique, il est important de désacraliser l’apprentissage et l’enseignement. Nous cherchons à partir d’une situation concrète qu’ils rencontrent dans leur travail, pour ensuite faire de la théorie, comme des mathématiques (calcul de surfaces…). Ils ne sont pas non plus dans la même démarche qu’à l’époque de l’école : désormais, ils veulent se stabiliser, se créer une vie. Pour ce faire, le logement y est pour beaucoup. A leur entrée chez nous, seuls 20% des salariés avaient un logement autonome. Les autres 80% – une proportion constante depuis des années – se trouvaient dans une situation difficile par rapport au logement, certains se trouvant sans domicile fixe. En 2008, l’association a accompagné 79 personnes dans une démarche logement. Mais les logements sociaux manquent, et la situation reste compliquée.
Les personnes en insertion ont souvent des problèmes de santé : 38% ont des soucis physiques ou psychologiques. Un tiers de nos salariés en insertion ont des problèmes d’addiction à l’alcool ou la drogue (et parfois les deux). Le contrat de travail est un bon ressort pour prendre en compte ces problématiques, et sortir du déni.
A la sortie d’Espaces, après deux ans (durée légale maximale), 7% du personnel trouve un CDI, 7% est embauché en CDD supérieur à six mois, 5% est en CDD inférieur à six mois, 2% entre dans la fonction publique, 5% trouve une formation, 5% un autre emploi-insertion mais 51% est en recherche d’emploi. Si l’on se réfère aux critères de l’administration, nous sommes à 38,6% de sorties positives en terme d’emploi. Or les nouveaux textes veulent que nos structures atteignent 60% de réussite d’ici 2011. Un objectif impossible à réaliser si l’on continue à plafonner les emplois-insertion au sein d’une même structure à deux années maximum, à moins de laisser de côté les personnes les plus en difficulté. Comment rendre employable un SDF désocialisé, qui a des problèmes d’addiction, en deux ans seulement ? C’est impossible. En revanche, si l’on prend en compte la situation sociale (et plus seulement l’emploi) à la sortie d’Espaces – logement, parcours santé (ce qui peut passer pour ceux qui en ont besoin par une hospitalisation psychiatrique, car le problème est enfin pris en charge) ou la reconnaissance d’un handicap… – Espaces atteint 56% de situation positive.
Association ESPACES – 45 bis route des Gardes – 92190 Meudon
Tél.01 55 64 13 40 – Site : www.association-espaces.org – Cotis. De base : 8 €
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Coté Livres :
Coté Web :
http://www.association-espaces.org/
http://www.jardinons-ensemble.org
http://www.seineenpartage.com/
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