Thèmes: Géologie, Sciences Conférence du mardi 8 octobre 1985
CERCLE DE DOCUMENTATION ET D’INFORMATION
LA GLACE ET LES GLACIERS
Le mardi 8 octobre 1985, Monsieur LETOLLE, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, spécialiste de géochimie et géologie de la surface, est venu nous parler de « La glace et les glaciers ».
Un glacier est l’équilibre de 3 éléments (schéma 1) :
– une zone d’apports où la température est en moyenne inférieure à 0°.
– une zone d’équilibre où la température est voisine de 0°.
– une zone de départ où la température est supérieure à O°.
On trouve donc les glaciers :
– dans les régions arctique et antarctique,
– dans les régions situées en altitude.
Les glaciers ne sont pas immobiles, ils avancent à des vitesses variables. La glace, bien que très dure, est cependant un corps qui
se déplace, molécule par molécule ; on peut comparer sa viscosité à celle de la lave d’un volcan, ou encore à de la pâte à pain qui, posée sur
une table, se déforme progressivement.
La glace fond ; son épaisseur, et donc son poids, provoque une pression plus ou moins élevée sous les glaciers, à la frontière de la roche et de la glace.
La glace, soumise à différentes pressions, peut fondre à = 1; – 2, où = 3°«
Le film d’eau résultant de cette fonte fait fonction de lubrifiant et va favoriser le glissement.
La vitesse de glissement est différente selon les glaciers, et dépend de nombreux facteurs, dont le plus important est, bien entendu, la pente. Plus elle est raide, plus la progression sera rapide. En général le glacier se déplace de quelques dizaines de mètres par an, avec cependant parfois des exceptions. En Alaska, un glacier a progressé, c’est un record, de 5 km en 6 mois, soit environ 37 m par jour.
Sur les fortes pentes des montagnes la neige s’accumule dans les moindres creux et surtout dans les bassins de réception des torrents.
Dans ces cavités ou cirques glaciaires, elle se tasse et durcit sous l’effet de son propre poids : la neige poudreuse et légère fait place au névé, masse blanche et granuleuse durcie par le gel.
Par son propre poids, le névé se transforme en glace blanchâtre et pleine de bulles d’air, puis en glace compacte, transparente et d’une couleur bleutée. La glace s’accumule et creuse le cirque glaciaire jusqu’au moment où elle déborde par une brèche de la cuvette. Une langue de glace s’avance sur le flanc de la montagne, empruntant souvent Te chenaT d’écoulement d’un ancien torrent : elle constitue un glacier. La
surface faiblement bombée du glacier est loin d’être régulière ; elle est accidentée de profondes crevasses. La glace se brise dès qu’elle
rencontre un obstacle ; un brusque changement de pente du fond provoque l’apparition de séracs.
Comme les fleuves, les glaciers transportent des débris de l’érosion. Les éboulis des pentes s’accumulent de chaque côté du glacier. Ces amas de pierres, qui bordent les rives du glacier s’appellent les moraines latérales.
Au confluent de deux glaciers, deux moraines latérales s’unissent pour former une moraine médiane. La moraine de fond se forme au lit des
glaciers. Elle provient d’une part de blocs des moraines latérales tombés dans les crevasses et d’éléments usés au fond du glacier (schéma 3). Tous ces débris entrainés par les glaciers sont repoussés par le front glaciaire en une moraine frontale puis abandonnés lors des éventuels retraits des glaciers témoignant ainsi de leur moraînes de fond et avancée maximale (La Mer de latérales glace).
Le glacier d’Argentière en 1966.
Sur cette photo prise du même point de vue que la précédente, le recul séculaire apparaît ; en réalité il ne s’agit pas d’un recul, mais simplement du fait que la masse de la glace qui fond chaque année est supérieure à la masse des apports de neige en montagne ; aussi,
bien que le glacier continue à avancer chaque année, l’extrémité de sa langue inférieure apparaît de plus en plus haute et semble reculer.
Sur la photo, toute la branche inférieure du glacier a disparu laissant apparaître d’énormes roches raclées par les glaces. Les moraines
se sont couvertes de mélèzes. Quant au village, il a un peu grandi, mais l’église et certaines maisons sont aisément reconnaissables.
