L’EAU EST UN MELANGE ET ON MELANGE TOUT AU SUJET DE L’EAU

 Thèmes : Géologie, Géopolitique, Economie, Société                                                                                          Mardi 18 Novembre 2014

L’EAU EST UN MELANGE ET ON MELANGE TOUT AU SUJET DE L’EAU

 par Maurice Casimir, consultant en allocation et management des ressources en eau

 INTRODUCTION

 Le thème de l’eau est plus que jamais à la mode et de nombreux propos souvent faux ou alarmistes, voire les deux, sont tenus à son sujet.

 Tous les grands mythes des différentes cultures mentionnent l’eau (le déluge universel, Moïse traversant la mer Rouge…). Le Coran emploie de son côté la belle formule du « droit à la soif ».

 L’eau est une ressource naturelle renouvelable, elle est utilisée mais non réellement consommée. L’eau est en quantité permanente sur notre planète, mais inégalement répartie (il y en a trop au Canada et insuffisamment dans certains pays africains par exemple) et surtout sa qualité  change. On assiste actuellement à une plus ou moins grave dégradation de la qualité de l’eau liée à ses usages. Nous recherchons une eau pure et nous rejetons une eau salie : il faut donc préserver la qualité de l’eau, soit à la source, soit par le biais de sa dépollution.

 Il est également important de définir les critères légaux d’utilisation de l’eau. Dans de nombreux pays la législation de l’eau est embryonnaire sinon inexistante, ce qui pose problème. Il est tout aussi nécessaire de se doter des systèmes institutionnel, financier, de management, social, environnemental, politique venant en appui de la législation (les véritables « sept piliers de la sagesse » de l’eau).

 Le thème de l’eau étant très vaste, deux invariants applicables à n’importe quel pays seront traités : le passage de la ressource à son utilisation, et la participation public/privé, un mal ou un bien?

I – De l’eau ressource naturelle renouvelable à son utilisation

 On peut relever trois thèmes essentiels à ce sujet: premièrement le droit de prélèvement de l’eau et l’autorisation de rejet (dans quelles conditions peut-on rejeter l’eau polluée?), deuxièmement la propriété des infrastructures, troisièmement l’exploitation des infrastructures (fonctionnement et entretien)

 Le droit de prélèvement est directement lié à l’allocation de la ressource, source de bien des conflits. Selon le droit anglo-saxon l’eau est un bien commun alors que pour le droit romain c’est un bien public. La législation moderne veut que l’on puisse prélever l’eau du milieu naturel, mais dans certaines conditions précises. Le prélèvement se fait toujours en fonction de la capacité du milieu.

En ce qui concerne l’autorisation de rejet, non permanente, il est essentiel de définir tout d’abord le degré de pollution de l’eau rejetée. En France, les agences de l’eau ont établi des normes de rejet en fonction de la qualité du milieu naturel à gérer. (Par exemple, ces normes ont été dans un premier temps très mal perçues par les industriels qui les ont vues comme générant un surcoût. Au fil des décennies ces mêmes industriels ont accepté le principe du « pollueur-payeur ». Ces taxes de pollueur sont de plus en plus perçues comme un investissement et non comme une « punition », ce qui est un changement important dans les mentalités). Le dialogue s’est donc instauré entre les industriels et les agences de l’eau. Cette collaboration est malheureusement trop souvent inexistante dans les pays en voie de développement, quel que soit l’usage de l’eau

 A qui appartiennent les infrastructures? En France, elles sont propriété de l’Etat et des collectivités territoriales. En contrepartie, leur développement ou renouvellement concerne aussi la collectivité.

 Cependant, bien qu’en France on soit très attaché au service public, il faut noter que les installations vieillissent -une station de pompage à une durée de vie d’environ douze ans- et que ce sont des entreprises privées qui entretiennent les infrastructures et souvent les font fonctionner, comme cela va être examiné maintenant.

II – La participation public/privé, un bien ou un mal?

 La politique actuelle en matière de ressources en eau est de tendre vers un retour à des structures publiques, car on dénonce régulièrement les énormes profits faits par le secteur privé sans que le domaine de l’eau en bénéficie. Quoi qu’il en soit, que la gestion soit confiée à une entreprise publique ou privée, il est indispensable de mettre en place une régulation du secteur, processus dynamique allant au-delà d’une simple réglementation. Par régulation on entend :

– La mise au point d’une réglementation (définition précise et univoque des règles du jeu)

– La mise en place des outils de la réglementation (supervision « a priori »)

-La mise en œuvre de leur utilisation (contrôle « a posteriori » de leur application).

 Le domaine de l’eau peut être comparé à un jeu composé de trois acteurs, la collectivité publique, les usagers du service et le gestionnaire du système. Ces acteurs sont en liaison deux par deux : la collectivité publique et les usagers par la sanction du vote, la collectivité publique et le gestionnaire par la contractualisation de l’intervention de celui-ci, enfin les usagers et le gestionnaire par le règlement des abonnements.

Il est évident qu’un tel jeu nécessite un arbitre et celui-ci doit être indépendant des acteurs, y compris de la puissance publique, d’où l’obligation d’un organisme de régulation autonome et moralement irréprochable. Il est intéressant de constater, par exemple, que tel est le cas en Angleterre, où l’OFWAT a su remplir son rôle parfaitement alors que la participation du secteur privé est particulièrement importante. Que le gestionnaire soit privé ou public, il doit savoir qu’il est contrôlé.

Il faut  également savoir que le gestionnaire n’est pas permanent, les concessions sont attribuées pour trente ans et les fermages pour douze ans. De plus le pouvoir public peut toujours résilier un contrat. Si comme nous l’avons vu une réglementation et un contrôle sont nécessaires, une bonne réglementation est celle qui laisse les acteurs jouer le jeu le plus librement possible afin d’être efficace.

CONCLUSION

 Les deux thèmes ci-dessus évoqués sont universels et les solutions assez proches quelle que soit la situation. Il est de plus en plus fréquent que l’eau soit source de conflit. Comme exemple on peut prendre le cas du Golan, qui est un véritable château d’eau dont les ressources intéressent la Syrie, le Liban, Israël, la Jordanie, les Territoires Palestiniens,  ce qui pose problème. Le conflit qui en résulte ne pourra être réglé que dans le cadre d’une convention concertée au niveau international et acceptée au niveau régional qui réglera de façon pérenne les problèmes d’allocation et de management des ressources en une eau à vocation d’utilisation internationale.

 Si les allocations sont bien acceptées et l’eau bien gérée, la ressource eau est suffisante pour la planète dans un avenir prévisible. Par ailleurs, les progrès dans la dépollution des eaux usées, comme par exemple à Singapour, ou le développement d’unités de dessalement de l’eau de mer, sont autant de moyens modernes qui apportent une note d’optimisme au domaine de l’eau.

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