Thème : ECONOMIE – SOCIETE Mardi 06 Mars 2007
Par l’Amiral Roger Levesque
Entourée par plusieurs mers et riveraine de tous les océans (grâce à ses Dom-Tom), la France est très concernée par la mer. Les océans occupent les trois quarts sur notre planète et environ 90% de la population mondiale vit à moins de 500 kilomètres des côtes. A l’exception des zones territoriales, la mer est un espace commun à tous, où l’on peut naviguer sans demander d’autorisation (contrairement à l’espace aérien). Un pays côtier est, en quelque sorte, riverain de tous les autres. Nous avons beaucoup à attendre de la mer en termes de ressources et de survie pour notre planète. Les océans sont le rein de la planète car ils absorbent une grande part des polluants qui y sont déversés.
Beaucoup à gagner de la mer
Pour utiliser les ressources maritimes et pouvoir les exploiter, il faut donc aller sur et sous la mer. On le sait peu mais la France détient le record de plongées dans les grands fonds, à plus de 11 000 mètres de profondeur. Les abîmes et le fond des océans sont des territoires encore très peu explorés qui regorgent de ressources non exploitées, en métaux notamment. Grâce à ses îles, la France dispose d’une zone d’exclusivité commerciale de 11 millions de kilomètres carrés. Cet atout est loin d’être négligeable à l’heure où les recherches sur le monde marin sont très prometteuses. L’écosystème marin est environ trois fois plus riche que l’écosystème terrien. Nous avons beaucoup à gagner à mieux connaître cet univers, en matière d’applications médicales notamment.
Le fonds des océans est actuellement exploité pour ses réserves en pétrole, charbon ou sables bitumineux. Mais ce n’est là que réside l’avenir. En surexploitant les énergies d’origine fossiles comme c’est le cas aujourd’hui, on se dirige vers une pénurie certaine tout en provoquant des bouleversements climatiques. Des navires-laboratoires sont utilisés pour analyser la fonte des glaces et l’évolution des océans. On sait maintenant que le réchauffement de la Terre aura pour effet de submerger des régions entières. Nos besoins en énergie allant croissant, il est nécessaire de trouver d’autres ressources. L’énergie marine offre une perspective très prometteuse. Des recherches sont menées pour récupérer l’énergie considérable produite par la houle et les marées.
La mer est un élément essentiel du commerce international, 80% des marchandises en circulation passent par voie maritime. Ce mode de transport est dix fois moins polluant que la voie routière et vingt-huit fois moins que le transport aérien, tout en étant moins cher. De plus, le réchauffement climatique devrait provoquer l’ouverture de nouvelles voies maritimes, dans le Grand Nord notamment, ce qui permettrait un gain de temps pour certains échanges. Il arrive que des terroristes s’attaquent aux voies maritimes pour tenter de paralyser le commerce. Ainsi, en 2002, un groupe d’Al Qaïda a attaqué le pétrolier français « Le Limburg » dans le golfe d’Aden, au large du Yémen. Fort heureusement, la charge explosive n’était pas suffisante pour provoquer des dégâts irréversibles.
Pas de frontières aux menaces
Avec la fin de la guerre froide, l’humanité pensait être entrée dans un monde de paix. Vingt ans plus tard, la guerre est partout. Alors qu’il n’y avait plus de menaces aux frontières, on se rend compte qu’il n’y a plus de frontières aux menaces. Pour se protéger, il faut être dans la capacité de réagir vite et savoir s’adapter. Les pays qui veulent peser investissent dans leur marine. La France dispose d’un porte-avion, le Charles-de-Gaulle, qui est le seul en Europe. On est loin de la force de frappe des Etats-Unis. Les marines de tous les pays de l’Union Européennes réunis ne représentent que 40% de la flotte américaine. A eux seuls, la France et la Grande-Bretagne fournissent 60% de cet effort européen. Chaque jour, trente bâtiments et six aéronefs de notre marine sont déployés à la mer. Cette présence sur tous les océans a une portée diplomatique, notamment grâce aux escales que nous faisons partout dans le monde. Nos bâtiments participent à de nombreuses missions de coopération, à des exercices militaires avec nos alliés, à des interventions humanitaires…
Les quatre grandes missions de notre marine nationale sont les suivantes :
– dissuasion (d’attaque contre notre territoire)
– projection (de forces, d’hommes et de moyens)
– protection (de notre patrimoine, de nos côtes…)
– prévention (savoir ce qui se passe pour régler un conflit avant qu’il ne prenne de l’ampleur).
La projection, c’est être en capacité d’envoyer suffisamment de forces là où une situation l’exige. Ainsi, après les attaques du 11 septembre 2001, le « Charles-de-Gaulle » a été envoyé dans le nord de l’océan Indien. Nos Super-Etendards ont pu ainsi effectuer de nombreux vols de reconnaissance au-dessus de l’Afghanistan afin de préparer l’attaque de la coalition contre les talibans. La flotte française était également constituée de frégates, chargées de protéger le porte-avion, et d’un sous-marin nucléaire d’attaque. De plus, grâce au Hawkeye, un avion américain surmonté d’un énorme radar, qui se positionne à la verticale du porte-avion, il était possible de détecter tout mouvement sur une superficie équivalente à la taille de la France.