Un glacier qui disparaît laisse donc des traces. Des traces de moraines (a) environs de Lyon (Fourvières, La Bourbe), des roches moutonnées (b) plaines de l’Europe du Nord, du Canada, de l’Alaska, lacs de plaine (Finlande), des lacs (c) Lacs des Pyrénées, lacs d’Italie.
Ainsi le géologue, grâce à ces indices, peut reconstituer l’histoire des glaciers. Près de Lyon on trouve des cailloux placés sans ordre, dont la présence prouve qu’il y avait autrefois des glaciers. Il en est de même au Sahara.
Glaciers des régions antarctiques et arctiques.
Dans les régions polaires, au Groënland, les glaciers sont lents, car la température très basse de la glace (- 27° entre 20 et 140 m de profondeur), même sous forte pression ne permet pas sa fusion. Le glacier n’avance que par sa seule déformation plastique.
La glace, après être passée dans des vallées, a la possibilité de se réunir avec la glace qui vient des glaciers voisins. Elle forme ainsi des glaciers qui peuvent se trouver sur la terre ferme ou sur la mer (schéma 4).
La glace peut y atteindre une épaisseur de 2000 mètres. Ces glaciers en arrivant jusqu’à la mer peuvent se briser et produisent alors les icebergs.
Les glaciers du Groënland et de l’Antarctique couvrent d’un manteau quasi continu l’ensemble d’un continent.
On est en présence d’inlandsis (le terme est danois, employé à l’origine pour les calottes glaciaires déjà importantes de l’Islande,
et l’orthographe originelle est indlandsis : la glace de l’intérieur des terres).
L’inlandsis antarctique couvre 14 millions de kilomètres carrés, en incluant les zones flottant sur la mer, les shelfs ou pJatesformes de glace ; l’inlandsis groënlandais atteint 1.700.000 km”. Le volume total d’eau douce ainsi stockée sous forme de glace est de l’ordre de 30 millions de kilomêtres cubes, soit plus de 2% de la totalité de l’eau du monde et 98% de l’eau douce disponible à la surface du globe.
Evolution des climats à la surface_de la terre.
Imaginons qu’une région qui possède des glaciers (la France par exemple) se trouve tout doucement refroidie.
La zone du 0° s’abaisse, s’agrandit et toutes les vallées s’englacent. Quelques temps plus tard (1 million d’années peut-être), la totalité de la région sera recouverte par une croûte de glace dont ne sortiront plus que quelques sommets. Pour atteindre cet état-là, il faut
du temps car :
– une partie de la glace coule et fond,
– cela représente des quantités d’eau considérables,
– pour que la glace soit stable, i1 faut qu’elle repose sur un support solide.
Il y a 50 millions d’années, le continent antarctique ne pos- sédait pas de glace, les continents se déplaçant, il a atteint le pôle sud. Lä, les conditions étaient réunies pour que la glace s’y accumule, il y a 37 millions d’années.
Moyens techniques d’exploration.
– Dans l’Antarctique, l’exploration consiste en prospection géophysique et carottages. Des échantillons de glace de différentes profondeurs sont prélevés et étudiés en laboratoire.
Elle y est datée grâce au radiocarbone contenu dans le gaz carbonique des bulles d’air de la glace.
Cette technique est très coûteuse car elle ne peut s’appliquer qu’en laboratoire avec un minimum de 50 kg de glace.
– Les glaciers nous permettent de reconstituer le climat.
Des mesures physiques sont effectuées sur des carottes de glace prélevées jusqu’à 2000 m de profondeur. La glace contient de l’oxygène composé d’oxygène 18 (O18).
Plus la température au moment de la formation de la glace était basse, plus la teneur en O18 d’oxygène est faible.
On a pu ainsi établir le profil de température sur plus de100 000 ans.
Les glaciers ne font pas que nous renseigner sur l’évolution des climats. Ce sont également des éléments déterminants du climat actuel. Si
la température se refroidit, les glaciers se développent, mais le fait que les glaciers existent tend à refroidir le climat.
