Thèmes: Géographie, Sciences Sortie – Visite du mardi 12 juin 1990
75 membres du C.D.I. sont allés dans le Loire t. Ils ont visité l’arboretum des Barres et la petite ville de Montargis.
Deux heures de visites guidées dans l’arboretum nous font découvrir une partie des richesses du Domaine des Barres.
Nous remercions Sophie Marre, petite fille de Monsieur et Madame Bernard, membres du C.D.I., élève de l’ENITEF qui a participé avec une très grande gentillesse à la rédaction de ce compte-rendu.
Présentation du Domaine des Barres
Le domaine est situé à 130 km au Sud de Paris et à 80 km au Nord-Est d’Orléans, plus précisément entre Montargis et Gien, à Nogent-sur-Vernisson. Sa superficie est d’environ 280 ha et se répartit de la façon suivante
1 – L’arboretum :
C’est un ensemble de collections d’espèces regroupées, soit en fonction de leur pays d’origine, soit selon leur appartenance à une famille botanique. Il comprend en outre un Fruticetum important*, et une collection de cultivars**. Véritable herbier vivant, il rassemble 2 700 espèces végétales et près de 10 000 individus. Sa renommée s’exprime bien au-delà de nos frontières car il se classe parmi les dix plus riches collections du monde :
* Fruticetum : collection d’arbustes fleuris.
** Cultivars : collection d’arbustes greffés.
Historique
1821 : acquisition du domaine par Philippe-André de Vilmorin pour y installer des expériences de cultures comparées d’arbres.
1866 : l’Etat acquiert une partie du domaine (67 ha) dans le but de créer un arboretum et un centre d’études forestières.
1873 : création de l’Ecole Primaire de Sylviculture qui forme des gardes forestiers. Constant Gouet est chargé de la direction. Création d’un arboretum qui porte son nom.
1884 : création de l’Ecole Secondaire des Barres destinée à former des « gardes généraux des Eaux Forêts », et qui est l’ancêtre de l’actuelle Ecole Nationale des Ingénieurs des Eaux et Forêts.
1891 : construction du château des Barres par Maurice de Vilmorin et mise en place du fruticetum.
De 1921 à 1928 : des acquisitions successives agrandissent le domaine de l’Etat et permettent à Parde d’installer de nouveaux peuplements, en créant notamment l’arboretum à son nom.
1936 : l’Etat se porte acquéreur des terres, bois et bâtiments appartenant encore à la famille de Vilmorin 20 ha environ) et l’ensemble du domaine est affecté à l’Ecole Forestière des Barres.
1962 : l’Ecole Primaire de Sylviculture quitte le domaine.
1966 : l’Ecole Forestière des Barres est transformée en Ecole Nationale des Ingénieurs des Travaux des Eaux et Forêts (ENITEF). Installation du Centre d’Etude s du Machinisme Agricole du Génie Rural des Eaux et Forêts (CEMAGREF).
2 – L’Ecole Nationale des Ingénieurs des Travaux des Eaux et Forêts (E.N.I.T.E.F.)
Les ingénieurs des techniques forestières : l’ENITEF forme des ingénieurs en majorité fonctionnaires destinés à servir dans le secteur public à l’Office National des Forêts et des ingénieurs civils.
Le recrutement s’effectue par le concours commun des écoles d’agronomie, après deux ans de préparation dans les classes de bio-math-sup et bio-math-spé, à l’issue d’un bac scientifique.
La scolarité dure 3 ans : les 2 premières années se déroulent à l’école et sont consacrées à l’acquisition des connaissances ; la 3èrne année a lieu à l’extérieur et fait l’objet d’un stage d’études approfondies à l’issue duquel les élèves doivent soutenir un mémoire-thèse. L’attribution du diplôme d’ingénieur des techniques forestières sanctionne la scolarité.
L’année 1990 voit la mort de l’ENITEF, en effet la rentrée de septembre 1990 aura lieu à Nancy pour accéder à la nouvelle formation d’ingénieurs forestiers (FIF). Le recrutement sera le même qu’à l’ENITEF actuellement, mais le déroulement des études se rapprochera de celui des Ecoles Nationales Supérieures d’Agronomie ans d’études à l’école et des stages plus courts et plus nombreux).
