L’INSTITUT GEOGRAPHIQUE NATIONAL

 

Thèmes: Géographie, Sciences                                                                                                           Conférence du mardi 10 janvier 1989

L’INSTITUT GEOGRAPHIQUE NATIONAL

Mardi 10 janvier 1989, Pierre Lanselle, Chef de l’agence régionale de l’I.G.N. lIe-de-France, nous a parlé de l’Institut Géographique National.

 

 

Présentation générale

Héritier direct du Service Géographique de l’Armée dissout en 1940, afin qu’il échappât à l’occupant, l’I.G.N. est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du Ministère de l’Urbanisme et du Logement. Il fonctionne donc avec une participation de l’Etat (1/2 du budget de fonctionnement) pour les activités de « vocation » (ou de service public) définies par décrets et qui sont :

– l’entretien et l’établissement d’une cartographie générale sur l’ensemble du territoire français,

– la formation d’ingénieurs et de techniciens géographes (gestion de l’Ecole Nationale des Sciences Géographiques de Saint-Mandé),

– la recherche et le développement de techniques nouvelles et de produits nouveaux (informatique, spatial…),

– la constitution et l’archivage de la documentation à caractère géographique (cartothèque, photothèque…),

– la coopération technique (détachement d’agents qualifiés comme experts ou formateurs dans les pays en voie de développement, etc.).

Pour le reste, l’I.G.N. fonctionne comme un établissement privé. Il recherche des marchés en France ou à l’étranger, pour des particuliers ou pour des établissements publics et des collectivités.

La réalisation de produits intégralement facturés consiste, entre autres, en la fabrication de cartes topographiques, thématiques et touristiques. L’I.G.N. se doit de boucler son budget et d’assurer un équilibre financier.

L’I.G.N. emploie environ 2 500 personnes dont plus de 90 % de techniciens. Il est implanté à Paris (direction générale), à Saint-Mandé (centre technique), rue de la Boétie (magasin de vente), à Villefranche-sur-Mer (base logistique), à Creil (activités aéronautiques).

L’I.G.N. a pour tâche essentielle l’établissement de la carte de base de la France à l’échelle 1/25 000.

Photographie aérienne de (France) prise à haute altitude (36 000 pieds) avec une chambre de 610 mm directement à l’échelle 1/ 18 000.

Fonctionnement

Après cette présentation générale, Pierre Lanselle nous a montré un film sur le fonctionnement de l’Institut. En voici les grandes lignes.

C’est l’heure du plan d’action ! Le travail de toute l’escadrille est organisé : 11 avions et 1 hélicoptère pour observer la surface de la terre, la photographier, la décrire, en rendre compte dans les meilleurs délais

Nous voyons un topographe, en Provence, compléter un relevé de terrain…

A l’autre bout du monde, en Guyane, le récepteur d’un technicien vient de s’accorder sur les ondes émises par un satellite. C’est la géodésie spatiale avec les satellites de positionnement …

Au-dessus de la Beauce, le Mystère 20 aborde sa 12ème bande.

Creil, au laboratoire photo, la mission sur Blois est devenue une mosaïque de 150 vues qui se chevauchent en grandes bandes parallèles.

Avant l’exploitation des clichés, quelques mesures sont encore nécessaires. Un photogrammètre détermine sur le terrain les coordonnées de quelques points complémentaires repérés sur les clichés aériens. Calées par couple, les photographies permettent de reconstituer une image en relief du terrain.

Avec la reconstitution photogrammétrique, le dessin de la tapisserie va prendre forme.

Dans la salle de photo-identification, le décryptage commence. II faut identifier chaque détail, interpréter chaque élément, le confronter aux connaissances acquises, et souvent aller voir sur le terrain. Le passage sur le terrain permet de lever les derniers doutes, de préciser tous les points suspects, le tracé d’une route, mais aussi sa largeur et sa qualité.

Feuille par feuille, la tapisserie s’est construite, mais elle reste muette, il faut relever tous les noms de lieux auprès du cadastre et des habitants.

Quand la carte est prête, il faut la reproduire et la diffuser rapidement.

Les techniques cartographiques s’appliquent à beaucoup de domaines : aux œuvres d’art, par exemple. Des objets observés à distance, sans contact, dont l’image se transforme en plan, en volume, Ramsès Il ou le massif du Mont -Blanc reproduit en relief au 10/1 000 ; c’est la même technique.

Toutes les représentations sont disponibles dans la cartothèque. Plus de 2 millions de cartes et 3 millions de photos à la disposition de tous.

