LES FRONTS D’ORIENT DE LA PREMIERE GUERRE MONDIALE: DARDANELLES, BALKANS, LEVANT

Thème : HISTOIRE                                                                                                                                                                          Mardi 15 Mars 2011

Les fronts d’Orient de la Première Guerre Mondiale: Dardanelles, Balkans, Levant

Par Madeleine Stocanne, Avocat honoraire, Présidente de l’association : « Pour le souvenir des Dardanelles et Fronts d’Orient »

L’association que je préside depuis 1987 est très ancienne, elle fut créée en 1920 par les anciens combattants des Dardanelles eux-mêmes, soit quelques années seulement après les événements. Son objectif est de perpétuer le souvenir de ces fronts d’Orient – où de nombreux soldats français périrent – qui, quoique souvent ignorés, ont revêtu une importance géopolitique considérable par la suite. Quand on pense à la Grande Guerre, on revoit forcément l’image des poilus, mais on ignore trop souvent que la France fut engagée sur les fronts d’Orient, et participa à l’écroulement des empires austro-hongrois et ottoman.

En 1914, prenant prétexte de l’assassinat de l’archiduc Franz-Ferdinand à Sarajevo, l’empire austro-hongrois déclare la guerre à la Serbie, ce qui provoque, par le jeu des alliances, l’entrée en guerre en cascade des grandes puissances. Plus à l’est, l’empire ottoman s’engage au côté des Allemands. Pourtant, depuis des décennies, les sultans entretenaient de bons rapports avec les Français et les Anglais. Mais, ces deux pays étant alliés à la Russie – l’ennemi juré de la Turquie – et les Allemands ayant récemment renforcé l’armée turque, sous l’impulsion de leur ambassadeur à Constantinople, l’empire ottoman bascule dans le camp allemand.

L’échec des Dardanelles

Les Dardanelles est la première des trois grandes campagnes du front d’Orient. Le 10 août 1914, au mépris des traités internationaux, deux navires allemands passent le détroit des Dardanelles, mouillent dans le Bosphore, avant de traverser la mer noire pour bombarder Odessa le 29 octobre 1914. Pour aider les Russes, en difficulté dans le Caucase, l’état-major britannique privilégie l’ouverture d’un nouveau front de l’est. La campagne des Dardanelles sera menée par l’armée britannique, avec le soutien des forces françaises. Pour atteindre Constantinople, les Anglais pensent qu’une attaque par la seule voie maritime suffit, contre l’avis de l’état-major français qui privilégie une attaque combinée par la mer et la terre. Du 19 au 28 février 1915, cinq navires alliés bombardent les forts turcs situés le long du détroit, mais il faut attendre un mois pour qu’une escadre au grand complet lance l’attaque, le 18 mars. Un délai qui a permis aux Turcs de se préparer : leur artillerie s’est positionnée, et des milliers de mines ont été placées dans le détroit. Les pertes alliées sont lourdes, tant du point de vue humain que matériel : les Français perdent le cuirassé Bouvet, et certains fleurons de la marine britannique sont envoyés par le fond. A la suite de cet échec, le commandement décide de procéder à une action conjointe terrestre et maritime. L’attaque britannique doit se faire sur la presqu’île de Gallipoli, les Français débarquant sur la rive asiatique, où le terrain est plus accessible, mais uniquement pour faire diversion. Malgré le succès du débarquement – qui est entré dans l’Histoire de par la logistique employée (la première utilisation de chaloupes, par exemple) – une ligne de front est rapidement établie. Les pertes sont lourdes (56% des hommes de troupes français sont inaptes au combat), et les témoignages des combattants débarqués les premiers sont particulièrement terrifiants. La bataille des Dardanelles est une guerre de tranchées très rapprochées, dans un environnement hostile qui entraîne des difficultés d’approvisionnement et des maladies spécifiques affectant 98% du contingent. Côté turc, les troupes sont surmotivées par leur commandant, Mustapha Kemal, et veulent à tout prix éviter l’invasion de leur nation. Quand, le 19 octobre 1915, la Bulgarie attaque la Serbie, le commandement allié décide d’aider en urgence l’armée serbe en déroute. Une grande partie des troupes des Dardanelles est transférée d’urgence vers les Balkans. Certes, l’expédition des Dardanelles a été un échec dans le sens où les alliés n’ont pas atteint leurs objectifs, mais ils n’ont jamais été battus militairement sur le terrain ni rejetés à la mer par les Turcs : en neuf mois les pertes (morts, blessés, disparus) alliées étaient deux fois moindres que côté ottoman.