Les techniciens supérieurs : les candidats sont recrutés sur dossiers parmi les titulaires du baccalauréat ou du brevet de technicien agricole pour entrer dans cette section préparatoire au brevet de technicien supérieur agricole, spécialité « production forestière ». La durée de la scolarisation est de 2 ans.
3 – Le Centre d’Etudes du Machinisme Agricole du Génie Rural des Eaux et Forêts (CEMAGREF)
C’est un organisme de l’Etat, d’études, de recherche appliquée et d’appui technique portant sur les différents champs d’activité des personnels techniques du génie rural des Eaux et Forêts : aménagement rural, hydraulique, élevage, forêt, chasse, pêche, … Le groupement de Nogent-sur-Vernisson est uniquement à vocation forestière.
Fau de Verzy
Ce hêtre à rameaux extrêmement tortueux, occupe de nos jours, un site unique en Europe, en forêt domaniale de Verzy, près de Reims, où d’ailleurs, en 1983, les membres du C.D.I. se sont rendus. Les sujets présentent un port en parasol à quelques mètres du sol seulement, avec des branches fortement déformées. Contorsions et déformation s se retrouvent à tous les niveaux du végétal. Les feuilles sont celles du hêtre commun.
Copalme
C’est un bel arbre originaire de l’est de l’Amérique du Nord à planter à l’état isolé ou en petits groupes, de préférence dans des sols frais et profonds. Selon les lieux de la plantation, sa hauteur peut varier de quelques mètres, à une vingtaine de mètres. C’est l’un des arbres qui gardent ses feuilles le plus longtemps, jusqu’à l’entrée de l’hiver.
Eucommia : arbre à gomme
Cette unique espèce de la famille a été découverte par les Européens à la fin du siècle dernier en Chine où elle était cultivée. L’arbre, qui atteint 10 à 20 mètres de hauteur en Asie, est de taille beaucoup plus réduite dans nos collections où il ne mesure guère plus de 10 mètres. Les différentes parties du végétal fournissent une gomme.
Séquoia
On trouve ces arbres de la côte Pacifique des U.S.A. depuis le Sud-Ouest de l’Oregon jusqu’au Sud de la baie de San Francisco.
Il s’agit d’un arbre de très grande taille pouvant atteindre 110 m de hauteur (l’une des espèces les plus élancées du monde) et 25 m de circonférence.
Le feuillage, constitué de feuilles d’un vert sombre ressemblant à celles d’un sapin, est persistant. Cependant des rameaux courts porteurs feuilles brunes tombent tous les ans.
L’écorce est très épaisse (15-30 cm) profondément crevassée, les crêtes assez molles, d’un brun rougeâtre extérieurement.
Le bois central de la tige est rouge (redwood) : il trouve nombreuses utilisations et brûle difficilement.
Les petits cônes cylindriques, de 2-3 cm de longueur, sont situés à l’extrémité de rameaux courts et sont pendants.
Le séquoia semper virens est un magnifique arbre de parc qui a besoin de beaucoup d’espace.
Sapin de chine
C’est un arbre à feuillage persistant et originaire du Centre et du Sud de la Chine. Son port curieux, à branches très étalées et à rameaux courts caducs, lui donne un intérêt ornemental particulier en plantation isolée (arbre de parc par exemple).
Les feuilles sont longues, un peu courbées, vertes et brillantes.
L’arbre offre souvent l’aspect moribond sous nos climats un peu trop secs et froids mais sa résistance aux gels violents permet de l’utiliser à titre décoratif.
Hêtre pourpre
Cette variété de hêtre, à feuillage pourpre, est assez commune dans les parcs, jardins et espaces verts. Il s’agit d’un arbre pouvant atteindre 25 à 30 mètres de hauteur et possédant la particularité d’avoir des feuilles d’un rouge plus ou moins intense selon les saisons. En effet, au printemps, le feuillage est rose puis il fonce avec le temps pour devenir rouge vif et enfin il vire au rouge cuivré. En mélange avec d’autres espèces à feuillage vert, le hêtre pourpre contraste agréablement par ses teintes chaudes.
Sapin du Chili
Cet arbre à feuillage persistant, atteint 30 à 40 mètres de hauteur au Chili et en Argentine d’où il est originaire.
Il constitue, dans ces pays, des forêts immenses entre 1000 et 2000 mètres d’altitude, en particulier dans la Cordillère des Andes.
