Thème : HISTOIRE ET GEOGRAPHIE Mardi 18 mai 2004
Auguste Mariette « Pacha »
par Marc Desti – Conservateur du Patrimoine
Auguste Mariette (1831-1881), premier égyptologue à lancer les fouilles archéologiques selon un principe scientifique, fait actuellement l’objet d’une exposition à Boulogne-sur-Mer, sa ville natale, dans le cadre des festivités Lille 2004.
Conservateur du patrimoine, Marc Desti est également le commissaire de cette exposition « Des dieux, des tombeaux, un savant – sur les pas de Mariette Pacha », qui présente quelque 250 œuvres représentatives des découvertes d’Auguste Mariette et de la civilisation égyptienne. Empruntant notamment aux collections des musées du Caire, du Louvre, du British Museum, l’exposition présente, au fil du Nil, les grandes découvertes de Mariette à Saqqarah, Tanis, Karnak ou encore sur l’île Eléphantine, près d’Assouan. Pour cette conférence, Marc Desti a choisi de reprendre cette structure géographique qui présente l’avantage, sur un même site, d’évoquer plusieurs périodes et thèmes différents.
Outre ses nombreuses découvertes, on doit à Auguste Mariette la création de deux services officiels égyptiens : le service de protection du patrimoine et le musée du Caire, chargés de veiller à la protection des œuvres mises au jour au cours des fouilles.
Au XIXe siècle, le vandalisme régnait en Egypte, les œuvres antiques étaient souvent démantelées. En 1858, le vice-roi créa le service de protection du patrimoine et nomma Mariette directeur. Cinq ans plus tard, il fonda le musée de Boulaq, ancêtre du premier musée national du Caire.
Signe de la reconnaissance des autorités égyptiennes pour son travail, Auguste Mariette fut élevé au rang de « Pacha » par le vice-roi d’Egypte. Ce titre lui permettait d’assister au conseil des ministres. Tout en conservant sa nationalité française, Auguste Mariette choisit en 1861 de devenir fonctionnaire égyptien, et le resta jusqu’à sa mort au Caire en janvier 1881. Son sarcophage fut alors disposé devant le premier musée, ouvert à Boulaq, et se trouve toujours devant le musée, qui se situe aujourd’hui dans le centre du Caire.
Le Serapeum de Saqqarah : une découverte marquante dans l’histoire de l’archéologie
Les premiers pas d’Auguste Mariette en Egypte eurent lieu en 1850, quand il fut désigné pour acquérir des manuscrits coptes. N’ayant pu conclure les tractations avec les moines, Mariette profita de son périple pour visiter les sites de l’Egypte ancienne.
à Saqqarah, il vit, émergée, la tête d’un sphinx, et décida de lancer des fouilles. Suivant les sphinx un à un, Mariette mit au jour les galeries d’une vaste nécropole de taureaux Apis. Le 1er novembre 1851, il pénétra dans le Serapeum. Ses travaux de dégagement, qui durèrent jusqu’en 1854, débouchèrent sur la découverte de 6 000 à 8 000 œuvres.
Au Serapeum, Mariette découvrit des centaines d’ex-voto de bronzes, des images d’Isis et d’Osiris mis là par des pèlerins. Les portes du Serapeum étaient laissées ouvertes à la mort du taureau, et on venait de partout en Egypte pour assister aux funérailles. Il retrouva des vases canope, servant à conserver les entrailles du taureau.
Mariette fit des découvertes fantastiques pour la période du Nouvel Empire. Dans une galerie souterraine effondrée, il dégagea une sépulture contenant des bijoux (masque d’or, amulettes…) portant le nom de Khâemouaset. Ce fut le premier trésor royal mis au jour par un égyptologue dans des recherches à vocation scientifique.
Les fouilles à Saqqarah, de part et d’autres du Dromos, ont mis au jour des tombes de l’Ancien Régime (2500-2200 av JC). Le « scribe accroupi », par sa plastique très achevée, est considéré comme le chef d’œuvre statuaire, toutes périodes confondues.
Lors de recherches ultérieures, des fragments de « textes des pyramides » (qui étaient inscrits sur les murs du caveau du roi) furent découverts. En 1880, une équipe de fouille envoyée à Saqqarah par Mariette, alors mourant, retrouva ces textes dans des tombeaux des derniers rois de l’Ancien Empire (2200 av JC).
Cette découverte du Serapeum apporta la reconnaissance à Mariette. Il fut élevé au rang de chevalier de la Légion d’Honneur avant son retour en France, et devint, en 1855, conservateur du musée du Louvre. Mariette revint en Egypte à l’automne 1857 afin de préparer la venue du prince Napoléon. Le prince ajourna son voyage, mais les sites visités au cours de ces six mois formèrent l’épine dorsale de recherches futures, Mariette Pacha retournant régulièrement sur les lieux visités en 1857-1858.
Tanis, cité de « récupération »
En 1860, Mariette mena plusieurs fouilles de premier plan à Tanis, cité située dans le delta du Nil. Tanis fut construite de toute pièce par les rois tardifs qui utilisèrent des objets de périodes fort différentes, de « récupération ». Mariette y découvrit des sphinx monumentaux, qui ont comme particularité de n’avoir que le visage à forme humaine. On mit aussi au jour une statue rare de la reine Nefret, de nombreux monuments représentant Ramsès 2, ainsi que la tête de Panemerit, qui fut découverte bien avant son torse. Evènement rare, la tête et le torse sont tous deux présentés physiquement ensemble lors de l’exposition de Boulogne-sur-Mer.
La région Thébaine
A Karnak, des fouilles de grande superficie dégagèrent notamment la première cour. On découvrit des structures détruites, et des dizaines de statues en bon état. C’est là que Mariette dégagea « la tête de Taia », provenant d’un groupe qui, en fait, représentait le dieu Amon et la déesse Mout, en calcaire blanc très fin.
A Dra-Aboul-Nagga, Mariette découvrit le sarcophage de la reine Aah-Hotep, en bois doré, qui contenait un important trésor royal (nombreux bijoux, momie royale couverte d’or, hache en or…) ; mais le gouverneur local saisit les objets de valeur pour les offrir à son épouse. Mariette intervint, réussit à intimider le gouverneur, et récupéra le trésor. Cette affaire précipita la création du musée.
Assouan et l’île Elephantine
L’île Eléphantine marquait la frontière entre l’Egypte et la Nubie. Sur cette île se trouvait une ville avec une population, un casernement, un gouverneur. En 1857-1858, Mariette découvrit que les pierres des quais bâtis à l’opposé de la ville d’Assouan étaient des pierres de réemploi avec des inscriptions. Ces blocs dataient du Nouvel Empire (1400 av JC). Ils correspondaient à des fragments du calendrier des fêtes célébrées tout au long de l’année. Grâce à une mention concernant l’étoile Sothis, un phénomène astronomique très précis, il a été possible de dater la durée du règne de Thoutmosis 3.
Ce fragment, qui fut offert en 1864 par le prince Napoléon au Louvre, est présenté à l’exposition de Boulogne-sur-Mer.
Ces œuvres mises au jour tout au long de la carrière de Mariette sont essentielles à la compréhension de l’Egypte. Rares sont les sites où il ne soit pas intervenu (Alexandrie, ou encore les sites à la frontière du Soudan). Ses découvertes furent innombrables ; Mariette restera comme le fondateur de l’égyptologie scientifique, une égyptologie « de terrain ».
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