Thème : ECONOMIE – SOCIÉTÉ Mardi 25 Novembre 2008
Par René de Cayeux et Olivier Génin
La mer a besoin des hommes mais les hommes ne sont pas faits pour la mer, ils s’y noient, ils sont victimes de ses tempêtes. Pour les anciens, la mer symbolisait la vie et propageait la mort. Il fallait vaincre une grande terreur pour s’aventurer sur l’océan, mais aller au-delà de ses frontières est le propre de l’homme, et ceux qui vivent sur les côtes se sont toujours demandés ce qu’il y avait de l’autre côté. Naviguer fut longtemps le fait d’aventuriers, de têtes brûlées. Mais peu à peu, grâce au développement du commerce, les hommes ont compris tous les bénéfices qu’ils pouvaient retirer de la navigation. Ils ont ouvert des routes maritimes sur tous les océans, se procurant ainsi des marchandises provenant de tous les continents. Aujourd’hui, environ 90% des échanges mondiaux sont dus à la marine commerce.
Le désintérêt français pour la mer
Eric Tabarly disait : « Pour les Français, la mer est ce qu’ils ont dans le dos quand ils sont sur la plage. » Pourtant bordée par la mer du Nord, la Manche, l’océan Atlantique et la Méditerranée, soit 5 500 kilomètres de côtes, la France n’a jamais vraiment été un pays maritime. Nos rois, sauf Louis XVI, se sont très peu préoccupés de notre flotte. Quand celle-ci fut détruite au moment de la Révolution Française, Napoléon mit beaucoup de temps à la reconstruire car ce n’était pas sa priorité.
Après la Seconde Guerre Mondiale, à l’époque de Trente Glorieuses, les gouvernements français montraient encore davantage d’intérêt pour la terre que pour la mer. Un récent ministre des Transports a même déclaré que la France n’avait pas besoin de marine marchande, car elle pourrait bien profiter des navires de ses voisins européens. En trente ans, notre marine de commerce est passée de la 4e à la 27e place mondiale. Pour quoi cette chute ? Parce que d’autres nations ont, elles, compris que le commerce international se développant, il était plus rentable d’investir dans des navires. Outre des économies en termes de devises, cette politique garantissait une certaine indépendance. Lors de la première guerre du Golfe, en 1990/91, l’armée française avait dû louer des ferry battant pavillon étranger pour transporter nos troupes.
En France, les métiers de la mer sont très connotés. Généralement, on considère qu’ils sont réservés aux « côtiers », à savoir les Normands, Bretons, Charentais, Provençaux, alors qu’on pourrait très bien sensibiliser les lycéens d’autres régions à ce type de d’emplois. On garde encore l’image de métiers pour personnes instables, coupées du monde, car passant beaucoup de temps en mer. Comme nous le verrons, on ne peut pas être plus loin de la réalité.
Le transport maritime, une nécessité économique
Le transport maritime est le transport le plus respectueux de l’environnement à la tonne transportée : il rejette cinq fois moins de CO2 que le routier et treize fois moins que l’aérien, et consomme deux fois moins d’énergie que le transport ferroviaire et dix fois moins que le transport routier. Encore faut-il que les navires soient correctement remplis… A titre de comparaison, un navire de 22 000 tonnes (ce qui n’est pas gigantesque) équivaut à un train de 225 wagons ou encore à 870 camions (soit 18 km de long). Un navire de commerce arrive toutes les six minutes dans l’un des sept ports autonomes (Marseille, Bordeaux, Rouen, Le Havre, La Rochelle, Nantes/Saint-Nazaire et Dunkerque), devenus Grands Ports de France (GPF) suite à une récente loi de modernisation du secteur. Cette réforme doit permettre de développer encore davantage l’activité en facilitant la mise à disposition de zones portuaires aux entrepreneurs, qui prennent alors tout en charge, comme c’est le cas notamment à Rotterdam. De véritables autoroutes de la mer ont été mises en place, ce qu’on appelle le short sea shipping. Une fois arrivées dans les grands ports sur d’immenses porte-conteneurs, les marchandises repartent sur d’autres navires, plus petits, vers des ports locaux. Ce principe, qui n’est autre que du cabotage, est aujourd’hui nommé transport maritime à courte distance (TMCD).Quant au coût du transport maritime, il est plutôt bon marché. Jugez plutôt : 20 tonnes de marchandises de l’Asie vers l’Europe coûtent le même prix que le billet d’avion en classe économique d’un seul passager en provenance de la même destination
Notre flotte de commerce emploie actuellement environ 19 000 navigants, 84 000 personnes travaillent dans la construction navale (la France est le leader mondial du secteur plaisance), 61 500 personnes vivent de la pêche et des produits de la mer, environ 27 000 travaillent dans le pétrole offshore, 4 000 dans la recherche maritime, 6 000 dans la formation et 10 000 dans des activités diverses. Quant à L’Etat (et sa marine militaire), il emploie 60 000 personnes. Au total, la mer représente plus de 310 000 emplois en France.