Ses branches sont disposées en verticilles répartis sur tout le tronc et elles sont garnies de feuilles en orme de lames triangulaires très coriaces et très piquantes, empêchant toute ascension, ce caractère lui valant son nom vernaculaire de « désespoir des singes » ces derniers ne pouvant pas grimper dans le houppier.
MONTARGIS
Après cette promenade agréablement commentée par une spécialiste de l’arboretum, nous déjeunons au Relais du Miel.
Une courte visite de Montargis nous permet de nous promener sur le bord du canal. Nous nous arrêtons dans les jardins de la Mairie devant la statue du chien de Montargis terrassant l’assassin de son maître.
Après une promenade le long des canaux qui ont valu à Montargis le surnom de Venise du Gatinais, nous arrivons au musée des Arts et Traditions, Il se trouve dans le vieux quartier de Montargis datant du XVème et XVIème siècles.
Au rez-de-chaussée sont exposés outils et documents relatifs à la tannerie et, au premier étage, des costumes et des coiffes datant de la moitié du XIXème et le début du XXème siècle.
Coiffes du Gatinais :
1 -Les belles coiffes de Dicy, en usage dans la plus grande partie du Gatinais. Elles se composent d’un fond arrondi légèrement allongé à la base, d’une longue passe sur laquelle le fond est monté à l’aide de fronces et d’une courte bordure d’étoffe, de tulle de dentelle qui, soigneusement tuyautée mais plate sur le devant, encadre le visage comme deux courtes ailes. Ce bonnet, richement brodé pour les jours de fêtes, se rencontre aussi simplement pour les sorties ordinaires ou les temps de deuil. La finesse du tissu, la perfection de la forme et du repassage en font toute la beauté. On retrouve ce même type de coiffes dans la région de Beaugency et sans doute en Beauce.
2 – Une coiffe plus vaste. Le fond sensiblement carré est monté sur la passe. Deux pinces sur le devant, une série de plissés soulignent son ampleur. Son usage est ancien.
3 – Le bonnet haut d’une jardinière de Montargis (1875), d’après le tableau de Lukazewski. On en voit de semblables sur un tableau de Dumeis antérieur à 1863.
4 – Nous avons trouvé deux exemplaires de ce bonnet, ajusté, qui épouse un peu la forme d’une casquette (Dicy, Belle grade).
5 – Petit bonnet trois pièces couvrant seulement le chignon (Montargis).
6 – Bonnet de piqué blanc pour le travail, avec ou sans passe. Son emploi est plus récent (Gien, Montargis).
7 – On remarquera la coupe toute différente des bonnets bien emboîtant de la région de Beaumont, familièrement appelés « paniers à viaux ».
N.B -La câline : Un mot qui fut très employé dans la région, comme aussi en Sologne. Il s’agirait de la coiffe de tous les jours ou bonnet de travai1.
8 – La marmotte ou fanchon -La coiffe est une parure et demande de l’entretien. Aussi, pour travailler, les pauvres gens se contentaient-ils souvent d’une « marmotte », simple « mouchoir de tête » plié en triangle ou d’un de laine à larges mailles noué sous le menton.
COIFFES DU GÂTINAIS
ANNEXE 1
Nous avons fait à j’arboretum des Barres une visite très intéressante et une promenade très écologique. Mais en une heure et demie nous ne pouvions aborder que certains aspects des problèmes auxquels le monde végétal est confronté. Monde végétal menacé entend-on dire souvent, mais menacé par qui, par quoi, et menacé comment ?
Vigilants devant les dangers que nous faisons courir aux arbres, nous sommes aveugles et oublieux devant d’autres dangers qui les menacent.
Souvenons-nous de l’épidémie qui au cours de la dernière décennie attaqua les ormes de nos parcs, mais connaissons-nous bien la maladie qui attaque actuellement les platanes de Marseille ? et savons-nous que des chercheurs de l’INRA de Nancy travaillent actuellement aux U.S.A. afin de combattre un redoutable insecte qui reste incrusté dans les fûts abattus et que nous importons -planches ou copeaux -en Europe au point que la C.E.E. a pris des dispositions pour surveiller l’importation des bois d’Amérique du Nord.
Le tabac, le caoutchouc, cultivés par l’homme, ont envahi d’autres continents, mais d’autres invasions ont été subies sans être maîtrisées. Souvenons-nous des destructions de la vigne par le phylloxera ; et sans remonter aux famines du XIXème siècle dues aux maladies de la pomme de terre, souvenons-nous des doryphores qui dans les années 35-40 détruisaient des récoltes entières de nos populaires « patates ».