Victoire dans les Balkans et la chute de l’empire austro-hongrois

Les premiers combattants dans les Balkans sont donc des anciens soldats venus des Dardanelles. La Serbie avait été affaiblie par ses guerres, menées en 1912/1913, contre l’empire ottoman, l’empire austro-hongrois et contre la Bulgarie. Quand l’expédition de secours menée par le général Sarrail débarque, le 3 octobre 1915, à Salonique – la Grèce est officiellement neutre –, l’armée austro-hongroise est déjà à Belgrade. Salonique est la seule voie d’entrée pour les Balkans, et les alliés y installent un énorme camp de base, le fameux camp retranché de Salonique. La guerre durera trois ans, et connaîtra trois phases : la retraite (octobre-novembre 1915) des Serbes pourchassés par les Bulgares ; offensives et contre-offensives (juillet 1916 – sept 1918) ; la percée finale (15-30 septembre 1918) par les Français et les Serbes, qui entraîne la capitulation de la Bulgarie. Contrairement aux Dardanelles, le conflit des Balkans est une guerre de mouvement. En 1917, les alliés reçoivent le soutien des Italiens et des Grecs, tout juste sortis de leur neutralité. Le 23 décembre, le général Sarrail est remplacé. Pendant deux ans, il a régné en potentat à Salonique. On a lui a reproché le nombre de morts, sa stratégie, mais il a aussi aidé les Grecs à sortir de leur neutralité et il a usé l’ennemi, rendant possible la victoire finale. Son successeur Guillaumat, qui avait bien mené une stratégie défensive, est remplacé par le général Franchet d’Esperey, qui adoptera une tactique opposée à celle de Sarrail : il décide d’attaquer là où le terrain est le plus défavorable, mais là aussi où il est le moins protégé : par la montagne. L’attaque, lancée le 15 septembre 1918 dans le massif du Dobropolje, permettra d’enfoncer les lignes bulgares sur vingt kilomètres. Il s’agit d’un épisode mythique de la Première Guerre Mondiale car il débouchera sur le premier armistice de la Grande Guerre, le 29 septembre 1918, près de deux mois avant l’armistice final. Un armistice qui fera dire à Hindenburg, dans un courrier adressé au Kayser, que les alliés, désormais en position de force, ne voudront plus négocier la fin du conflit. Une fois le front enfoncé, les peuples de l’empire austro-hongrois se soulèvent un à un pour réclamer leur liberté. En janvier 1919, l’empereur quitte Vienne, c’est la fin de l’empire austro-hongrois.

La campagne du Levant et l’implosion de l’empire ottoman

Lorsque la Grande Guerre éclate, la vallée du Nil est déjà occupée par les Anglais depuis trente ans. La couronne britannique décrète que l’Egypte devient son protectorat, et y base une armée de 90 000 hommes, des Britanniques mais aussi des Australiens, des Néo-zélandais et de nombreux Indiens. Ce sont les Anglais qui initient la campagne du Levant car ils convoitent les riches territoires de Mésopotamie. Les Français n’interviendront militairement qu’à partir de 1917 mais, dès 1916 et alors que les territoires ne sont toujours pas conquis, les deux puissances s’organisent un partage des territoires. Quand ils lancent la conquête en 1917, les Britanniques franchissent le Tigre et arrivent à Bagdad le 15 mars. Ils soutiennent la révolte arabe contre l’empire ottoman. Le colonel Lawrence est à leurs côtés quand les Arabes prennent Aqaba. Plus à l’ouest, l’offensive anglo-française en Palestine est triomphale : après Gaza, le 5 novembre 1917, c’est Jaffa qui tombe le 16 novembre puis Jérusalem, le 11 décembre, où le général Allenby fera une entrée triomphale. Les Turcs résisteront longtemps dans la vallée du Jourdain. Grâce à un exploit de la cavalerie française, la prise de Naplouse, le 20 septembre 1918, ouvre la route de la Syrie. Damas tombe le 1er octobre 1918. Ecrasée par les alliés, l’armée ottomane est également harcelée par la révolte arabe. Le 30 octobre 1918, le sultan Mehmed VI signe l’armistice, qui partage l’empire ottoman en zones d’influence. Un démembrement confirmé deux ans plus tard par le traité de Sèvres. Mais cet accord de paix ne signifie pas pour autant la fin des hostilités : Mustapha Kemal, héros des Dardanelles, refuse les conditions du traité et entre en résistance. D’Angora (Ankara), il lance la reconquête du territoire, et libère la Cilicie, zone d’occupation française selon les termes du traité de Sèvres. Il s’agit d’une guerre de type guérilla, impliquant la population, et plusieurs exactions sont commises à l’encontre des troupes d’occupation. Finalement, le 20 octobre 1921, un accord de paix est signé entre le gouvernement d’Ankara et les Français, qui obtiennent certains avantages dans cette nouvelle Turquie. En 1923, Mustapha Kemal devient le premier président de la République de Turquie. Atatürk fonde le premier Etat libre et indépendant du Moyen-Orient, un Etat laïc, qui accordera notamment le droit de vote aux femmes.

En démembrant l’empire ottoman, la campagne du Levant a donné naissance, à terme, aux nations dont on connaît aujourd’hui l’actualité brûlante.

En savoir plus …

Coté Livres :

Dardanelles Orient Levant, 1915-1921

Auteur : Association nationale pour le souvenir des Dardanelles et fronts d’Orient
Éditeur : L’Harmattan, prix Lyautey 2005

ISBN-10: 2747579050

http://books.google.fr/books?id=jWE8XhnLo4wC&source=gbs_navlinks_s

Coté Web :

http://www.fronts-dardanelles-orient-levant.tk/

http://www.armistar.com/equipements/210-souvenir-bataille-des-dardanelles-.html

http://www.pages14-18.com/

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