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Christian Marquant
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Mardi 7 janvier 1992
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Mardi 7 janvier, Christian Marquant, Président de l’Association « Clio, les Amis de l’Histoire », nous a fait un exposé sur « les connaissances élémentaires sur le judaïsme ».
Le mot « judaïsme », évoque la représentation d’une réalité contemporaine, sociologique, spirituelle, historique, politique et en même temps, les racines du christianisme, et donc l’histoire extrêmement ancienne, d’un peuple, d’une foi, d’une religion qui nous apparaît comme complexe et souvent mystérieuse.
Qu’est-ce que le judaïsme ?
Au sens strict, le judaïsme est la religion de Juda, l’une des douze tribus d’Israël, des Judéens, habitants de la région de Jérusalem, d’Hébron et de Bethléem à l’époque de l’exil, à Babylone, en 586 av.J.C. (Nabuchodonosor).
Le judaïsme ne peut s’expliquer en dehors du cadre religieux. C’est une foi religieuse, un ensemble de pratiques et de convictions, de rites et de prescriptions morales fondé sur la Bible, sur le Talmud, sur la littérature rabbinique, souvent combiné avec la mystique de la Kabbale.
L’histoire ancienne du peuple d’Israël, des Hébreux, se divise en trois parties :
1 – 18ème siècle av. JC. à 586 av. JC
2 – début du 5ème siècle av.JC. jusqu’à 70 ap. JC.
3 – 70 ap. JC.….…
1 – Dieu se révèle à Abraham (18ème siècle av. JC.) jusqu’à la destruction de Babylone (586 av. JC.) :
Cette période s’étend sur près de douze siècles. C’est l’installation du peuple d’Israël en Égypte, dont on connaît mal l’histoire évènementielle, et sa fuite d’Égypte. C’est l’époque de l’apparition du personnage charismatique de Moïse.
À cette période, ce peuple prend le nom d’Hébreux, terme qui signifiait « esclave ». Moïse fait vivre son peuple, pendant quarante ans, dans le désert. Au cours de cette période a lieu la deuxième grande rencontre entre Dieu et son peuple sur le Mont Ores (et non sur le Mont Sinaï).
Le peuple d’Israël s’installe ensuite dans le pays de Canaan (actuel territoire de l’état d’Israël, avec une partie du Liban et de la Jordanie).
David et son fils Salomon installent une monarchie.
Jérusalem, la capitale, devient le centre de la religion d’Israël. À la mort de Salomon (930 av. JC.), le royaume se scinde en deux :
– au sud, le royaume de Juda autour de Jérusalem avec une tribu,
– au nord, le royaume d’Israël avec les onze autres tribus.
Le royaume d’Israël tombe alors un peu en déliquescence, aussi bien d’un point de vue économique et politique que moral et spirituel.
L’indépendance des tribus d’Israël est interrompue d’une manière définitive en 586 av. JC. par l’exil. Jérusalem est rasée et le temple de Salomon détruit. C’est la fin de l’existence du culte d’Israël.
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Jérusalem et le temple de Salomon
Que savons-nous de la religion ancienne d’Israël ?
Peu de chose. On sait que Dieu s’est révélé à Abraham. Il lui demande de le reconnaître comme Dieu et de lui être fidèle. Cette fidélité est la foi des patriarches.
On connaît mal les pratiques cultuelles. Elles sont peu compatibles avec ce que deviendra plus tard la religion d’Israël et le judaïsme. Il n’y a pas de préceptes moraux très stricts.
Il faut attendre la deuxième rencontre entre Dieu et Moïse pour que Dieu donne son nom Yahvé et dicte une loi morale : les tables de la loi.
Pendant cette période, les Israélites vénèrent Yahvé, et vivent en communauté avec les populations cananéennes. Ils ne tardent pas à subir l’influence des populations indigènes. Il y a compromissions, mariages mixtes, cultes conjoints. . Les prophètes contemporains à l’époque de la destruction de Jérusalem tiennent un discours ambigu. Ils considèrent Nabuchodonosor comme la main de Dieu qui a voulu punir son peuple infidèle.
Les pieux d’Israël exilés ne sont donc pas révoltés mais demandent le pardon à Yahvé. Ils essaient de réorganiser leur foi en la codifiant. Le peuple se soumet alors à des règles strictes, qui devaient exister avant, mais n’étaient ni systématiques, ni obligatoires.