Peut-on classer parmi les espèces « chanceuses » les peupliers et les eucalyptus ? Protégés, ils le sont, soignés aussi, mais à cause de leur utilisation et de leur croissance rapide « c’est pour mieux vous manger mes enfants » dirait une moderne et boulimique mère-grand.
Car l’homme est boulimique. Savez-vous que des forêts de Bornéo sont actuellement en danger parce qu’un arbre, le luan, n’a pu être domestiqué et ne peut être actuellement cultivé. Le Japon est en effet très gourmand de Luan pour en fabriquer – question à 1000 francs – des baguettes à manger le riz !
Soyons justes. L’homme peut-être compatissant et pratiquer sur les arbres une véritable « chirurgie à cœur ouvert ». Le Chêne de Marcilly d’Azergues (Rhône -750 ans) se mourait. Il a subi plusieurs interventions chirurgicales pour recouvrer la santé : l’humidité remontait par l’aubier, détruisait l’écorce et le tronc du chêne se vidait. On dut creuser plusieurs « trous d’hommes » permettant un ramonage intérieur, on chassa les capricornes, on assécha le tout, puis on appliqua un fongicide à l’intérieur ; enfin un vernis recouvrit la plaie. Et le « vieillard-chêne » put relever la tête lorsque les branches charpentées furent reliées entre elles pour résister aux vents et à la neige.
Soyons justes encore, le monde végétal excite aussi les recherches des hommes et elles sont aussi passionnantes – celles des botanistes, des chimistes – que les recherches appliquées au monde animal. Elles nous donnent peut-être en plus une leçon d’humilité. Savions-nous que la timide fraise des bois que nous avons goûtée à l’arboretum avait dans le mystère de ses cellules, composé son parfum au moyen de 350 molécules différentes. Une leçon d’optimisme aussi. Savons-nous que le modeste myosotis des Alpes a surmonté un important « réchauffement de la terre » en suivant il y a 20 000 ans le recul des glaciers de ce que serait l’emplacement de Lyon jusqu’aux actuelles cimes alpestres.
Exciter des recherches, c’est bien, entraîner des vocations c’est mieux et c’est la raison pour laquelle nous remercions nos adhérents, Monsieur et Madame Bernard, d’avoir bien voulu demander à leur petite fille, élève à l’Ecole Forestière des Barres de nous donner un aperçu des études et des carrières que l’Ecole peut offrir.
ANNEXE 2
Rencontres au C.D.I.
Un de nos adhérents, Monsieur Bathias, avait tenu à participer à notre voyage qui lui rappelait une époque de sa carrière. Des obligations l’empêchèrent de nous suivre à la visite de Montargis mais il tint à nous prévenir : « Veillez bien à ce que le guide vous raconte l’histoire du chien de Montargis, chien vengeur de son maître ».
Au retour j’informai Monsieur Bathias de la parfaite intervention de notre guide, mais un vague souvenir me revenait à un autre propos. N’était-ce pas à Montargis qu’un ancien Président la République, Paul Deschanel, était, nuitamment et maladroitement tombé du train en pyjama. Monsieur Bathias confirma, donna quelques détails supplémentaires sur le rôle de la garde-barrière salvatrice et Madame Poulard, autre adhérente qui n’était pas indifférente à notre conversation, précisa : « Elle ajouta même devant les journalistes : ce doit être quelqu’un de bien, a les pieds propres ! »
Mais cette histoire eut un complément curieux et moqueur, elle inspira l’esprit irrévérencieux des chansonniers de l’époque dont je vous donne deux couplets et un refrain :
« Monsieur Paul Deschanel
« Désormais est immortel
« Car vient d’fair’ un tour
« Plein d’adresse et plein d’humour
« Allant à Montbrison
« Par la porchère d’un wagon
« II s’est j’té sans filet
« Et s’est retrouvé complet »
« C’chef de gare du Pat’lin
« En le voyant si gandin
« Lui posa cet ‘question
« Quel’ est votre profession
« Et Popol répliqua »
Je suis le Chef de l’Etat
« L’aut’ pensa « c’est Charlot
« Qui prépare un numéro »
« II n’a pas abimé son pyjama
« C’est étonnant mais c’est com’ça
« Il est verni l’Chef de l’Etat »
Vous voyez, on s’instruit dans nos voyages
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