Thème: Géologie – Sciences Mardi 12 janvier 2016
Les couleurs de la Terre
Par Claude DARRAS, Co-fondateur et Vice président du CDI
Les minéraux, les végétaux et les animaux nous présentent des couleurs les plus variées. La teinte est, avec la forme, un élément essentiel pour leur identification. On distingue ainsi un rubis d’une émeraude comme on reconnaît qu’une tomate est mure ou pas. Sans leur couleur nous n’aurions que des variations de luminosité, du noir au blanc, Nous nous en sommes contentés pendant longtemps en photographie et en cinéma. Cependant, dès que la technique l’a permis, nous sommes passés à la couleur parce que non seulement la couleur est utile, mais elle est un élément esthétique évident..
Les matériaux doivent leurs couleurs à leur structure chimique. Prenons l’exemple du diamant, qui est du carbone pur, naturellement incolore. Si quelques atomes d’azote se substituent à des atomes de carbone, le diamant devient jaune alors que des atomes de bore lui donnent une teinte bleue. Comme le diamant, le graphite est lui aussi du carbone pur. Mais ses atomes sont disposés d’une autre façon et il est noir. La couleur des roches ou de la terre provient d’oxydes métalliques. On dit que le fer est le grand peintre des paysages donnant des teintes plus ou moins rouges. Mélangé à l’oxyde d’aluminium il colore la bauxite. Le cuivre donne des tons verts ou bleus, le manganèse des roses, le cadmium des orange. Les couleurs des minéraux sont très stables. Des peintures rupestres vieilles de plus de 30.000 ans ont conservé leurs aspects. Dans la nature les roches sont bien caractérisées par leur couleur. Le blanc du calcaire des falaises d’Etretat, l’ocre des terrains qui entourent le village de Roussillon dans le Lubéron, le brun foncé du basalte des régions volcaniques d’Auvergne, les rougiers de Camarès dans l’Aveyron, sont de bons exemples de paysages de roches teintées que nous avons en France.
La couleur des objets dépend aussi de la lumière qui les éclaire. Ce que les éclairagistes appellent « lumière du jour » n’est pas celle venant d’un beau ciel ensoleillé au milieu de la journée. Cet éclairage est influencé par le soleil jaune-orange et le ciel bleu. Celui qui sert de référence est donné par un ciel couvert de nuages blancs bien lumineux qui, conventionnellement, indique la « couleur vraie ». Le matin et le soir, le soleil levant ou couchant modifie l’apparence des paysages et des monuments qui prennent de belles teintes orange et rouges. L’éclairage artificiel modifie aussi l’aspect des choses. Avec les anciennes lampes à incandescence les grandes longueurs dominaient donnant des teintes « chaudes », alors qu’avec les tubes fluorescents, les teintes sont « froides ». Les lampes LED actuelles exagèrent encore plus les nuances bleues.
L’eau, par définition est transparente mais dans la nature, celle des lacs, des fleuves ou de la mer, nous apparaît toujours colorée. Sa teinte est donnée par la lumière qui l’éclaire, par la réflexion du ciel ou des berges, par la couleur du fond, sable ou algues, et par les impuretés qui peuvent être en suspension, L’eau est blanche dans les cascades qui forment parfois ce qu’on appelle des « voiles de la mariée ».
Les couleurs des êtres vivants proviennent des « pigments » qui se trouvent à leur surface, comme la mélanine de la peau, l’hémoglobine du sang ou la chlorophylle des feuilles. Celle-ci est à l’origine d’une des grandes transformations d’énergie de la Terre par le phénomène de photosynthèse. La chlorophylle capte l’énergie solaire de toutes les longueurs d’onde, sauf une partie de la verte qui est réfléchie vers notre œil. C’est ainsi que nous percevons la couleur des feuilles ou de l’herbe. Les feuilles des arbres contiennent aussi d’autres pigments, les caroténoïdes, mais en petite quantité. Ceux-ci ne donnent des couleurs aux feuilles qu’à l’automne quand la chlorophylle se dégrade. Ces caroténoïdes sont par contre beaucoup plus nombreux dans certaines feuilles d’ érables ou des chênes rouges d’Amérique. La photosynthèse, d’une part produit les molécules organiques qui permettent à la plante de se développer et, d’autre part, absorbe le dioxyde de carbone et dégage de l’oxygène. C’est dire l’importance du phénomène pour l’air que nous respirons.
