L’URANIUM DANS TOUS SES ÉTATS

Thèmes: Economie, Géologie, Sciences                                                                               Conférence du mardi 7 octobre 2024

L’URANIUM DANS TOUS SES ÉTATS

Par Monsieur Patrick LEDRU, géologue, ancien responsable exploration de l’uranium à Orano et chargé d’enseignement à l’université de Lorraine.

INTRODUCTION

L’uranium est partout sur Terre, aussi bien dans le granite que dans l’eau salée ou même douce, seul le degré de concentration varie ; on le trouve dans une grande variété de gisements. L’uranium est un métal à forts enjeux qui a des propriétés uniques. La radioactivité naturelle est l’un des phénomènes les plus puissants que la terre produit.

Les ressources en uranium peuvent être évoquées de différents points de vue : le regard du géologue, le point de vue géopolitique, le point de vue du mineur.

La géologie est l’étude de la Terre. Les composants de la Terre, leur structure et les processus dynamiques qui les affectent sont tous des éléments étudiés par les géologues. Tous les organismes qui vivent dans l’environnement et la façon dont ils ont changé au fil du temps sont également étudiés dans le cadre de la géologie. Les problèmes les plus importants de la société, comme l’énergie, le changement climatique, l’environnement, les catastrophes naturelles tremblements de terre, volcans, glissements de terrain, inondations, etc.), l’eau et les ressources minérales, sont au cœur des Sciences de la Terre.

I – Les ressources d’uranium : le point de vue du géologue.

 

 

 

La pechblende également appelée uraninite est un minéral radioactif. Pierre et Marie Curie ont extrait du polonium et du radium de cette pierre dont ils avaient rapporté une grande quantité de la mine argentifère de Saint Joachimsthal située en République Tchèque actuelle. Le métal uranium a été mis en évidence en 1789 et il doit son nom à la planète Uranus, découverte quelques années auparavant.

 

 

 

La géodynamique et la tectonique des plaques – dont Alfred Wegener avait eu l’intuition dès le début du 20ème siècle et confirmé par d’éminents travaux des années 60 notamment de l’océanographe américaine Marie Tharp- aideront grandement à comprendre la formation des gisements des métaux dont l’uranium. Le cycle dit de Wilson illustre cette dynamique du globe terrestre: extension continentale → océanisation → expansion océanique → subduction → collision → effondrement gravitaire.

 

Au fil de l’histoire de la Terre, cette évolution cyclique engendre divers métaux en des lieux divers. Pour qu’un gisement se forme il faut qu’il y ait une source, un vecteur transport et un piège. Prenant l’exemple de la géothermie, on constate que l’énergie potentielle géothermique est essentiellement située dans les zones de subduction et d’expansion océanique, en limite de plaques tectoniques. On trouve ce même phénomène de concentration le long des zones subduction pour les gisements de cuivre.

Les gisements d’autres éléments, tels que l’argent, l’or, le zinc, le plomb, etc. sont également associés aux zones de subduction.

L’uranium est un élément dit incompatible : lors d’un phénomène de fusion, il se concentre fortement dans la phase liquide. C’est pourquoi on le retrouve plus concentré dans la croûte continentale que dans la croûte océanique et le manteau terrestre.

 

 

 

 

 

 

On trouve divers types de gisements : gisements de type discordance, gisements péri granitiques et gisements sédimentaires notamment.

Il existe trois grands types de gisements sédimentaires d’uranium. Les gisements tabulaires sont constitués de zones de minéralisation prenant la forme de lentilles irrégulières et allongées qui sont orientées dans le sens de circulation des nappes phréatiques. Ces gisements présentent les teneurs les plus élevées en uranium parmi les gisements sédimentaires mais sont relativement petits (Akouta au Niger, plateau du Colorado).

