Thèmes: Histoire, Société Conférence du mardi 30 janvier 2024
ALCHIMIE, ESOTÉRISME ET NAZISME
Par Monsieur Alain QUERUEL, ancien chargé de cours à l’Université de Paris VII et à l’UTL d’Orléans, spécialiste de l’alchimie, de la franc-maçonnerie et de l’histoire des sciences, auteur.
INTRODUCTION
Avant même son accession au pouvoir en janvier 1933, l’intérêt d’Adolf Hitler pour l’ésotérisme était relativement limité mais certains de ses proches tels que Heinrich Himmler, Rudolf Hess ou Alfred Rosenberg étaient de véritables passionnés. L’ésotérisme au sens large eut une place prépondérante dans les prémices du régime avant que le futur Chancelier ne décide de gommer tout ce passé qui risquait de lui aliéner une partie de son électorat. Cela n’empêcha pas pour autant les hiérarques du régime précédemment nommés de poursuivre leurs pratiques tant sur le plan de l’alchimie opérative avec la recherche de la fabrication de l’or à Dachau que dans la sphère de l’alchimie spéculative ou hermétique avec les cérémonies au château de Wewelsburg ou au sein de la Société Thulé. Par ailleurs, aussi bien les médecines douces que les théories raciales les plus atroces s’inscrivent dans ce contexte mystique.
I – Adolf Hitler et quelques dirigeants nazis.
Adolph Hitler devient assez réceptif à l’ésotérisme à la suite d’un épisode personnel survenu dans les tranchées. Durant la Première Guerre mondiale, alors qu’il est avec ses compagnons dans une tranchée, le soldat de première classe Hitler décide de sortir ne supportant plus cette condition d’inaction. Lorsqu’il revient la tranchée a disparu sous les bombardements et tous ses compagnons sont morts. Il pense alors être protégé par la Providence
Hitler restera assez sensible à l’ésotérisme jusqu’en 1933/1934. A la suite de son coup d’état manqué à la brasserie de Munich en 1923, à sa sortie de forteresse, il abandonnera ce créneau, préférant se tourner vers des « élections ».
Mais beaucoup de membres de son entourage continuèrent dans cette voie, tout en taisant leur intérêt pour l’ésotérisme.
Heinrich Himmler (1900-1945) est l’un d’eux. Né en 1900 dans une famille de la bourgeoisie catholique, il obtient un diplôme d’ingénieur agricole en 1922. Il adhère au Nationalsozialistische Deutsche Arbeit Partei N.S.D.A.P., un parti d’extrême droite en 1923 ; son jeune âge lui évite la prison après le coup d’état manqué. Il rejoint la SA Sturm Abteilung, organisation paramilitaire- en 1925, puis la SS -SchutzStaffel. Il sera à la tête de toutes les milices dans la « nuit des longs couteaux » des 29-30 juin 1934. Il prend la tête de la Gestapo en 1934 – Geheime Staatspolizei, ou Police secrète d’État. Il poursuit son ascension auprès de Hitler avec la responsabilité du maintien de l’ordre dans les territoires occupés ; il obtiendra des prérogatives dans le domaine militaire après le coup d’état contre Hitler du 20 juillet 1944. S’en suivra une terrible répression. Un objectif militaire lui est confié à la fin de la guerre en rassemblant une armée de réserve sur le front ouest, puis sur la Vistule en Pologne. Quand il comprend que la guerre est perdue, il négocie avec les Anglais et les Américains un projet de pacification entre le Reich et les Alliés, qui stipule que l’Allemagne se soumettra au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, ce qu’apprend Hitler qui le destitue le 28 avril 1945. Après la capitulation, il tente de fuir avec de faux papiers. Reconnu par l’Armée britannique, il est arrêté et se suicide le 23 mai 1945.
Il suit la pensée armaniste, une théorie politico-religieuse, mélange d’ésotérisme et de germanisme propagée par Karl Maria Wiligut (1866-1946) – un chantre de l’idéologie mystique nazie- que Himmler fit entrer dans la SS où il fut responsable des rites et s’être vu confier des recherches sur la préhistoire des peuples germaniques. Pour Heinrich Himmler, le Hitler de 1936 est le successeur du roi Heinrich l’Oiseleur, roi de Germanie, fondateur du 1er Reich allemand, mort en 936, avec les thèses de pureté de la race et les certificats d’aryanisme.