Les couleurs donnent à nos paysages un aspect propre à chaque saison et à chaque type de culture : le vert des pâturages, le blond des blés murs, le jaune des champs de colza, ou le bleu de ceux de lavande. Un domaine où les couleurs sont essentielles, est celui de l’art floral. Si les fleurs ne se paraient pas de tant de couleurs, nous n’en placerions pas partout : dans les rues de nos villes, dans nos parcs et jardins, dans nos logements, dans les lieux de culte… Les fleurs jouent un rôle dans le monde animal en attirant les abeilles ou les papillons mais cependant certaines sont dangereuses pour les insectes, comme la Drosera qui est une plante carnivore.
Chez les oiseaux la différence de couleurs est souvent un élément du dimorphisme sexuel, qui permet de distinguer le mâle de la femelle, celle-ci étant en général moins colorée. Chez beaucoup d’espèces la forme est aussi très différente, de sorte qu’on ne peut confondre un coq et une poule. Souvent le mâle et la femelle ne sont identiques qu’à nos yeux mais les autres oiseaux ne s’y trompe pas car ils perçoivent des longueurs d’onde, comme les ultra-violets qui nous échappent.
Les papillons nous présentent une gamme de couleurs très riche qui permet de les identifier facilement. L’évolution des papillons est intimement liée à celle des fleurs. D’une part, ils se nourrissent de leur nectar, d’autre part ils assurent leur fertilisation en transportant leur pollen d’une fleur à l’autre. Les couleurs des papillons sont obtenues par trois procédés différents. Leurs écailles peuvent contenir des pigments mais le plus souvent elles sont transparentes et selon leur orientation elles décomposent la lumière à la manière d’un prisme ce qui permet d’obtenir toutes les teintes spectrales, mais pas le noir car il n’y a pas de lumière noire. Sur les ailes de certains papillons, tel le Papilio Ulysse, il y a une multitude de très petits puits, d’un millième de millimètre de diamètre, dans lesquels la lumière pénètre mais ne peut ressortir. Ce sont de véritables trous noirs.
La couleur est une fonction essentielle pour le phénomène de mimétisme que beaucoup d’animaux utilisent, qu’ils soient chasseurs ou chassés. Le caméléon est l’exemple type de modification de la teinte de la peau pour se rendre peu visible. On sait depuis peu de quelle manière le caméléon change la couleur de sa peau. C’est par des nanoparticules superficielles qui peuvent s’orienter différemment selon la teinte à obtenir. De la même manière un carrelet prendra la couleur du sable. C’est l’homochromie. Certains insectes ne changent pas de couleur mais restent toujours sur des plantes de la teinte de leur corps. Ainsi une chenille verte se voit peu sur une feuille. Une adaptation remarquable au milieu dans lequel ils vivent, est celle des animaux des régions polaires. Le renard de l’Arctique ou le lagopède ont une fourrure blanche l’hiver et quand la neige a fondu leur pelage prend une teinte brune. Sous nos climats l’hermine présente le même comportement.
La mer est un espace riche en couleurs tant par les animaux que par les végétaux. Depuis le Commandant Cousteau la vie sous-marine nous est devenue familière. C’est dans les régions tropicales et surtout dans les mers coralliennes que nous pouvons découvrir non seulement de multiples poissons aux couleurs vives, mai aussi des gorgones, des anémones, des mollusques et des coquillages qui font des profondeurs marines un monde merveilleux où l’on accède facilement avec un masque et un tuba.
Par ses couleurs la nature est belle mais elle est fragile. Produits chimiques, résidus plastiques, comportements humains inconscients, réchauffement climatique, la mettent en danger. Nous ne l’ignorons pas car les médias nous en parlent souvent. Les solutions sont à l’échelle mondiale.