L’HISTOIRE DES BATHYSCAPHES, une aventure fantastique

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                                    Mardi 24 Avril 2007

L’histoire des bathyscaphes, une aventure fantastique

Par  Pierre Willm –  Ingénieur général de l’armement

Georges Houot et moi avons été les premiers hommes à descendre à 4 000 mètres de profondeur, en février 1954, à bord du bathyscaphe franco-belge FNRS III. Les bathyscaphes ont révolutionné l’exploration des grands fonds, permettant de nombreuses découvertes biologiques et géologiques. Un film, Profondeur 4050 de Jacques Ertaud, retrace l’histoire de cette première plongée.

La première plongée à 4 000 mètres

La grande aventure des bathyscaphes débute, en fait, dans le ciel. En 1932, le professeur Auguste Piccard bat le record d’altitude avec 16 200 m à bord d’une nacelle sphérique suspendue à un ballon, le FNRS I. Il imagine de transposer cette technique à l’exploration sous-marine. Le bathyscaphe est né. Cet engin est constitué d’une lourde nacelle en acier pour abriter l’équipage, fixée sous un flotteur plus léger que l’eau. La nacelle est une grosse boule métallique, formée de deux hémisphères posées l’une sur l’autre et simplement agrafées, d’un diamètre d’environ deux mètres permettant à deux hommes de rester debout. Cette forme sphérique permet une meilleure résistance à la pression exercée au fond de l’eau.  Le flotteur est rempli d’essence, qui est plus léger que l’eau. Pour faire plonger le bathyscaphe, on l’alourdit avec un lest, de la grenaille de fer. Pour descendre, l’essence de ses ballasts fait place à de l’eau de mer, ce qui a pour effet d’augmenter le poids de l’engin qui devient supérieur à la poussée d’Archimède. Pour remonter, on lâche un lest composé de grenaille de fer. Conçu en Belgique en 1946, le premier bathyscaphe, le FNRS II, est testé en 1948. Lors de ces essais, le flotteur est endommagé par la houle mais la sphère, elle, est intacte. La théorie de Piccard est donc validée.

A partir de 1950, une convention est signée entre les Belges et la Marine nationale française pour entamer la construction à Toulon d’un nouveau bathyscaphe, capable d’atteindre les 4 000 mètres. Après deux ans de travaux, le FNRS III est mis à l’eau le 3 juin 1953. Lesté de 7 800 litres d’essence et de quatre tonnes de grenaille, il effectue dans les mois qui suivent des plongées de plus en plus profondes. Le dernier essai au large de Villefranche-sur-mer atteint une profondeur de 2 100 mètres dans des conditions de sécurité parfaites.

Pour plonger au-delà, il faut atteindre les grands fonds de l’Atlantique. C’est finalement la région de Dakar qui est choisie pour la grande plongée, le 15 février 1954. Il faut quarante heures de navigation du port de Dakar pour atteindre la zone. Le remorquage est difficile, le bathyscaphe souffre de la houle. Finalement, la descente débute à 10 h 08. La communication avec la surface n’est plus possible qu’en messages morses transmis via les ultrasons de l’eau. A 1 000 mètres de profondeur, la pression est de 100 kg au centimètre carré. Après trois heures de plongée, le fond est atteint, soit 4 050 mètres. Ce record tiendra six ans avant d’être détrôné par le Trieste, bathyscaphe américain qui atteindra 10 916 mètres de profondeur en janvier 1960.

Deux générations de bathyscaphes

Quatre bathyscaphes seulement ont été construits. Deux sont français, le FNRS III et son successeur l’Archimède. Deux sont américains, le Trieste I et le Trieste II.

Le FNRS III, dont la profondeur maximale était de 4 000 mètres, a effectué une centaine de plongées de 1953 à 1961. Ses missions étaient essentiellement biologiques.

Son successeur, l’Archimède, mis en service en 1961, a effectué plus de deux cent plongées jusqu’en 1975. Sa plongée la plus profonde fut réalisée en 1962 dans la baie d’Hokkaido au Japon, à 9 500 mètres. Contrairement au FNRS III, sa sphère est intégrée dans les formes du flotteur. Grâce à une grande hélice, il peut se déplacer plus facilement au fond.

Après s’être fâché avec les Français en 1952, Auguste Piccard a travaillé à la construction d’un bathyscaphe avec la Marine italienne, le Trieste, plus long que le submersible français. Piccard a effectué lui-même la première plongée en 1953 en Méditerranée. Ce bathyscaphe, qui est devenue propriété américaine en 1958, a réussi une plongée record à 10 900 mètres après cinq heures de descente. Utilisé essentiellement par l’US Army, il est remplacé par le Trieste II en 1966. Ce nouveau bathyscaphe, dont l’immersion maximale est de 6 000 mètres, a effectué de nombreuses plongées scientifiques.

Les nouveaux types de submersibles

Au cours de sa carrière d’environ vingt ans, le bathyscaphe a permis à la connaissance des abysses d’avancer à grands pas, tant au niveau biologique avec la découverte de centaines d’espèces qu’au niveau géologique avec la découverte d’Himalayas sous-marins. Mais trop lourd et peu maniable, difficile à transporter, le bathyscaphe a ensuite laissé la place aux sous-marins d’exploration.

La plupart des sous-marins d’exploration, comme le Nautile de l’Ifremer, atteignent aujourd’hui 6 000 mètres de profondeur, ce qui permet tout de même d’atteindre 97% des fonds marins. Créateur de l’Office français de la ressource sous-marine, Jacques Cousteau a même inventé une soucoupe plongeante. Principal avantage des sous-marins par rapport aux bathyscaphes : ils sont complètement autonomes.

Outre l’exploration et la recherche scientifique, les sous-marins ont été longtemps utilisés à des fins industrielles. Ils ont beaucoup servi autour des plates-formes pétrolières en mer du Nord avant d’être supplantés par les plongées hyperbares qui font place maintenant aux sous-marins télécommandés, à câble (R.O.V.) ou sans câble (A.U.V.). Ces engins permettent de mieux travailler en profondeur. Les engins habités restent néanmoins utilisés, comme ce fut le cas du Nautile pour colmater les fuites du Prestige, le pétrolier qui sombra au large de l’Espagne en 2002.

A terme, on peut imaginer que les sous-marins du futur pourraient être des plongeurs équipés de scaphandres  rigides permettant de descendre au-delà de 1 000 mètres de profondeur.

Les abysses, qui commencent là où la lumière du soleil ne passe plus, représentent 80% du volume de nos océans. La pression, énorme, est équivalente à celle d’une voiture écrasant un doigt. Dans les profondeurs, une faune étrange, parfaitement adaptée à ce monde hostile, évolue tranquillement. A peine cinq pour cent des abysses ayant été explorés, il reste donc beaucoup à découvrir dans ce monde des profondeurs.

En savoir plus …

Coté livres :

Le Bathyscaphe : A 4050 M. Au Fond De L’Océan

Auteur : Houot / Wilm

Editeur : Editions de Paris

ISBN-10:
http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/houot-wilm/le-bathyscaphe-a-4050-m-au-fond-de-l-ocean,14004150.aspx

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Houot.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bathyscaphe

http://www.citedelamer.com/

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