Pour être efficace, une force navale doit se déplacer partout dans le monde. Il faut s’assurer que les voies navigables sont sûres, certaines zones pouvant être piégées. Nos chasseurs de mines, qui ont un excellent niveau, permettent cette sécurisation grâce à de petits sous-marins télécommandés ou, c’est le plus fréquent, par des plongeurs de combat. Pour assurer l’ensemble de nos actions, il faudrait avoir en permanence vingt-deux frégates en mer, ce qui implique d’avoir une flotte composée du double. Mais avec vingt-cinq bâtiments, nous en sommes loin. Heureusement, la coopération avec nos alliés fonctionne bien. Le « Charles-de-Gaulle », pour sa mission actuelle, est assisté d’une frégate espagnole et d’une frégate britannique.
Une permanence à la mer
La réalisation d’un deuxième porte-avion permettrait une permanence à la mer. Pour un prix équivalent à celui du « Charles-de-Gaulle », environ 2,5 milliards d’euros, il sera possible de construire un porte-avion plus gros, ce qui permettra de faire des économies de fonctionnement. Contrairement à son prédécesseur, ce futur bâtiment qui serait construit en partenariat avec les Britanniques, n’aura pas de propulsion nucléaire mais une propulsion classique. Un porte-avion est un instrument politique exceptionnel. Le soutien du Charles-de-Gaulle lors la guerre en Afghanistan a été très apprécié des Américains. De même, le refus des Français de soutenir l’action en Irak a été plus lourdement ressenti que s’il s’était agi d’un pays ne disposant pas d’une telle arme.
La projection consiste également à débarquer des hommes pour toute sorte de mission. Dans la zone Corymbe, qui se situe face à l’Afrique de l’ouest (du Sénégal à l’Angola), nos navires assurent une présence qui montre l’intérêt de la France dans la région. Il leur arrive d’intervenir, comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire, à la fois militairement et humanitairement avec l’évacuation des ressortissants européens. A l’été 2006, la France est intervenue rapidement vers Beyrouth pour assurer l’évacuation de 13 500 ressortissants étrangers. Nos commandos ont sécurisé cette évacuation tandis nos frégates se sont positionnés entre la côte et les gros navires pour intercepter les tirs de missile du Hezbollah. La projection de forces sert aussi en temps de paix. La Jeanne-d’Arc a apporté son soutien aux Indonésiens après le tsunami de 2004.
Depuis quelques mois, la France dispose de deux nouveaux navires, le Mistral et le Tonnerre, qui sont des bâtiments de projection et de commandement. Deuxièmes en taille après le Charles-de-Gaulle, ils sont destinés à s’adapter à des missions très diverses. Chacun peut transporter une quinzaine d’hélicoptères, un régiment complet avec son équipement (chars, véhicules), faire office de poste de commandement flottant – comme ce fut le cas au Liban – et dispose d’un hôpital dernier cri.
Notre force de dissuasion repose sur nos sous-marins stratégiques. Nous pouvons lancer des missiles n’importe où et n’importe quand. Pour assurer notre permanence en mer, nous disposons de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Depuis le début des années 1970, il n’y a plus eu un seul jour sans qu’un sous-marin français croise quelque part dans le globe. Par ailleurs, nos six sous-marins d’attaque accompagnent notre flotte et assurent la défense de nos côtes.
Assurer la sauvegarde maritime
La marine a également comme mission d’assurer la protection des côtes et la sauvegarde maritime. Elle doit savoir tout ce qui se passe en mer. Elle intervient parfois pour prévenir l’accostage de navires chargés de contrebande ou d’immigrants clandestins. Elle assure la sauvegarde de zones de pêche protégées, notamment dans les Kerguelen, et repère les cargos qui dégazent en pleine mer. Dans la zone caraïbe, la France assure un tour de surveillance avec les Américains et les Britanniques et procède à de nombreuses interceptions de trafiquants de drogue. La marine nationale a saisi à elle seule 15 tonnes de drogue dure en 2006 dans cette zone.
Plus globalement, dans le monde, vingt-cinq villes de plus de 10 millions d’habitants sont des villes côtières. Un attentat dans un de ces ports provoquerait d’énormes dégâts. En France, la marine effectue une surveillance constante pour prévenir toute attaque terroriste.
En savoir plus …
Coté livres :
Préfet de la mer
Auteur : Laurent Mérer
éditions des Equateurs
http://www.amazon.fr/Pr%C3%A9fet-mer-Laurent-M%C3%A9rer/dp/2849900605
Surveillance de la qualité de l’environnement littoral Proposition pour une meilleure coordination des réseaux
Auteur : M.MOREL
Editeur: IFREMER
ISBN-10: 2844330126
Coté Web :
http://www.agriculture.gouv.fr/
http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n42a6.html
http://www.ifremer.fr/francais/index.php
http://www.mth.uea.ac.uk/ocean/vl/
http://www.ifremer.fr/francais/parten1.htm
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