Thème : ECONOMIE ET SOCIÉTÉ Mardi 05 octobre 2004
Au XVIIIe siècle, l’académie des sciences de Berlin s’intéresse à la question de la rotation terrestre en ces termes : « La rotation de la terre a-t-elle subi des modifications depuis ses origines, et si c’est le cas quelles en sont les causes ? »
Emmanuel Kant fut le premier à rédiger un mémoire pour répondre à cette question. D’après lui, la rotation de la terre se ralentit progressivement et ce phénomène est provoqué par les marées qui sont elles-mêmes liées à l’attraction lunaire. Cette thèse sera reprise par de nombreux scientifiques.
A la fin du XIXe siècle, des travaux efficaces sont réalisés sur ce problème. On sait qu’il existe trois types de fluctuation : la fluctuation aléatoire, de l’ordre de quelques millisecondes ; la fluctuation saisonnière qui montre des variations de la durée du jour, mais ce phénomène cyclique est compensé d’une saison à une autre ; et la fluctuation séculaire – celle qui nous intéresse – dont les effets se font sentir à long terme. Le Britannique Newcomb montre en 1926 que la durée du jour a augmenté progressivement à travers les siècles. En effet, les positions de Venus, Mercure et de la lune sont en avance par rapport aux positions calculées dans les éphémérides. Plutôt que de se demander si ce sont elles qui sont toutes en avance, ce phénomène doit nous inciter à nous demander si ce n’est pas plutôt la terre qui est en retard par rapport à ce qui était prévu.
En fait, la terre ralentit de deux millisecondes par siècle. Kant avait vu juste : ce ralentissement séculaire de notre globe est dû au freinage que provoquent les marées. Des « bourrelets de marées » agissent comme des freins. Ce phénomène est particulièrement important dans les mers peu profondes. Harold Jefferies a ainsi calculé que le détroit de Béring contribue à 68% de ce freinage.
Ce ralentissement séculaire de 0,02 secondes par siècle implique qu’il est de 20 secondes en 106 années, de 2 000 secondes en 108 années et de 12 000 secondes en 6.108 années, soit 3 h 20 depuis le début du Cambrien. Il y a 600 millions d’années, une journée durait 3 h 20 de moins qu’aujourd’hui et une année devait compter 424 jours. On estime qu’au début de notre système solaire, voilà 4,6 milliards d’années, une journée de la terre primitive devait durer 2 ou 3 heures.
Emmanuel Kant ne pouvait pas connaître les moyens de vérifier ce ralentissement. On sait que depuis le début de la géologie scientifique, les fossiles ont fourni un cadre chronologique des terrains, sans pouvoir les dater pour autant (chronologie relative). Grâce à la chronologie absolue, établie au XXe siècle par l’utilisation de la radioactivité, on a pu dater avec précision les terrains. Au cours des dernières décennies, des groupes de fossiles – dont on connaît maintenant précisément l’âge – ont donné des éléments d’information concernant la rotation terrestre.
Certains fossiles offrent une mémoire fidèle de leurs années d’existence. Les fossiles d’arbres gardent la trace des saisons et certains fossiles marins gardent la trace journalière de leur existence. En 1963, l’Américain John Wells étudia la partie calcifiée d’un corail et remarqua des stries fines qui devaient correspondre à des journées. Sur des fossiles vieux de 370 millions d’années, il constate qu’il y a 400 stries et sur des fossiles datant d’il y a 290 millions il en compte 385. Ceci implique qu’une année terrestre devait comporter 400 jours voilà 370 millions d’années, et 385 jours voilà 290 millions d’années. Les journées étaient plus courtes et ont progressivement rallongé.
En 1964, l’Anglais Screwton du British Museum constate que les stries de certains fossiles présentent des bandes composées de 30,2 stries qui correspondent à un rythme mensuel (il s’agit de la révolution synodique de lune).
En 1968, un groupe de chercheurs publie une étude portant sur une forme de moule fossilisée dont les stries de croissance correspondent à des lunaisons. Ils constatent que le nombre de stries mensuelles diminue progressivement. Au Cambrien, ils comptent des bandes de 31,56 stries par mois contre 29,17 aujourd’hui. De nos jours une lunaison comporte moins de jours parce que les journées sont plus longues.
Pour autant ce ralentissement de la rotation terrestre ne s’est pas fait de façon uniforme. Certaines périodes sont plus marquées que d’autres. Ainsi, au Trias, ce ralentissement est quasiment nul car il n’y avait alors qu’un seul continent. La dérive des continents a eu pour effet de créer ces mers peu profondes qui provoquent les « bourrelets de marées » qui ralentissent la rotation terrestre.
Grâce à nos connaissances actuelles sur le ralentissement séculaire de la terre, les scientifiques ont pu examiner un certain nombre de théories portant sur notre planète.
La théorie relative à une contraction du globe terrestre au cours du temps (comme une vieille pomme qui se ratatine). A la lumière de la loi physique sur la conservation du moment cinétique, si la terre s’était contractée il aurait fallu qu’elle tourne de plus en plus vite. Or on sait qu’elle tourne de plus en plus lentement donc cette théorie n’est plus valable.
La théorie de l’expansion de la terre est également réfutée. Si notre globe grossissait, le ralentissement serait beaucoup plus important que celui constaté.
La dimension de la terre est, en fait, restée constante à travers les âges. Cette donnée permet de déterminer les implications concernant le couple terre – lune.
Contrairement aux satellites de Jupiter dont les satellites naturels font 1/1000 de la masse de leur planète, la lune représente 1/80 de la masse terrestre. L’originalité de notre satellite a soulevé de nombreuses questions concernant sa création : est-elle la sœur de la terre, sa fille ou encore son épouse ? Grâce à la loi du moment cinétique, on sait que la lune s’éloigne de la terre de trois centimètres par an. Si la lune était sortie du sein de la terre (théorie de la lune fille de la terre) elle aurait dû être très rapprochée de la planète – ce qui aurait été également le cas si elle avait été l’épouse de la terre (un astre lointain attiré par l’attraction terrestre) – et aurait occasionné de très fortes marées sur terre. Or les sédiments de cette époque sont parfaitement homogènes et montrent qu’ils n’ont pas connu de bouleversements provoqués par des marées.
A la lumière de que l’on sait, comment envisager l’avenir du couple terre – lune ? Puisque la lune s’éloigne, le mois lunaire va s’allonger. Mais le ralentissement de la rotation terrestre est plus important que l’allongement de la révolution lunaire si bien que le jour terrestre va continuer à augmenter plus vite que le mois lunaire. Nous entrons dans le domaine de la science-fiction mais il se pourrait qu’à terme un jour terrestre soit équivalent à un mois lunaire. La masse du soleil créant également des « bourrelets de marées », la terre continuerait à ralentir, plus lentement certes. Une journée terrestre serait alors plus longue que le mois lunaire. Dès lors, la lune reprendrait son activité qui engendrerait des bourrelets mais, cette fois, en sens inverse. La lune se rapprocherait alors de plus en plus de la terre. La limite de Roche serait atteinte, ce qui impliquerait la rupture du corps lunaire.
Mais ce ne sont là que des hypothèses proches de la science-fiction. D’ici là, il est fort possible que l’activité de notre soleil soit éteinte, et notre système solaire avec.
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