Les fronts de minéralisation roll front sont associés à des conglomérats ou à des formations de grès perméables et poreux. L’accumulation d’uranium provient d’une dissolution de l’uranium dans la même formation ou à proximité et sa précipitation en « front ». Ces gisements regroupent les plus grandes ressources et réserves au monde, notamment au Kazakhstan.

Enfin, les gisements dits tectoniques sont présents dans des formations sédimentaires gréseuses, le long ou à proximité immédiate des failles tectoniques. La minéralisation prend alors une forme oblongue dans le sens de la faille.

 

Les gisements dans les grès : exemple du Kazakhstan :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II – Les ressources en uranium : le point de vue géopolitique.

En 2020 la production mondiale d’uranium était de 47 731 tonnes, elle passe à 49 355 en 2022. Les principaux producteurs sont le Kazakhstan, leCanada , l’Australie et la Chine. L’humanité a un besoin croissant de métaux ; on estime qu’en 1700 au cours de sa vie, un individu avait besoin de trois métaux alors que de nos jours, il ne faut pas moins de cinquante métaux pour faire un téléphone portable.

Cependant, l’uranium souffre d’une mauvaise image et même si le nombre de pays producteurs est relativement faible (16 pays détiennent 95% des ressources mondiales), le prix de l’uranium a baissé depuis le début des années 2010. Cela est dû à l’abandon du nucléaire de certains pays, Japon et Allemagne notamment, suite à l’accident de Fukushima. On estime cependant que pour faire fonctionner toutes les centrales nucléaires mondiales il faut environ 65 000 tonnes d’uranium, soit quelques 15 000 tonnes de plus que la production actuelle. Selon l’AIEA il faudra donc investir pour exploiter de nouveaux gisements. Il y a un décalage d’une quinzaine d’années entre la découverte d’un nouveau gisement et son exploitation à proprement parler. En effet, il faut établir un projet viable économiquement, qui prouve la présence de ressources conséquentes mais aussi un projet chiffré pour la remédiation et la surveillance environnementale. En Occident on a appris des erreurs passées et un site de gisement ne peut être abandonné comme autrefois. Il faut donc des investissements très importants pour exploiter un gisement. Un certain nombre de mines sont arrêtées à cause du faible prix de l’uranium mais il est facile de les redémarrer. Cette flexibilité est appréciée dans le marché de la matière première souvent peu réactif.

 

III – Les ressources en uranium : le point de vue du mineur.

Il existe diverses méthodes pour extraire l’uranium des gisements, deux des plus répandues sont la lixiviation in situ et par jet boring.

La lixiviation in situ (ISL) ou extraction par dissolution est une technique de lixiviation (lessivage par un solvant) employée dans l’industrie minière pour extraire certains métaux (uranium, cuivre…) des minerais présents dans un gisement. Elle consiste à injecter une solution (généralement une solution acide telle que l’acide sulfurique) à travers un minerai par le biais d’un premier forage puis les produits dissous par cette solution sont pompés à la surface grâce à une série de forage de production. Cette technique est celle employée au Kazakhstan. Au Canada et aux Etats-Unis, l’injection d’acide sulfurique étant interdite, on injecte des produits alcalins. Cette méthode a l’avantage d’être peu invasive en surface.

Dans les gisements de discordance du Canada, l’exploitation nécessite de congeler les zones minières avant de les exploiter pour éviter l’inondation de la mine par les nappes d’eau souterraines. Une saumure refroidie à -40°C est ainsi injectée depuis la surface et quand le minerai est congelé, l’exploitation se fait à distance en perçant des cavités par jet d’eau sous haute pression. Le mineur n’est ainsi jamais en contact avec le métal radioactif.

Dans certains gisements peu profonds on extrait l’uranium dans des mines à ciel ouvert, notamment en Afrique.

CONCLUSION

L’uranium est une substance aussi importante que les autres métaux pour répondre aux besoins de l’humanité, cependant, par ses propriétés spécifiques, il doit être traité avec une attention particulière.

 

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