A partir des photos aériennes, les informations ne sont pas seulement tracées sur papier mais aussi codées et enregistrées sur bandes magnétiques.

Les cartes existantes sont lues par un numérisateur à laser qui traduit en code numérique tout le relief, routes, cours d’eau… Tous les détails rentrent ainsi dans une banque de données géographiques où sont stockés des millions d’éléments pour de multiples partitions que l’on pourra rejouer à volonté sans fausses notes : c’est la cartographie numérique. Des cartes entièrement tracées par la machine. Mais l’homme intervient à nouveau pour compléter la partition.

Au-delà du relief, des lignes et des formes, on peut encore étudier la surface de la terre avec d’autres yeux, étudier sa nature et son évolution.

La photo-interprétation fait apparaître par exemple des zones à risque d’avalanches…

Etudier à distance avec « d’autres yeux », c’est la télédétection.

Différentes émulsions photographiques sont comparées pour en extraire des informations nouvelles sur des cultures, les sols ou l’eau.

Les clichés en infrarouge en particulier sont riches en informations.

Un scanner peut détecter des rayonnements situés dans des longueurs d’ondes au-delà du visible : dans l’infrarouge thermique, des informations sont enregistrées sur bandes magnétiques. Décodées, ces thermographies permettent différentes lectures du paysage. Les calories perdues par des maisons, les nappes polluantes dans la mer, peuvent être saisies. On peut ainsi saisir des réalités cachées et dresser des cartes par thèmes (études des risques de pollutions, d’incendies, étude des sols et des cultures).

Sans relâche, les satellites tournent autour de la terre, bons outils pour le géographe. Ainsi le satellite français SPOT, bande par bande, apporte une vision globale et répétitive du monde.

C’est une vision précieuse pour les régions lointaines encore mal connues, où les survols classiques et le travail sur le terrain sont difficiles et coûteux.

L’informatique facilite les corrections et les traitements d’images.

La cartographie évolue encore et toujours.

Pierre Lanselle nous explique :

Il s’écoule environ deux ans entre les travaux de terrain, les photographies aériennes et la vente en magasin des cartes.

Différentes étapes d’établissement d’une carte :

Il faut établir tout un réseau de points calculés en positions géographiques très précises qui serviront à appuyer les mesures nécessaires à l’établissement des cartes. Il y en a environ 500 000 en France. L’entretien de ces réseaux est important.

Une fois ces points d’appui calculés, on procède à la prise de vue aérienne. Chaque photo se recouvre d’environ 60 %. La partie commune aux deux photos est la zone exploitée cartographiquement puisqu’elle est la seule à pouvoir être observée en relief. L’observateur suit tous les détails de cette zone grâce à un petit repère qu’il déplace avec une manivelle. Sur un appareil voisin (table à tracer), l’information se dessine seule. C’est une première esquisse de la carte. On détermine ainsi les zones à reprendre entièrement et les détails isolés à ajouter ou à modifier.

Ce brouillon est ensuite donné à un topographe qui se livre à toute une série d’enquêtes pour lever les incertitudes qui résultent de l’observation de la photo aérienne.

L’ensemble des documents est alors confié à des cartographes qui vont dessiner la carte.

Si la carte en imprimée en 4 couleurs, il faut effectuer 4 dessins différents :

  • en noir la planimétrie (de routes, maisons, noms…),
  • en vert les cultures,
  • en bistre les couches de niveau,
  • en bleu l’hydrographie

Pour dessiner une carte, il faut compter 2 000 heures de travail de dessin.

La carte terminée, il ne reste plus qu’à l’entretenir, la remettre périodiquement à jour.

On passe ensuite à la photogravure. On imprime à grand débit.

Les cartes sont ensuite pliées et mises en vente dans 7 000 à 8 000 points de vente.

 

L’I.G.N. a développé des techniques et des technologies éloignées de la cartographie : étude des déformations de ponts et de barrages, inventaire des ressources naturelles, délimitation de zones de probabilité d’avalanches, relevés spéciaux à 1/5 000 pour des avant-projets autoroutiers ou de turbo-train, relevés de monuments architecturaux, études de sites urbains ou d’implantation d’un bâtiment nouveau dans un site, contrôle de normes de construction d’une tour…

L’I.G.N. met également la disposition d’utilisateurs ses presses à imprimer.

L’I.G.N. a entreprise d’informatiser l’ensemble des données cartographiques existantes. C’est un travail de très longue haleine.

Son exposé terminé, Pierre Lanselle a répond à de très nombreuses questions.

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