Rudolf Hess (1894-1987) est une autre figure du nazisme baignant dans l’ésotérisme : Il rencontre Hitler sur le front de la Première Guerre mondiale. En 1919, Hess de retour en Bavière s’oppose activement aux communistes qui essaient d’implanter la révolution bolchévique en Allemagne. A l’université, il rencontre Karl Haushofer, un professeur fasciné par la culture japonaise. Comme Himmler, il adhère au N.S.D.A.P. en 1920, devenant le secrétaire particulier d’Hitler avant d’être nommé « dauphin » puis de rétrograder dans la hiérarchie. Ayant participé à la tentative de putsch de la Brasserie à Munich en 1923, et contrairement au jeune Himmler, il sera emprisonné en même temps qu’Hitler et l’aidera dans sa rédaction du Mein Kampf. Hess participe activement à l’édification des lois antisémites de Nuremberg en 1935. En mai 1941, il se rend secrètement en Ecosse dans le but d’entamer des pourparlers de paix qui éviteront au Reich de combattre sur deux fronts. Capturé, incarcéré, officiellement désavoué par Hitler, il se pendra dans la prison de Spandau le 17 août 1987, où il était devenu le seul détenu, et le plus vieux condamné du monde.
Hess et l’ésotérisme : à la suite de rapprochement d’occultistes et de nazis se forma un courant völkisch, une sorte de paganisme nordique impliquant l’existence d’une race germanique supérieure et ancestrale menacée par les Juifs. Cette mouvance trouva un prolongement dans la création de la société Thulé -Thule Gesellschaft-, un groupe d’études ethnologiques s’intéressant à l’antiquité germanique et au pangermanisme aryen, et dont Hess fit partie. Il était intéressé par le végétarisme et les médecines douces, donc aussi par l’agriculture biodynamique, en suivant la thèse de l’occultiste Rudolph Steiner (1861-1925). S’en suivi la création d’un cercle anthroposophique -un courant pseudoscientifique, ésotérique et philosophique- qui donna lieu à Weleda et Wella, entreprise qui fabriqua du « matériel naturopathe » testé puis appliqué pour torturer les prisonniers dans le camp de Dachau, entreprise aujourd’hui active dans les cosmétiques, les produits de beauté et l’homéopathie. Il est proche des Artamans -Bund Artam- du nom d’une communauté chevaleresque de combattants allemands sur la terre allemande, un mouvement de jeunesse d’extrême droite de la mouvance völkisch qui est une sorte de nouvelle communauté agricole.
Alfred Rosenberg (1893-1946) est un théoricien du nazisme proche de la pensée völkisch et de la société Thulé. Il participa au putsch de 1923 mais fut laissé en liberté. Chargé de l’idéologie au sein du N.S.D.A.P. dont il a été le chef de 1923 à 1925, Rosenberg approfondira les thèses raciales et antisémites. Il sera chargé de la confiscation des biens des Juifs dans les territoires occupés. Il organise avec Himmler une expédition cathare afin de retrouver le Graal. Reconnu coupable au procès de Nuremberg, il sera pendu le 16 octobre 1946.
Otto Rahn (1904-1939) a été bercé de littérature symbolique ; enfant, il habite à Bingen, où se situe la légende autour du Mäuseturm de Bingen (la tour des souris de Bingen). Il rédigera une thèse sur l’œuvre du poète moyenâgeux Wolfram von Eschenbach à la recherche du saint Graal « A la recherche de Maître Kyot », thèse qu’il dédiera à Wagner. Wolfram est avant tout connu pour son Parzival, qu’on considère parfois comme la plus grande de toutes les épopées allemandes de ce temps. Son livre « Croisade contre le graal » n’est pas un grand succès, mais il est transmis à Himmler. Rosenberg croit avoir localisé le saint Graal dans la grotte de Montsalvat, liée à la forteresse cathare de Montségur. Il intègre la SS en 1936 et Himmler finance ses recherches sur un royaume fermé aux non-initiés et aux non-croyants. Mais ses relations avec les SS se dégradent, ayant subi une punition à Dachau en 1937 et incapable de fournir un certificat d’aryanité, ayant une ascendance juive, il annonce sa décision de démissionner de la SS en février 1939 et disparaît mystérieusement le 13 mars de la même année. Sa radiation de la SS intervient 4 jours après sa mort… !