Mais, comme on compte très peu de navigants (tout juste 20 000), nous sommes obligés de faire appel à des équipages de l’étranger. Or, on le sait, dans des pays comme les Philippines, les navigants ne sont pas assez formés. Il est donc urgent que la France réinvestisse dans la formation et développe le nombre de ses navigants. Leur rôle est très important pour l’économie. Par souci de rentabilité, les armateurs construisent en effet des navires de plus en plus grands qui nécessitent très peu de personnel, neuf à dix membres d’équipage seulement. Et on réclame désormais un haut niveau de technicité de la part des navigants.
Métiers de la mer, chômage zéro
Malgré les appellations de commandant, capitaine, lieutenant, second… un navigant est un civil. Ces métiers de niveau technicien ou ingénieur sont ouverts aux femmes. Nourris et logés à bord, ils touchent de 1 000 euros mensuels pour les moins qualifiés à 3 000 jusqu’à 8 000 euros, voire davantage, pour les plus expérimentés.
Désormais, grâce aux technologies modernes, les navigants sont en relations constantes avec le monde. Ils travaillent huit heures par jour (deux quarts de quatre heures) ; ils passent autant de temps en mer qu’à terre (congés rémunérés à terre – soldes quelquefois défiscalisées). Si un terrien bénéficie, en général, de 135 jours non travaillés par an, le navigant en a plus de 185.
On recrute des C.A.P , des B.E.P., des Bac Pro, des Bac + 2 et plus. Les formations peuvent conduire à une licence, un master, doctorat, un titre d’ingénieur. Parallèlement, elles conduisent aux titres maritimes jusqu’à celui de capitaine (ou commandant) et à celui de chef mécanicien.
Avant trente ans, 75 % des navigants sont aspirés à terre sur l’ensemble du secteur maritime qui est un gros pourvoyeur d’emplois de toutes catégories ; même le monde non maritime est intéressé par les jeunes « anciens marins ».
Comme je viens de vous le présenter, la mer est maintenant plus sûre car de nombreux problèmes de surveillance ont été solutionnés, par exemple avec le rail d’Ouessant et de la Manche. D’autre part, l’effort très important d’organisation et de formation contribue à la « sureté » de la mer.
La mer devient progressivement plus propre grâce à l’attention qu’apportent à ce sujet les pays maritimes. Les rejets à la mer des poubelles et de toutes ordures, des ballasts, sont réglementés si ce n’est interdits : les stations d’épuration à terre dans les ports ou leur voisinage se multiplient ; la plaisance y est astreinte comme tout le monde.
En savoir plus …
Coté Web :
http://www.adhe.asso.fr/Activites/ReneCayeux.asp
http://www.officedelamer.com/annuaire/index.php?catID=49
http://www.metiersdelamer.com/
http://www.marinerecrute.gouv.fr/
http://www.csmm.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/annexe1_cle2effd4.pdf
http://ifm.free.fr/htmlpages/index1.htm
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