Thème : ECONOMIE ET SOCIETE Mardi 11 mai 2004
La Méditerranée, creuset de notre civilisation
Par M. Jean Meyer – Professeur émérite à la Sorbonne
La Méditerranée, qu’est-ce que c’est ? Tout le monde connaît, cela évoque l’été, les vacances et la plage. C’est en réalité un phénomène climatique exceptionnel lié à un positionnement géographique particulier. La Méditerranée s’étale sur une longitude importante et la douceur de son climat provient du proche Sahara qui réchauffe toute la zone.
La civilisation méditerranéenne est née du jardinage. Tout un vocabulaire culinaire donne une première définition de la Méditerranée : huile, lavande, thym, figuiers, amandiers, olivier, marjolaine, jacinthe, raisin… Dès ses origines, nous trouvons les traces d’une civilisation de la cuisine, de la subsistance quotidienne d’origine asiatique. De tous temps, ces produits ont fait l’objet d’échanges commerciaux. La civilisation méditerranéenne est une civilisation de relais, relais entre la civilisation mésopotamienne et la civilisation égyptienne. En fait, toutes les civilisations antiques sont des civilisations maritimes, y compris la civilisation romaine. Les fouilles archéologiques sous-marines témoignent d’un intense commerce à travers les siècles.
Le rayonnement des civilisations méditerranéennes
Il n’y a pas une civilisation méditerranéenne mais des civilisations méditerranéennes successives qui émettent un rayonnement. Elles sont les héritières de deux brillantes civilisations grecques, le mycénien et le crétois, qui existaient avant l’an 1000 avant JC. Or nous avons tous l’habitude de séparer la civilisation grecque de la civilisation romaine. Nous plaçons la civilisation romaine après la civilisation grecque. C’est injustifié. Lorsque Périclès fait construire le Parthénon à la fin du Ve siècle avant JC, Rome est déjà une grande puissance qui incorpore les éléments des royautés du Proche Orient, des civilisations grecque, étrusque, romaine proprement dite.
Les douze siècles d’histoire allant du Ve siècle avant JC au VIIe siècle après JC forment un bloc compact. Par quoi cela se traduit-il ? Comment se font les transmissions ?
On connaît la littérature antique. Malheureusement, il n’en subsiste qu’un misérable fragment. Il reste essentiel de s’interroger sur les modalités qui ont permis à cet héritage romain d’être choisi et préservé. Il l’a été pour deux raisons : du Ier siècle avant JC au IIIe siècle après JC, on est passé du rouleau que l’on déroule au livre. C’est la révolution tactile du comment lire. Comment a-t-on fait ce passage du rouleau au livre ? Ce fut un choix pédagogique des professeurs. Nous connaissons de nos jours la même transmutation du livre avec les médias. Ce qui nous reste des civilisations anciennes est un choix extrêmement restreint en fonction des nécessités techniques d’éducation.
Autre grand phénomène intéressant : savoir lire les monuments que vous découvrez en tant que touriste. Avez-vous songé à la quantité de portiques qui parsemaient l’empire romain ? Au tonnage que peut représenter ce transport de marbre ? Force est de constater qu’en dépit des tremblements de terre et des pillages nombreux, on est en présence d’une civilisation écrasante et d’une colonisation tellement réussie que le latin a été adopté par les peuples colonisés.
Des héritages qui subsistent aujourd’hui
C’est le génie romain qui s’étend de la Syrie au mur d’Hadrien : invention d’un béton qui permet de construire des voûtes sans arcs-boutants, sans charpente. Notre architecture s’en est inspirée (architecture de pierre). La civilisation romaine est une civilisation technologique dont en témoignent les thermes, la connaissance des flux des rivières et la construction d’immeubles à plusieurs étages. La notion du Beau en architecture et en sculpture a été codifiée par Rome. Mais, soyons lucides, c’est aussi un monde de cruauté. Cet empire brillant s’impose par une force violente.
En politique et en philosophie, l’idée de démocratie nous vient d’Athènes et l’idée stoïcienne républicaine de Rome. Mais il ne faut pas oublier que Rome est l’héritière de Byzance, d’Alexandre le Grand.
Le monde méditerranéen est truffé de carrières, de sites archéologiques, de temples préhistoriques. C’est une civilisation riche d’histoire. Comme vous avez pu le constater, j’aime le monde antique, ce qui va à l’encontre d’un certain courant pseudo philosophique contemporain selon lequel l’histoire est inutile.
Certains partis politiques ont prôné cette négligence de l’Antiquité, affirmant que les centres des villes ne doivent pas être des centres muséaux. C’est oublier que dans la progression intellectuelle, technique, philosophique de notre monde contemporain, les musées français sont en avance et occupent une place de premier plan.
C’est une consolation à une époque où l’on peut parfois regretter le temps qui passe.
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