Thèmes: Géographie, Histoire Conférence du mardi 18 mars 2018.
Par Madame Claire GALLEN, professeur d’histoire et Monsieur Gérard GALLEN, ingénieur, peintre et voyageur.
INTRODUCTION
Le Panama est un pays sans image particulière excepté le canal et récemment l’affaire des Panama papers. Pourtant on peut affirmer que c’est un pays de rencontre jouant un rôle important. L’isthme s’est formé il y a entre 15 et 3 millions d’années, sous le Miocène. La fermeture a entraîné un changement considérable dans la circulation des océans. Le courant Gulf Stream se forme et modifie le climat européen, on assiste à la glaciation du Groenland sous le Pliocène et enfin plusieurs ères de glaciations se succèdent. Par ailleurs, la jonction entre le continent du Nord détaché de l’Europe et le Sud détaché de l’Afrique, permet la circulation des espèces créant ainsi une biodiversité extraordinaire. Le Panama est aussi un lieu de passage, de la conquête espagnole à l’ouverture du canal, qui permettra une circulation sans précédent des marchandises au cours du dernier siècle. De nos jours la modernisation du canal permet au Panama de rester un point stratégique dans les échanges mondiaux.
I – Panama, maillon essentiel du siècle d’or espagnol.
Christophe Colomb découvre Panama sans le savoir mais revendique le territoire pour la couronne espagnole. Lors de son quatrième voyage, entre 1502 et 1504, Colomb longe les côtes de Panama. Dix ans plus tard, le conquistador Nuñez de Balboa traverse l’isthme et découvre le Pacifique actuel, qu’à l’époque il nomme mer du Sud, et cela sept ans avant Magellan. La traversée des quatre-vingt kilomètres d’Est en Ouest est très difficile à cause de la végétation très dense et du climat tropical qui engendre des maladies. Balboa fondera le premier village sur la côte pacifique ce qui deviendra plus tard Old Panama, la première capitale panaméenne. En 1513, Francisco Pizarro, un autre conquistador, participe à une nouvelle expédition vers le Pacifique et entre 1524 et 1528, à partir de Old Panama, il effectue deux expéditions vers le Pérou. En 1531, il vainc l’empereur Atahualpa et met ainsi fin à l’Empire Inca. A partir de la ville de Cuzco, Pizarro découvre les mines d’argent du Potosi. Dès 1545, l’exploitation s’intensifie et de nombreux autochtones sont employés au travail des mines. Le métal précieux est acheminé jusqu’au Panama puis on traverse l’isthme, sur la côte Est, on regroupe les cargaisons d’or et d’argent de Catagena de la India et Veracruz pour rejoindre Cuba où de la les bateaux partaient vers Séville. La traversée de l’isthme se fait à dos de mules, qui à l’époque sont plus chères que les chevaux, dans des conditions difficiles. Il existe deux chemins, le plus fréquenté est le Camino Real qui part de Old Panama vers le port Nombre de Dios sur la côte Atlantique; et un autre plus court mais plus dangereux, le chemin de Las Cruces qui part de Old Panama par la terre puis on descend le fleuve Chagres jusqu’à l’Atlantique. Le fleuve étant dangereux, de nombreux bateaux ont coulés, le Camino Real était donc privilégié même si le port de Nombre de Dios a été attaqué à de nombreuses reprises et sera abandonné par la suite. Tout au long du XVIe siècle, les Espagnols sont les seuls présents sur le territoire car le Pape, par le Traité de Tordesillas en 1494, partage les nouvelles terres entre les Espagnols et les Portugais. Mais dès le début du XVIIe siècle, les Anglais, les Français et les Hollandais, ces derniers dans une moindre mesure, cherchent à profiter des richesses de ces nouvelles colonies. Les piratages et les pillages sont très nombreux, surtout envers le port de Nombre de Dios qui sera abandonné en 1597 au profit de Porto Bello. Parmi les pirates qui ont détournés des bateaux et pillés les installations portuaires espagnoles on peut citer Francis Drake et Henry Morgan, un pirate sanguinaire qui a ravagé et détruit Old Panama, il a également pillé toutes les institutions religieuses (monastères et couvents), tué et violé les religieux.
A partir du XVIIIe siècle, les métaux précieux sont de moins en moins transportés et on passe au commerce de denrées telles que la canne à sucre, ou le cacao. Ce sont les Anglais et les Hollandais qui vont contrôler ce nouveau commerce. Au début du XIXe siècle l’Espagne coloniale disparaît mais Panama reste un passage stratégique. En 1849 débute la ruée vers l’or en Californie mais le transport de l’or vers l’Est est dangereux car il faut traverser des territoires peu sécurisés où se trouvent encore des tribus indiennes. Il était donc plus sûr de repasser par le Panama. Ainsi en 1855 une première voie ferrée transcontinentale est construite. Cependant, cette solution est insuffisante pour faciliter les échanges commerciaux mondiaux.
II – Le canal : un échec français, un succès américain.
En 1869 est inauguré l’ouverture du canal de Suez, réalisé par le Français, Ferdinand de Lesseps. A la suite de cette réussite, dans les années 1880, il lance le projet du canal de Panama. Les conditions ne sont pas les mêmes, au Panama il faut affronter des conditions climatiques difficiles comme les pluies très abondantes, les maladies tropicales etc. et la morphologie du terrain nécessitait un projet avec des écluses comme le conseillait Gustave Eiffel. Or, Lesseps refuse et impose un canal similaire à celui de Suez. Alors que les travaux devaient durer sept ans, en 1887 seulement la moitié des travaux est réalisée et le budget amplement dépassé. En 1889 les derniers emprunts sont lancés ce qui mènera à un scandale financier sans précédent. En effet, la presse et de nombreux politiciens ont menti sur les chiffres et la rentabilité des bons au porteur. Les bons émis ne valent plus rien et en 1889 on doit procéder à la liquidation de la compagnie du canal de Panama. Le scandale est si grand qu’une instruction est ouverte en 1891. Cent quatre députés sont impliqués et Clemenceau sera lui aussi éclaboussé. En 1893, Charles Bahiaud, Ferdinand et son fils, Charles de Lesseps et Gustave Eiffel seront condamnés. Finalement seul Charles de Lesseps fera de la prison. Les Français connaissent un échec retentissent dans cette entreprise du canal de Panama, ce ne sera pas le cas des Américains.
