Thème : SOCIETE – ECONOMIE – GEOPOLITIQUE Mardi 20 novembre 2012
LA GESTION DE L’EAU DANS LE MONDE – Enjeux économiques, géopolitiques et environnementaux
Par Xavier DUPONT, HEC, Professeur Universitaire
Les ressources en eau douce sont peu accessibles et assez inégalement reparties, la maîtrise et la gestion de nos réserves s’avèrent donc les deux grands défis du XXIème siècle. En effet, même si notre planète connaît des ressources importantes en eau (70% de la surface de la Terre), l’accès à ces ressources est peu accessible et surtout très inégalement réparti. Avec des réseaux hydrauliques peu denses et des nappes phréatiques très profondes, les deux grands parents pauvres de cet accès à l’eau sont l’Asie et l’Afrique. Alors qu’un européen dispose en moyenne de 6 000m3 par personne et par an, un habitant du Sahara n’aurait accès qu’à moins de 1 000m3. Et même si l’ONU considère que ces 1 000m3 suffisent à un homme pour vivre, nous remarquons bien là une flagrante inégalité des ressources. Plus marquant encore, avec 6% de la population mondiale, l’Amérique Latine détient plus de 26% des ressources mondiales en eau douce.
A ce constat, s’ajoute la demande en eau croissante. Nous sommes évidemment de plus en plus nombreux sur Terre, mais les nouvelles technologies et l’agriculture intensive demandent également beaucoup plus de ressources en eau pour fonctionner. A titre d’exemple, 70 % de l’eau consommée dans le monde est absorbée par l’agriculture mondiale et il faut 80 litres d’eau pour faire 1 Kg d’acier ou encore 30 000 litres pour fabriquer une puce électronique.
La demande en eau est donc en pleine explosion alors que l’offre, elle, diminue de manière considérable et régulière. Les critiques les plus pessimistes prévoient une pénurie concernant plus de 4 milliards de personnes pour 2050. L’eau est donc une denrée qu’il faut, dès à présent, ménager et surtout aménager. Cela passe tout d’abord par une meilleure mobilisation de la ressource (irrigation, barrages, pompes), mais aussi de ses équipements.
Dans cette perspective, certaines nations ont déjà adoptées une technique bien maîtrisée et en plein essor : le dessalage de l’eau. Technique très coûteuse, seuls les pays les plus riches font appel à ce type de traitement comme l’Arabie Saoudite ou les États-Unis. Nous remarquons par là même que le problème de l’eau ainsi que son traitement révèlent insidieusement les clivages de richesses dans le monde.
Et pourtant, cette problématique nous concerne tous sans exception, et nous devons dès à présent prendre ce problème très au sérieux en nous obligeant à changer nos habitudes. Parmi les nouveaux réflexes qui nous incombent, l’économie de l’eau passe essentiellement par de petits gestes comme l’installation de WC basse consommation, la plantation d’arbres xérophiles, l’installation de récupérateur d’eau de pluie ou la vigilance de l’eau consommée au quotidien (toilette, vaisselle etc…)
En 1992, un début de réflexion a été entamée au sein de la Conférence Internationale de Rio. 170 chefs d’états se sont réunis pour commencer à élaborer un vaste programme d’action pour le XXIème siècle. S’en est suivi la création du Conseil Mondial de l’eau en 1994, puis en 1997 le 1er Forum de l’eau à Marrakech qui a réunit près de 6 000 personnes.
Car aujourd’hui la gestion des ressources en eau est un enjeu présent et futur qui représente une somme de défis considérables. Qu’elle soit à une échelle mondiale ou internationale, la question est prioritaire puisque la perspective de pénurie dans certaines zones est imminente. C’est également une menace majeure au sens géopolitique car elle est de plus en plus facteur de tensions sociales et de guerres à venir évidentes. Les états rivaux se disputent la souveraineté ou l’influence sur des étendues d’eau de taille variable et les conflits pour la gestion de « l’Or bleu » tend à s’intensifier. Prenons comme exemple le cas de la Turquie au sein de laquelle le Tigre et l’Euphrate prennent leur source, c’est donc tout le Moyen Orient qui en dépend ! Ou encore le problème du fleuve délimitant la frontière entre Chine et URSS, qui en est le gérant, qui est en l’exploitant ?
Les défis en matière d’eau sont nombreux mais aussi et surtout environnementaux. Le problème de l’épuisement des ressources, de la pollution des eaux, des pluies acides ou encore de la surpêche en eau douce ne sont pas nouveaux. Le lac Tchad et la Mer d’Aral que nous avons étudiés dans nos manuels de géographie n’existent déjà plus. En 1995, l’OCDE lance une étude révélant que 150 000 lacs Canadiens souffrent de pluies acides. En 1998, c’est 18 millions de tonnes de poissons d’eau douce qui ont été pêchés laissant place peu à peu à l’aquaculture artificielle pour cause d’épuisement des réserves aquatiques naturelles.
A cela ajoutons que les défis qui seront à relever bientôt seront également des défis humains car l’eau est source de vie pour la Nature mais également pour l’Homme. Les conflits concernant l’accès à l’eau peuvent engendrer des sécheresses agricoles considérables, des famines alimentaires, une mauvaise hygiène entraînant la diffusion de maladies… Enfin, n’oublions pas les 20 millions de réfugiés écologiques à travers le monde qui, pour les raisons sanitaires et alimentaires que nous venons d’évoquer, sont obligés de fuir leur pays et de partir en exil.
Pour conclure, comprenons bien que l’eau est une ressource indispensable puisqu’elle nous concerne tous sans exception mais que c’est également une ressource sensible puisque nous en abusons et que nous la négligeons. Qui plus est, l’accès à l’eau est révélateur des inégalités sociales, la gestion de cette ressource primordiale est éminemment stratégique, car plus que le pétrole ou quelques énergies fossiles, elle représente la vie.
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http://www.snv.jussieu.fr/vie/dossiers/eau/eaugestion/eaugestion.html
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