Dietrich Eckhart (1868-1923) est un-touche-à-tout qui ne réussit rien jusqu’à une adaptation très libre de la pièce « Peer Gynt » d’Henrick Ibsen en lui prêtant un côté nationaliste qu’elle n’avait pas à l’origine, avec un personnage proche d’un Faust nordique et de trolls devenus des Juifs, qui est un succès. Succès confirmé avec sa pièce suivante, « Lorenzaccio », qui présente un prince en quête d’un Führer. Il devient un tribun dans les milieux extrémistes et fonde un journal « Auf gut Deutsch » ; il rencontre alors Hitler et devient son mentor. C’est lui qui modèlera Hitler en lui donnant des cours de diction et influencera son discours avec l’apparition des Juifs. Il rassemble deux combats, contre l’internationale bolchevick et contre le judaïsme. Il présente le judaïsme comme un mal nécessaire dont il faut s’accommoder du mieux possible, comme un contrepoids de l’idéal des aryens. Il défend l’idée d’un complot judéo-maçonnique international, déjà mis en avant dans son livre « Le Bolchévisme de Moïse à Lénine, un dialogue entre Hitler et moi », publié en 1924. D’une santé fragile et soigné à la morphine suite à une grave blessure, il était toxicomane.
II – Alchimie, symboles, occultisme et nazisme.
On distingue deux aspects dans l’alchimie, l’alchimie opérative et l’alchimie spéculative. L’alchimie opérative est la plus connue avec la recherche de la pierre philosophale, la quintessence, le raffinage des métaux etc. L’alchimie spéculative traite de la symbolique des trois éléments : le soufre, le mercure et le sel. Après le Moyen-Age où l’alchimie fut métallique (recherche de l’or) à la Renaissance, elle s’oriente vers la santé et l’homme en général.
L’alchimie opérative et les nazis : c’est la recherche de l’or, avec des expériences de transmutation d’un métal vil en or ; c’est l’affaire Markus avec du sable prétendument d’origine du Canada, en fait de l’Isar, qui contenait naturellement des pépites mais que l’expérience prétendait être le résultat d’une transformation du sable en pépites -c’était à Dachau, déjà-, mais aussi le prélèvement de l’or dentaire dans les camps d’extermination.
C’est aussi la philosophie du bonheur avec la mise au point de la pervitine en 1937, aux propriétés psychostimulantes, qui permet de rester éveillé, qui dope la concentration et retarde les effets de la fatigue, bref le composé idéal à ajouter à la gamelle des militaires. Ce serait une des raisons de la Blitzkrieg, avec son pendant de dépendance à la drogue.
Cette recherche de produits miracles trouve son champ avec la médecine anthroposophique, ce courant ésotérique occultiste développé par Rudolf Steiner avant 1925 et récupéré par les nazis.
Le nazisme impose un système de santé particulier. Les notions de « pur » et « impur » avaient déjà été mis en évidence par des savants au XVIIe et XVIIIe siècle. Les nazis ont appliqué ces notions aux « écoles de santé », écoles très spéciales où les valeurs du régime étaient inculquées, comme par exemple l’euthanasie pour les impurs. Sous la république de Weimar, commencent à être enseignées les « sciences raciales », avec entre autres l’eugénisme qui sera appliqué par les nazis, ou encore les « Lebensborn », sorte de fermes à sélection de mise au monde d’êtres de race pure : grands, blonds, … L’éradication de tous les médecins juifs -impurs- provoque un grand vide qui doit être comblé par les nouveaux « médecins ». Ce seront les Heilpraktiker, une sorte de guérisseurs. Les expériences sur les détenus sont menées dans ce but de compréhension pour la régénération de la race. Un lien étroit est établi entre la politique l’obsession de la dégénérescence du pays et de sa population, débouchant entre autres sur la pratique du sport, avec comme objectif le culte du corps, qui mènera aux Jeux Olympique de 1936 ; le nudisme se développe également. Poisons et anti-poisons sont testés sur les détenus des camps dans le but d’étudier des procédés de sélection ; toute technique ou remède qui pourraient être appliqués aux soldats blessés sont testés sur les détenus comme le Polygal, un anticoagulant/cicatrisant, ou encore les expériences d’hypothermie.
L’alchimie spéculative et les nazis : Les nazis ont besoin de symboles ; ce seront le swastika, le drapeau, l’aigle, les runes. Hitler avait vite compris que le langage symbolique était un instrument de combat, et le swastika fut adopté dès 1920.
Le swastika, à l’origine, matérialisait la maternité et la fécondité. On le trouve sur des sites scandinaves ainsi qu’à Troie. Cette croix à quatre branches coudées, dénommée aussi croix gammée, est quelquefois associée au soleil et aux forces cosmiques. Elle peut être aussi interprétée comme un symbole de régénération perpétuelle à la manière de l’ouroboros alchimique ce symbole en forme de cercle figurant un serpent ou un dragon se mordant la queue, mouvement se reproduisant à l’infini. Contrairement aux swastikas antérieurs, la croix gammée est dextrogyre et penchée à 45 degrés.