En réponse à ce fiasco français, Théodore Roosevelt, futur président des Etats-Unis de 1901 à 1909, se prononce en faveur d’une prise en charge de la construction du canal par les Etats-Unis. Alors que la Colombie est plongée dans la guerre civile, des indépendantistes, soutenus par les Etats-Unis, déclarent l’indépendance du Panama de la Colombie le 3 novembre 1903. Le nouveau pays adopte le dollar américain comme monnaie. Deux semaines plus tard, le 18 une concession indéfinie est accordée aux Etats-Unis sur une bande de vingt kilomètres de large. En 1904 c’est la création de la commission du canal et en novembre celle du département de la santé car les projections donnaient comme estimation le décès de 14 000 travailleurs sur cinq ans à cause essentiellement de la malaria et de la fièvre jaune. Afin de réduire le nombre de décès potentiels on procède au drainage des sols, au désherbage, à la suppression des eaux stagnantes, à l’usage des huiles larvicides et des moustiquaires. Toutes ces mesures permettront de diviser par six le nombre de morts.
Dans le domaine technique, les Américains changent le projet français et tiennent compte des glissements de terrain et des différences de marnage entre le Pacifique et l’Atlantique, on passe donc à un canal à trois écluses : Gatun, Puerto Miguel et Miraflores. Lors de la construction du canal, un lac artificiel est crée, le lac de Gatun. Il a été crée entre 1907 et 1913 par la construction du barrage sur le Chagres Il a une superficie de 425 km2 et contient 5,2 km3 d’eau. On trouve de nombreuses îles dans le lac qui étaient des reliefs avant la création du lac. Le lac est un composant important du canal, en formant 32,7 km sur les 80 km. Dix ans après la reprise du projet par les Américains, le canal est inauguré par le passage du bateau américain SS Ancon, le 15 août 1914.
Avec le canal, le continent américain est à nouveau séparé et un premier pont, le pont des Amériques, sera construit en 1962 et un second, le pont du Centenaire, bâti au début des années 2000.
En 1964 ont lieu des émeutes, les Panaméens souhaitant que le drapeau de leur pays soit au côté de la bannière étoilée dans le canal. Cette crise fera plusieurs morts et entraînera la rupture des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et le Panama. Finalement, après de longues négociations, est signé en 1977 l’accord Torrijo-Carter qui prévoit la rétrocession du canal. Un traité de neutralité est également signé. Depuis le 1er janvier 2000 le canal est sous contrôle panaméen.
Chaque année, le canal voit passer 14 000 bateaux par an soit 5% du commerce mondial. Chaque passage coûte en moyenne environ 60000 dollars. Les échanges mondiaux étant toujours croissants, on envisage l’élargissement du canal. En 2006, on organise un référendum qui montre que la population est massivement favorable au projet et par conséquent en 2009 commencent les travaux pour construire deux nouvelles écluses. Le coût s’élève à 5,2 milliards de dollars mais les travaux permettent de multiplier par deux le volume des marchandises. Le nouveau canal sera inauguré le 26 juin 2016 avec, signe des temps nouveaux, le passage d’un bateau chinois.
III – Le Panama au XXIe siècle.
La population du Panama se compose majoritairement de métis (52%), et on compte 11% de Blancs et 9% de Noirs. Un quart de la population est sous le seuil de la pauvreté bien que le PIB par habitant soit similaire à celui du Chili, soit environ 12 000 dollars. Ainsi en 2016, le Panama est le dixième pays le plus inégalitaire au monde. L’espagnol est la seule langue officielle bien qu’une grande partie de la population maîtrise l’anglais du fait des liens très étroits, tant politiques qu’économiques, entretenus avec les Etats-Unis. Le Panama est divisé en dix provinces et trois territoires indigènes autonomes qui ensemble constituent une province supplémentaire. Les Indigènes bénéficient d’une grande autonomie dans leurs territoires. Les revenus directs du canal représentent 10% du PIB et jusqu’à 30% si l’on inclut les revenus indirects. Les services, essentiellement le secteur bancaire et les sociétés d’import/export, représentent 80% de l’économie. La ville de Panama city est le plus important centre financier d’Amérique Centrale. L’agriculture quant-à elle représente 6% du PIB avec des produits tropicaux comme le café, les bananes ou la canne à sucre. On développe le secteur de la pêche avec surtout l’élevage de crevettes, produit très prisé. Enfin, on peut citer le tourisme qui se développe grâce aux richesses naturelles du pays. Le Panama compte plusieurs parcs nationaux, de somptueux paysages tropicaux, une bonne infrastructure routière et hôtelière, autant d’atouts essentiels au secteur. De plus, grâce à des avantages fiscaux, le Panama cherche par des campagnes publicitaires à attirer des retraités occidentaux pour qu’ils s’y installent.
CONCLUSION
Panama est un lieu d’échanges et de rencontres, c’est aussi une économie en plein développement avec des défis pour le futur, essentiellement redistribuer les richesses afin de réduire les inégalités, lutter contre la corruption et le clientélisme et enfin mettre en place une politique écologique efficace qui conservera la biodiversité extraordinaire du pays.
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