Thème : ECONOMIE ET SOCIETE Mardi 10 février 2004
Notre agriculture et l’Europe
Par M. Olivier de Gasquet, Directeur de la Fédération française des Producteurs d’oléagineux et protéagineux, et auteur du livre : Comprendre notre agriculture et la PAC (éditions Vuibert)
L’agriculture après-guerre : l’heure de la reconstruction
La France d’après-1945 sort exsangue du conflit mondial. De graves problèmes de ravitaillement subsistent : par exemple, le pain reste rationné jusqu’en février 1949. Il est nécessaire de réorganiser le pays, le relever de ses ruines, avec l’appui du plan Marshall lancé en 1947 par les Etats-Unis. Les techniques utilisées alors en agriculture ont au moins cent ans de retard par rapport aux techniques américaines : traction animale, petites exploitations peu rentables… Il faut donc importer des produits alimentaires et en particulier des grains de blé américain. Il est impératif d’augmenter la rentabilité de la productivité de façon à diminuer les importations.
Le traité de Rome signé le 25 mars 1957, qui crée la Communauté Economique Européenne, pose déjà les fondements de la politique agricole commune et les bases d’un grand marché commun. Le traité de Rome stipule les principaux objectifs en matière d’agriculture communautaire : accroître la productivité, assurer la rémunération des exploitants, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements et assurer un prix raisonnable aux consommateurs. Pour accroître la production, des prix de soutien sont proposés. Il faut produire un maximum. En cas d’excédent, l’Etat rachètera à un prix fixé d’avance.
Le protectionnisme à la De Gaulle
Dans les années soixante, le pays est en pleine croissance, la productivité bat son plein. Mais avec un actif sur trois, la population agricole française reste importante. Il faut adapter les techniques agricoles à la nouvelle donne. Le général De Gaulle, arrivé au pouvoir en 1958, soutient le Marché Commun agricole à condition que la CEE subventionne les dépenses de la restructuration de l’agriculture française. La France impose le mécanisme des prix de soutien par le biais de droits de douane élevés qui empêchent l’entrée des marchandises importées. Ce mécanisme protectionniste, qui soutient la production agricole européenne, n’est pas permis par les accords commerciaux internationaux, le GATT.
En mars 1962, les Américains proposent un marchandage : les Européens seront autorisés à protéger leur production de blé mais ils n’appliqueront pas de droits de douane sur le soja ainsi que sur d’autres oléagineux. C’est donnant -donnant. La demande de soja est d’autant plus forte qu’il faut reconstruire l’élevage européen et ce légume est très prisé par les éleveurs pour son apport en protéines dans l’alimentation des animaux.
De la fin des 30 glorieuses aux nouveaux enjeux de la mondialisation
Les années 70 sont marquées par l’éclatement du système monétaire international, la crise pétrolière, l’élargissement de la communauté au Royaume Uni, à l’Irlande, au Danemark. Du point de vue de la politique agricole, cette époque marque l’apparition des excédents et de la diminution des importations. Cette nouvelle donne entraînera, dans les années qui suivront, une lente refonte de la PAC. En 1984 apparaissent les quotas laitiers. La production laitière joue alors un rôle social capital. La France continue à surproduire, les dépenses budgétaires sont trop importantes. Il en résulte un blocage de la production qu’il faut restructurer. Une réforme d’ensemble s’impose. Le protectionnisme aux frontières est remplacé par une aide aux revenus à l’hectare ou aux animaux. La productivité de l’agriculture française lui permet de devenir le deuxième exportateur du monde
A la fin des années 80, le développement se veut durable. L’objectif est d’assurer le bien-être des hommes d’aujourd’hui sans compromettre celui des hommes de demain. On a le souci du devenir de l’humanité, de l’environnement.
Malheureusement, deux crises majeures interviennent, frappant l’agriculture européenne : la vache folle et les organismes génétiquement modifiés. De mars 1996 à novembre 2000, l’importation de viande animale et la culture des OGM sont interdites. L’image de l’agriculture se ternit auprès des opinions publiques, qui montrent de plus en plus d’intérêt pour les produits « biologiques », garants d’une agriculture sans pesticide ni OGM.
Pour le respect de bonnes pratiques environnementales
Avec l’élargissement de 15 à 25 pays membres à vocation agricole qui peuvent bénéficier des subventions à l’agriculture, l’Union Européenne se trouve face à une nouvelle étape de son histoire. Conséquence en matière de budget : les Allemands renâclent à payer le coût de l’élargissement. En juin 2003, la nature des soutiens s’est transformée. Au lieu de privilégier le rendement à l’hectare, les aides aux exploitants sont désormais conditionnées au respect de bonnes pratiques environnementales et au bien-être des animaux. L’aspect qualitatif de la production est souligné.
Depuis le traité de Rome, l’agriculture a été le levier européen pour construire, pour faire passer les réformes. Mais force est de reconnaître que l’intérêt général a été mené à charge forcée par l’institution européenne et que les agriculteurs n’ont pas été souvent entendus.
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