Dans le drapeau, les spécialistes ont vu la croix gammée de couleur noire comme une représentation du combat, le disque blanc comme correspondant à la pureté de la race et le fond rouge comme étant la pensée sociale dont le parti nazi se glorifiait.
L’aigle était un vieux concept apparu sous les chevaliers teutoniques et repris par la République de Weimar. Une variante avec un aigle à deux têtes avait une signification alchimique mais aussi politique, représentant l’union du spirituel et du temporel en la personne de l’empereur, et donc plus tard celle du Führer. On peut également noter la présence de l’aigle dans les tarots, de couleur blanche, il signifie la régénération, de couleur noire il est présent dans les lames du tarot.
Les runes ne sont pas un alphabet à proprement parler mais plutôt une suite de signes assimilés à des syllabes, et dont l’origine est inconnue. La source en serait divine et les runes seraient une façon de transmettre des messages ; ainsi les Vikings auraient utilisé cette sorte de langage avant le Xème siècle – on parle de Futhark – pour graver leurs prouesses sur des pierres, peut-être comme un moyen de communication avec le monde ésotérique. Les nazis utilisent plusieurs runes comme symbole. Ainsi, la rune-sig, cette sorte de crochet en S signifiant « Sal und Sig », c’est-à-dire santé et victoire, le symbole du génie créateur devant vaincre. Elle fut reprise pour fabriquer le logo des SS. La rune-odel symbolise la possession, les biens matériels, mais aussi l’héritage ou les dons ; c’était le message de la transmission, et comme telle, elle figurait dans le drapeau des Jeunesses hitlériennes. La rune de l’eoh, du culte des morts, fut utilisée par Rudolf Hess.
D’autres symboles que le double S apparaissait sur certains uniformes, comme la « Totenkopf », cette tête de mort qui provenait des troupes prussiennes, elles-mêmes l’ayant empruntée à un ordre de chevalerie avant d’être amalgamée au système concentrationnaire mis en place par le régime nazi.
Le château de Wewelsburg est le siège de l’Ahnenerbe, sorte de société secrète qui officiellement était une société pour la recherche et l’enseignement sur l’héritage ancestral. C’est une construction sur un plan triangulaire, allégorie de la fameuse épée de Longinus, avec une tour ronde au sommet du triangle isocèle. Himmler et les membres de l’Ahnenerbe sont sensibles à la quête du Graal. La présentation actuelle de l’intérieur du château n’est pas sans rappeler les couleurs du nazisme avec ses rouge, blanc et noir.
La société Thulé est née autour de 1919 à Munich par Rudolf von Sebottendorf (1875-1945). Elle regroupe un petit groupe d’hommes qui luttent contre l’implantation de la révolution bolchévique en Allemagne. Certains avaient des sympathies pour l’ésotérisme völkisch et pratiquaient des rites païens. La société Thulé aurait influencé certains futurs noms de la SS dans leur idéologie et aussi dans le choix de certains symboles comme la croix gammée.
Les racines de l’occultisme germanique : Helena Petrovna Blavatsky (1831-1891) est cofondatrice de la Société théosophique prônant la liberté et l’universalité dans la science et dans la religion. Elle y développe le concept de « race-racine- évoluant au sein de différents « continents », le premier étant la Terre ferme ou Terre sacrée impérissable, le berceau du premier homme, et donc de la première race, le deuxième étant hyperboréen (l’Asie du Nord), et recevant la deuxième race, le troisième était appelé « Lémurie », et situé entre Madagascar et Ceylan-Sumatra, le quatrième était l’Atlantide et le cinquième l’Amérique. Les races correspondaient aux « continents ». La race aryenne était la cinquième race en essaimant avec des branches européenne, indienne, asiatique ou grecque, y compris sémitique.
Rudolph Steiner (1861-1925) ne fut pas seulement l’initiateur de l’agriculture biodynamique. Il rencontra la Société théosophique et maria le les ésotérismes chrétien et oriental. Sa pensée était un concentré d’ésotérisme de la Rose Croix -un esprit éclairé, un cœur pur, un corps sain. – mais n’ayant aucun lien avec la race aryenne. La résurrection était pour lui le couronnement de l’initiation.