La circoncision est pratiquée au Proche-Orient par les juifs et les non-juifs (Cananéens, Égyptiens) à Babylone. Aussi, à partir de l’exil, on l’interprète comme le signe de l’alliance entre Abraham et Yahvé. La circoncision apparaît alors comme le signe physique de l’attachement à la foi de Yahvé.
Le Sabbat, les lois relatives au mariage, à l’éducation des enfants, à la nourriture… se mettent en pratique.
Ces lois ont deux finalités :
– se soumettre à la loi de Dieu
– être un moyen de survivre pour la communauté
Les Babyloniens sont anéantis et remplacés par les Perses qui ont de bonnes relations avec les Israélites qui accèdent aux plus hautes instances du pouvoir. Les Perses permettent aux Israélites de revenir au pays de Canaan. Mais beaucoup ne voudront plus repartir. C’est pour cela qu’il y a toujours eu de très grandes communautés juives en Babylonie (Irak actuel).
Néhémie et Esdras rebâtissent Jérusalem et son temple et imposent leur mode de foi que l’on va appeler le judaïsme, c’est à dire la religion d’Israël telle qu’elle est vécue et codifiée par Juda, les Judéens, c’est à dire par les prêtres et les sages pendant l’exil.
Le judaïsme se caractérise par le respect d’une loi sociale et morale très stricte (sabbat, circoncision,.….). Les juifs tiennent un culte public à Jérusalem. On y offre des animaux en sacrifice (holocauste).
2 – Début du 5ème siècle av. JC. jusqu’à 70 ap. JC. :
La religion juive se divise en 164 av.JC. Le temple est profané par un successeur d’Alexandre le Grand : Antiochus IV Épiphane. Il interdit le culte de Yahvé et installe celui de Zeus. Il condamne à mort tout juif qui pratique la loi d’Israël. Cela dure un an (« l’abomination de la désolation » – livre des Macchabées). Une persécution religieuse s’abat sur les couches populaires rétives à l’hellénisme.
La révolte éclate en 168 av. JC. dans le village de Modin dont les habitants massacrent le détachement royal chargé d’imposer l’hellénisation. Les chefs de la résistance d’abord, de l’insurrection populaire ensuite, sont des Macchabées (de l’araméen Maqab, marteau).
La guerre populaire dure vingt ans. Jérusalem est libérée, le Temple purifié est rendu au culte du Dieu d’Israël. Les juifs sont divisés. Apparaissent les pieux, les Pharisiens (Hassidims) qui se détachent du sacrifice sanglant et évoluent vers un respect de plus en plus strict de la loi.
Quant aux prêtres, Sadducéens, ce n’est pas leur intérêt d’interrompre le culte sanglant, qui est pour eux une source de revenus.
Il y a également le courant Ba Sadducéens ptiste qui évolue vers le pardon de Dieu grâce au baptême.
Les Esséniens sont en révolte contre les prêtres de Jérusalem. lis mènent une existence isolée dans le désert, obéissant à une règle, suivant un calendrier religieux différent de celui du Temple. Les Manuscrits de la Mer Morte découverts en 1948 ont permis de connaître leur principal établissement Qumran, où leur temps se partage en travail, études et prières, et où ne sont admis, après un difficile noviciat, que les âmes d’élite.
Lorsque le Christianisme apparaît, le judaïsme est en pleine crise. Jésus apparaît comme un rabbin de plus.
A cette époque, il existe un courant « apocalyptique ». C’est une vision de la fin du monde. L’apocalypse de Saint-Jean n’en est qu’une parmi beaucoup d’autres.
Le peuple juif attend le Messie, le libérateur d’Israël.
Quarante ans après la mort de Jésus, la prédiction chrétienne se développe, les Romains, à la suite d’une révolte juive importante détruisent le temple de Jérusalem. C’en est fini de l’existence politique et religieuse organisée en Israël.
Les Romains n’étaient pas « anti-juifs ». Ils avaient réprimé une révolte politique en Palestine. Ceux qui n’avaient pas été associés à cette révolte n’ont pas été persécutés. Flavius Josèphe a consacré sa vie, à Rome, à être l’apologiste de la foi juive.
3 – De 70 à nos jours :
Les juifs sont dispersés à travers tout l’Empire.
Seuls les Pharisiens survivent à la catastrophe de 70. Depuis lors, leur parti s’identifie au judaïsme.
