Thème : ECONOMIE et SOCIETE Mardi 1er avril 2003
LA REVOLUTION COMMERCIALE AU 13e SIECLE – UNE AUTRE IMAGE DE L’EUROPE
par Maître Yves BODIN
Les signes d’évolution
Dès la fin du 11e siècle apparaissent des signes d’évolution
– en premier lieu la création de monastères: Cluny, Clervaux, Liteaux … Ils procurent de la sécurité et procèdent au défrichement de terres d’où réduction des famines, augmentation de la population.
– en deuxième lieu, réveil des pouvoirs centraux: Capétiens en France, également en Grande-Bretagne, en Espagne, les monarchies se renforcent. En Italie, les cités s’organisent de façon autonome.
Les moeurs s’adoucissent: chevalerie, amour courtois et la vie urbaine se développent, provoquant l’émergence d’une classe de marchands qui bientôt vont se lancer dans les activités commerciales importantes.
CROISADES ET CONSTRUCTIONS DE CATHEDRALES
Cette évolution de la société se manifeste notamment par deux phénomènes considérables: les croisades et la construction des cathédrales.
Dès 1060, Godefroy de Bouillon puis Pierre Lhermitte lancent de vastes opérations de mouvements de populations vers les lieux saints pour en assurer la maîtrise. Ces mouvements se poursuivront pendant plus d’un siècle malgré certains échecs, et notamment la perte de Jérusalem précédemment reconquise en 1099. Malgré les échecs, se sont ainsi établis un certain nombre de points d’appui ou royaumes francs qui subsisteront pendant de nombreux siècles.
Parallèlement se produit un vaste mouvement de construction de cathédrales qui sont de gigantesques chantiers, entrepris simultanément dans de nombreux lieux : Santiago 1075, Poitiers 1140, Paris 1180, Milan, Rouen, Reims, Bruxelles, Londres en 1200…
Ces mouvements de population sont évidemment des éléments qui favorisent le commerce.
LES FOIRES
Le monde (Europe de l’époque sensiblement espace chrétien) est désormais en mouvement et en action, et la vie économique se manifeste essentiellement dans des foires qui s’organisent autour de deux pôles: Flandres et Rhin au nord, Italie et Espagne au sud, reliés par la Strada Frangipana, voie commerciale de liaison.
Les foires de Champagne stratégiquement situées au milieu de ces mouvements commerciaux, et encouragées par les souverains, concentrent le commerce européen durant deux siècles.
Les foires sont organisées de manière autonome, avec leurs règles propres en matière financière, commerciale ou judiciaire, en fonction des licences concédées par le souverain.
Ce développement économique s’accompagne d’un rayonnement intellectuel et spirituel.
DES OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT DU NEGOCE
Participer aux foires nécessite d’importants moyens pour faire face aux difficultés du transport et des distances. Seuls peuvent y participer des marchands disposant déjà d’un patrimoine important, capables d’affronter un risque pour en tirer un profit important. C’est l’émergence d’une nouvelle classe, celle des marchands forains dont les premiers exemples connus sont les Italiens de Pise, Gênes, et plus tard, Florence. Indépendamment des risques qu’ils encourent, ils doivent affronter deux problèmes: pénurie de monnaie et hostilité de l’Eglise.
La monnaie est rare : absence de métaux précieux, (or et argent), et thésaurisation également incertitude de valeur résultant de la multiplicité et de la diversité des monnaies. Cette situation a d’ailleurs favorisé le développement des changeurs, fonction d’abord exercée par les juifs, puis par les Lombards, avant de devenir au 14e siècle, de véritables banquiers.
D’autre part, l’Eglise condamne le négoce et plus spécialement le prêt à intérêt : le profit comme l’intérêt sont condamnables. Malgré une évolution, les principes seront maintenus si dans la pratique de larges accommodements sont tolérés. Ces deux obstacles n’ont pas empêché le développement du négoce à travers les foires du 13e siècle et les marchands forains ont inventé, pour faire face à l’essentiel des risques, le change par lettres.
Ce change par lettres est constitué par un ordre donné par un marchand qui a reçu d’un autre une certaine somme à un troisième d’avoir à payer pour son compte ou pour le compte d’un quatrième, une somme en monnaie locale et à une date déterminée. C’est l’ancêtre de notre lettre de change; elle permet de résoudre le problème du change et celui du transport de fonds, toujours très risqué. Enfin, elle organise le crédit, puisque le paiement est reporté à une certaine échéance.
Cette invention considérable a permis le développement des foires et transformé ces foires en bourse de change, ce qui fut le cas notamment à Lyon, au 13e et 14e siècles, puis à Genève et à Besançon, à Anvers avant de se replier sur la Toscane.
D’autres inventions sont dues aux marchands forains: utilisation des chiffres arabes et du zéro, la comptabilité en partie double, les relations commerciales sous forme de véritables sociétés, associations, en commandite etc, et même certaines assurances.
LES TEMPLIERS
Cet ordre créé en 1085 avait pour but de venir en aide aux Croisés. Devenus trésoriers du Pape en collectant les fonds pour les croisades, ils acquièrent une puissance financière en assurant aussi le Trésor des rois de France et de Grande-Bretagne. Cette puissance financière provoque la jalousie et l’ordre qui a joué un rôle considérable dans la vie économique notamment dans tout le bassin méditerranéen disparaît en 1314 ; ses dirigeants sont brûlés sur ordre de Philippe Le Bel et la complicité du Pape Clément IV.
DECLIN DES FOIRES
A la fin du 13` siècle les foires de Champagne déclinent, notamment en raison de l’ouverture du détroit de Gibraltar, également par l’effet de la Guerre de Cent Ans. D’autres foires s’instituent : Bruges, Londres, Milan. Au XIVème siècle, encouragés par Charles VII puis Louis XI, la foire de Lyon devient la centrale du négoce européen; mais ces foires deviennent essentiellement des bourses financières plutôt que des bourses de marchandises.
En France, elles devaient disparaître sur un édit de François ler qui mettra un terme au rôle économique de premier plan tenu par la royauté française dans l’Europe d’alors, au plus grand profit des pays limitrophes.
JACQUES COEUR
Issu d’une famille de riches Normands, il devient fermier de la Monnaie et immédiatement faux monnayeur, ce qui ne l’empêche pas d’organiser un commerce florissant : armes, sel, jusqu’au moment où diverses dénonciations entraînent disgrâce et exil.
C’est un exemple de ces marchands qui ont su instituer dans l’Europe d’alors, une série de réseaux et ont su en canalisant l’activité économique réaliser des profits très considérables.
LES MEDICIS
Les Médicis prennent le relais au XIVème siècle. Famille richissime de Florence, elle assure les finances pontificales et installe des succursales semi-indépendantes, notamment à Bourges, à Lyon, en Angleterre où elle subit une quasi faillite. La souplesse de son organisation qui leur permet de surmonter cet échec.
Manifestement, le conférencier a cherché à donner l’image d’une Europe en mouvement, en expansion, dans laquelle les frontières n’étaient pas un obstacle économique, alors que les souverains en place s’entre-déchiraient. Cette situation devait perdurer jusqu’au XVIème siècle ou sera institué le cloisonnement qui a survécu jusqu’à l’après guerre 40-45.
Coté Livres :
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