Avec la montée du nazisme, sont nées des controverses sur le mot aryen, qui signifiait au départ les habitants indo-germaniques de l’Iran et de l’Asie Mineure. Certains prétendirent que cela concernait plutôt la Scandinavie, et au début du XXème siècle il était plus question de race nordique que de race aryenne. Mais sous le IIIème Reich, Aryen eut comme antonyme Juif, et Hitler parla de race juive. Dans « Mein Kampf », il ne définissait pas la race juive tout en vantant la supériorité de la race aryenne. Les conceptions de Helena Petrovna Blavatsky furent déviées par Guido von List (1848-1919) en mélangeant la théosophie et les idées völkisch ; ainsi prétendait-il communiquer avec les esprits et détenir des pouvoirs surnaturels, l’amenant à faire des prédictions étranges pour les années 1923, 1932, ou d’autres encore. Jorge Lang von Liebenfels (1874-1954) avait avancé une théorie sur le Bien -la race aryenne- et le Mal -les races inférieures qu’il fallait éliminer. Tous ces gens étaient d’anciens francs-maçons et avaient donc une culture ésotérique -vague pour certains.
Ainsi étaient-ils affiliés ou à la source de structures similaires comme l’Ordre du nouveau temple ou la Germanenorden (l’ordre des Germains) ou encore la Société de Thulé, fondée par Rudolf von Sebottendorf (1875-1945). Début 1913, le franc-maçon rencontra un avocat appartenant au Germanenorden, une association secrète nationaliste calquée sur les loges maçonniques. A la suite d’une scission apparut une fraction encore plus réactionnaire à laquelle se mêla Sebottendorf qui fit beaucoup de bruit. Ainsi, il réorganisa le Germanenorden en Bavière ; son aisance financière lui permit de diffuser des revues et de recruter des gens. Il fallut alors un autre nom à cette fraction, et c’est ainsi qu’est née la Société de Thulé le 17 août 1918. Après la prise du pouvoir par Kurt Eisner (1867-1919) du Parti social démocrate d’Allemagne en novembre 1918 par le renversement de la monarchie en Bavière, la Société de Thulé fut active, créant une ligue de combat. Sebottendorf fut conscient qu’il lui fallait attirer les masses et donc avoir un programme économique.
Il fit alors la connaissance de Gregor Feder et d’Anton Drexler, les créateurs du D.A.P., qui allait devenir le N.S.D.A.P. (cf. infra Rosenberg). Mais les bolcheviks s’opposèrent aux objectifs de la Société de Thulé, en particulier par la violence puisqu’ils prirent des otages parmi les membres de la société qui furent exécutés, ce qui fut reproché à Sebottendorf. Il préféra s’exiler, ayant compris qu’il ne comptait plus et se suicida. Comme tous les hiérarques du parti, R Hess et W R Darré firent partie de la société mais furent écartés par Hitler qui ne voulait rien devoir à qui que ce fut. Des dissensions internes à la société opposaient Hess et Darré qui considéraient la paysannerie comme la source de la race nordique à Hitler et Himmler qui faisaient des germains de guerriers nomades. Une autre société secrète, la société de VRIL est un groupe dédié à la compréhension d’une force universelle énigmatique qu’ils nomment « vril » un fluide assurant la domination du monde. R Hess en fit probablement partie. Comme Thulé, Vril voulait explorer les origines de la race aryenne mais alla plus loin dans le domaine de l’ésotérisme.
CONCLUSION
L’ésotérisme et la pensée völkisch jouèrent un rôle non négligeable jusqu’en 1923. Le nazisme s’est nourri de ces pensées, mélanges d’ésotérisme, d’occultisme avec des sociétés secrètes et d’alchimie, qu’elle soit opérative ou spéculative, comme la recherche de symboles. Toutes les sociétés ésotériques furent dissoutes en 1942 ; la coïncidence de leur suppression avec le « déplacement » de Rudolf Hess en mai 1941 est frappante.
Les courants ésotériques, comme les thèses anthroposophiques ou la médecine par les plantes se propagent dans les arrière-cours.
Les thèses raciales continuèrent et contribuèrent aux émeutes aux Etats-Unis, sans compter le combat entre la race aryenne d’une part et l’ultralibéralisme avec les Juifs de l’autre.
Bibliographie :
Alchimie, ésotérisme et nazisme, Alain QUERUEL, CABAN éditions, Paris, 2023.
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Un commentaire
Jean-Michel BUCHOUD
Mar 02, 2024
Merci à monsieur Queruel pour tous ces éclairages qui permettent de percevoir comment insidieusement, presque sournoisement, l'idéologie se développe de sociétés secrètes en sociétés secrètes et s'installe jusqu'à devenir le mantra d'état : la race supérieure élue, avec toutes ces conséquences. Un rayon d'espoir : le docteur Kersten, médecin est masseur d'Himmler, sauveur de dizaines de milliers de Juifs et autres personnes. Joseph Kessel "Félix Kersten" ou encore François Kersaudy "La liste de Kersten"