Que devient l’Antarctique si le climat se réchauffe ?
La glace s’en va, on retrouve donc le profil du fond, mais le niveau 0 change. En effet, le continent s’enfonce sous le poids de la glace. Si celle-ci fond, il remonte. La Suède, la Norvège par exemple, remontent actuellement (1 mêtre environ par siècle). Cela se voit dans
les ports (schéma 5).
On ne sait pas quel laps de temps est nécessaire pour qu’un glacier apparaisse et se développe. On sait seulement qu’à certaines époques la température en moyenne baisseou monte.
Monsieur Letolle nous à montré une carte de l’évolution des températures de la mer à différentes époques. À titre d’exemple :
18000 av.JC.:
– l’Irlande, l’Angleterre, l’Amérique, le Groën]and étaient recouverts de glace comme l’Antarctique actuel (banquise*), Attention : il ne faut pas confondre la banquise avec les glaciers. La banquise provient de la glaciation de la mer (eau salée) contrairement aux icebergs qui comme on l’a vu proviennent des glaciers (eau douce).
– le niveau de la mer a baissé de 170 m.,
– mois de mai : 2° aux environs de la Rochelle,
0° au large de Brest.
À cette époque (le Néolithique), l’espèce humaine s’est transformée physiquement, passant du stade de l’Australopithèque à celui de l’Homo sapiens moderne. Cette transformation paléontologique s’est accompagnée d’une mutation technologique, sociale et psychologique. Elle a duré un temps considérable, débutant il y a plus de 2 millions d’années, époque où l’on situe actuellement la création de l’ou- til, pour s’achever avec la fin de l’époque glaciaire, 8000 ou 9000 ans avant notre ère. Durant cette période, on est passé du stade de la créature pourchassant de petits animaux, armée d’un caillou taillé ou d’un bâton, à l’homme qui vit en groupe organisé dans les grottes (Lascaux) de façon permanente, pratiquant pêche et cueillette avec des procédés perfectionnés.
Rôle de l’Homme ?
Depuis environ un siècle l’homme est intervenu en rejetant dans l’atmosphère des quantités de gaz et de fumées, du gaz carbonique
plus particulièrement.
Le gaz carbonique est un écran pour la chaleur qui est freinée au retour de la terre. On a un effet de serre, comme sous la cloche de
verre du jardinier. La température de la Terre tend à s’élever pour arriver à un nouvel équilibre thermique. Si la température de l’air s’élève, la glace va fondre et le niveau de la mer va se hausser.
Un autre scénario consiste à dire que si la température s’élève, l’évaporation des océans, la chute d’eau sur les pôles et donc la
glace augmenteront. D’où une nouvelle période glaciaire.
Les résultats obtenus montrent la richesse des archives de notre environnement atmosphérique global stockées dans les glaces de
l’Antarctique. Elles permettent de mesurer non seulement l’ampleur des variations naturelles, mais aussi l’impact des activités de !’homme, contribuant à l’étude des problèmes actuels.
Ces recherches qui ont pris leurs racines dans les travaux de l’Année Géophysique internationale sont menées dans un cadre inter- national avec le soutien de différents organismes nationaux.
En conclusion :
– Les climats ont changé, les continents se sont déplacés accédant à des zones plus rudes ou plus douces au cours d’un cheminement de centaïnes de millions d’années.
– Des glaciers se sont formés, ont évolué et les moyens d’investigation actuels permettent de retrouver leur histoire et de reconstituer le climat des régions qu’ils occupent ou ont occupées.
– L’homme dans les Pays Scandinaves et dans les Alpes notamment a êté – et est – le témoin de l’évolution des glaciers et de ses conséquences.
– Par son activité industrielle il peut être un acteur modeste et participer dans un sens ou un autre, volontairement ou non, à cette évolu- tion.
– Mais en tout état de cause, les conséquences de cette intervention ne peuvent être qu’insignifiantes.
– Il reste que cette énorme masse d’eau douce inexploitée peut être un Jour une réserve de richesse potentielle, voire de survie pour certaines régions deshéritées du globe.
Le document originel de ce texte, avec images et schémas est disponible sous le lien suivant: