Thème : ECONOMIE – SOCIETE Mardi 11 Décembre 2007
Par Jean-Pascal Duchemin – Responsable technique à Thalès
On en parle depuis peu, mais cela fait longtemps que l’on fait des nanotechnologies sans le dire. Le nanomètre, c’est un millième de micron (un millième de millimètre) ou un millionième de millimètre. Les protéines, qui servent de catalyseur pour faire des réactions chimiques, mesurent environ dix nanomètres. Si l’on diminue encore, on trouve les molécules, qui font un nanomètre. Si l’on casse la molécule, on trouve l’atome (un dizième de nanomètre) et il est impossible de faire plus petit. Depuis très longtemps, au moins vingt-cinq ans, quand on fait des matériaux tels que les diodes lasers que l’on trouve dans nos lecteurs CD, on utilise des couches qui font à peine plus d’un nanomètre. Il y a une vingtaine d’années, j’ai participé avec des collègues de Thalès à des travaux sur les piles solaires du premier robot, Pathfinder, qui est allé sur Mars, et nous avons fait de la nanotechnologie sans le savoir.
Si on veut faire fabriquer un objet en deux dimensions, il ne peut faire moins de cent nanomètres. Quand il s’agit d’un agglomérat en trois dimensions, d’un grain de poussière, on parle de nanoparticule quand le diamètre fait moins de 500 nanomètres. Les nanotechnologies sont donc différentes selon que l’on travaille des objets en trois dimensions (500 nanomètres), en deux dimensions (100) et en une dimension (le nanomètre).
Toujours plus petit ?
Les applications de la nanotechnologie pour la vie de tous les jours sont très vastes, qui vont du GPS au téléphone portable qui pourrait servir à se faire livrer ses courses à domicile à une heure prédéterminée. Un circuit intégré, un processeur – ce que vous avez dans votre ordinateur, votre téléphone portable, votre chaîne hi-fi… – est fait de transistors. Les transistors sont des interrupteurs électriques qui ont des fonctions logiques et qui permettent de faire des appareils programmables. Les microprocesseurs comptent un milliard de ces transistors. La grande différence est qu’en quarante ans, on a fait des transistors de plus en plus petits. C’est la loi dite « de Moore », du nom du créateur d’Intel qui a théorisé ce phénomène technologique. Pour continuer à faire de plus en plus petit, une association internationale regroupant les industriels de l’électronique s’est constituée pour faire en sorte que les ingénieurs dans les laboratoires préparent les outils pour le faire. En regardant deux catalogues d’électronique à deux ans d’écart, on remarque que les processeurs sont toujours plus puissants et plus petits.
Maintenant qu’il y a de l’argent pour les nanotechnologies, on communique sur la microélectronique en tant que nanoélectronique. En 2003, on a décidé qu’en dessous de 100 nanomètres, on parlerait de nanotechnologie. Thalès a récemment fait une publicité expliquant que sans ses nanotechnologies, votre téléphone portable pèserait cinquante kilos. Les nanotechnologies permettent de faire des disques durs de plus en plus complexes avec peu de matière. Mais que va-t-il se passer quand nous atteindrons la taille limite qui entraînera des effets parasites ? On dit que la technologie va buter sur un mur, que la loi de Moore ne pourra plus progresser. Que cela ne nous panique pas. Ces dernières années, nous sommes arrivés à une telle complexité des microprocesseurs que, pour pouvoir faire un nouveau circuit intégré cela nécessiterait que de plus en plus d’ingénieurs travaillent dessus. Jusqu’à 2005, un nouveau circuit intégré nécessitait que cinquante personnes y travaillent pendant un an. Si on ne change pas d’outil de conception, il faudrait 25 000 hommes/an pour faire un circuit. Des responsables de STMicroElectronics ont même prédit que, dans une quinzaine d’années, il faudrait employer l’humanité entière à faire des circuits pour tirer partie des découvertes technologiques.
Des applications pratiques multiples
Le monde de l’infiniment petit a été exploré par deux chercheurs d’IBM qui ont réussi à établir un contact électrique avec une seule molécule et à déplacer les atomes (des atomes de fer sur une surface de cuivre, par exemple). Les nanotubes, qui pourront remplacer le silicium, viennent de plans de graphite enroulés sous forme de tubes d’un nanomètre de diamètre et un micron de long. Avec ces nanotubes, on peut faire des transistors et les retrouver un peu partout dans les polymères qui vont remplacer les aciers. Albert Fert a vu que dans un champ magnétique, il était possible d’orienter tous les électrons dans une même direction et les polariser en « spin ». Ce principe de magnétorésistance géante lui a valu le prix Nobel de physique 2007.
Les applications pratiques sont multiples. On fait des têtes de lecture beaucoup plus fines permettant d’avoir des mémoires de centaines de giga, ce qui permet le développement d’ordinateurs portables. On peut envisager que, plutôt que d’imprimer les journaux tous les jours, on pourra les télécharger automatiquement sur un support électronique (système de lecture portable, sur lequel travaille une PME des Yvelines).
Les innovations utilisant des nanotechnologies vont se multiplier, et pas seulement dans le domaine électronique. Les ingénieurs s’inspirent de ce qui se passe dans la nature. Ainsi, pour tout ce qui est autonettoyant, on copie l’effet « feuille de lotus » ou « feuille de nénuphar » car ces plantes se trouvent dans l’eau mais ne pourrissent pas. L’eau n’accroche pas, la poussière non plus, grâce à de petits cils mesurant quelques nanomètres et qui empêchent la gouttelette d’eau de rester. Saint-Gobain essaie de copier ce phénomène en appliquant de très petits matériaux sur du verre. Pour ce qui est des parois anti-buée (lunettes, vitres), il faut recouvrir l’objet de nanoparticules permettant de réduire la taille des gouttes formant la buée.
En matière de peinture anti-rayures, Mercedes-Benz a incorporé des nanoparticules de silice. En optique, en nanostructurant une surface, on évite les lentilles et les verres épais. Dans l’aéronautique, on introduit maintenant des nanotubes de carbone dans des gros porteurs tels que l’A380 pour remplacer certains métaux. Les nanoparticules sont également très utilisées dans le domaine de l’énergie, pour les piles à combustible notamment. Dans le domaine des fusées, on trouve des nanoparticules d’aluminium et d’hafnium pour accroître la vitesse de combustion, des nanoparticules d’oxyde de fer pour accélérer la vaporisation.
Un programme européen comptant vingt-sept partenaires a lancé « Nanocare » qui compte trois volets : un volet pour l’optique, un volet pour la métallurgie et, enfin, le plus important pour le médical. L’idée est d’utiliser les nanotechnologies pour les prothèses de hanche et de genoux, et faire en sorte qu’il ne soit plus nécessaire d’en changer après quelques années en recouvrant les surfaces de nanoparticules de céramique extrêmement douce, fine, et qui ne s’use pas. En matière de lutte contre le cancer, une société française, Nanobiotic, cherche des nouveaux traitements en ciblant l’emploi de médicaments à un endroit précis. L’utilisation de nanostructures doit permettre d’envoyer les molécules exactement dans la zone cancéreuse, pour détruire les cellules malades.
Plusieurs chercheurs craignent toutefois qu’on nous revivions avec les nanoparticules ce qui s’est passé avec l’amiante. L’explosion des toutes petites particules, des poussières que l’on trouve dans les peintures et les revêtements pourrait être, à terme, dangereux pour la santé. Pour en savoir plus, je vous conseille de faire une recherche sur Internet avec les mots clefs « nanoparticules santé ».
En savoir plus …
Coté livres :
Les nanoparticules
Auteur : Benoît Hervé-Bazin
ISBN-10: 2-86883-995-9
http://www.eyrolles.com/Sciences/Livre/9782868839954/livre-les-nanoparticules.php
A la conquête du nanomonde : Nanotechnologies et microsystèmes
Auteur : Dominique Luzeaux ; Thierry Puig
Editeur: Editions du Félin
http://www.amazon.fr/conqu%C3%AAte-nanomonde-Nanotechnologies-microsyst%C3%A8mes/dp/2866456432
Coté Web :
http://www.achats-industriels.com/actualites/dossiers/136.asp
http://www.irsst.qc.ca/files/documents/PubIRSST/R-455.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nanotechnologie
Une découverte en 3 dimensions – Un site étonnant
http://www.nanoreisen.com/francais/
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