Ce n’est que sept siècles plus tard qu’apparaissent les « karaïtes ». Héritière du pharisianisme, la classe des rabbins (le mot signifie maître ») se recrute dans un large éventail social. Durant près de quatre siècles, cependant, le judaïsme palestinien est dirigé politiquement et religieusement, par un « patriarche », en principe descendant de David. Le savoir traditionnel fonde l’autorité des rabbins. Le centre de la vie juive est désormais l’étude de la loi. Plus encore que la Bible, la tradition orale doit être enregistrée par la mémoire et constamment répétée. On discute les traditions divergentes et l’on détermine les interprétations acceptables ; puis on fait un choix parmi celles-ci, en fonction des diverses situations de la vie quotidienne, considérée dans tous ses détails.
Le Rabbin est aussi un guide spirituel. Il est responsable de la foi du peuple.
Au 2ème siècle, on éprouve le besoin de systématiser ce qu’avait produit l’exercice de la charge rabbinique.
L’un des recueils constitués acquiert force de loi, la Mishna. Ce document devient matière d’enseignement de base. Bien des commentaires lui sont adjoints, élucidations et décisions sollicitées par les situations nouvelles.
Tout ce matériau est élaboré dans des écoles de Palestine et surtout de Babylone, où les juifs jouissent d’une situation généralement favorable. On l’ordonne et on la rédige en lui annexant une masse abondante d’aggada (homélie). C’est le Talmud.
Le Talmud palestinien est rédigé vers 400 en Palestine, le Talmud babylonien, au cours des deux siècles suivants, en Babylonie.
Vers l’an 1000, les rapports entre juifs et musulmans se détériorent en Babylonie.
Sous le califat de Cordoue, le nouveau centre du judaïsme est l’Espagne Sépharade. Les communautés espagnoles jouissent d’une grande prospérité. En 1136, l’invasion des Almoravides, qui prescrivent le judaïsme en Andalousie, met un terme à près de cinq siècles de civilisation juive en Espagne arabe. Les juifs s’installent en Afrique du Nord, en Europe Occidentale, en Italie en Grèce, dans l’Empire Ottoman et en Égypte.
Au 15ème siècle, le grand Rabbin Joseph Karo, écrit un livre : « La table dressée », qui indique la façon de diriger sa vie à la manière Sépharade. Tandis qu’en Allemagne, le Rabbin Moshé Isserless écrit un livre qui enseigne la façon de diriger sa vie à la manière Ashkénaze (Allemagne en Hébreu).
Deux grands courants se créent :
. Sépharade
. Ashkénaze
À l’aube des temps modernes, le judaïsme traverse une période de désespérance. Après l’assemblée de Jahwé où l’on croit que le Messie va venir, après la chute du patriarche de Babylone et de l’Espagne juive, beaucoup de juifs sont désespérés.
Entre les 17, 18 et 19ème siècles, trois courants se développent et vont marquer le monde juif :
. la Kabbale : le nouvel ésotérisme se réclame d’une tradition aussi antique, sinon plus, que la loi révélée.
. le Messianisme au 18ème et 19ème siècles. En Pologne, au 19ème siècle, plus de deux cents personnes ont affirmé être le Messie.
. Le Sionisme et intégrationnisme : à la fin du 19ème siècle, aux USA, en France et en Angleterre. Les juifs jouissent d’une liberté qu’ils n’avaient jamais eu auparavant. Le courant intégrationniste est majoritaire. En revanche en Europe de l’Est, les juifs subissent une grande vague antisémite.
Le sionisme politique trouve sa formulation dans l’État juif du journaliste hongrois Théodore Herzl (1896).
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Prenant acte de la réalité historique de l’antisémitisme en tout pays où les juifs vivent en nombre, le sionisme dégage la loi suivante : l’émigration à partir d’un pays de persécution vers un havre devenant à son tour un foyer d’antisémitisme, la solution est dans l’octroi aux juifs d’un territoire qui leur appartienne en propre. Herzl estime que le but sera atteint par des négociations du peuple juif avec les nations. L’atmosphère haineuse de Paris lors du procès de Dreyfus a été un facteur déterminant de l’évolution des idées de Herzl.
Un survol rapide d’environ quarante siècles le temps d’une conférence, ce fut un exploit ; Monsieur Marquant a promis de revenir pour approfondir le sujet.
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