Thème: HISTOIRE Mardi 7 février 2012
L’EMPIRE OTTOMAN – Soliman le magnifique
Par Madame Annick Leclerck – Chargée de cours à l’école du Louvre en arts de l’Islam.
Une famille dans l’Ouest de l’Asie mineure à la fin du XIIIème siècle, dont l’ancêtre s’appelle Osman, va établir une lignée, celle des Ottomans. Vers 1300, Osman bat les armées de l’empereur de Byzance, ex Constantinople. Un état turc commence à naître. La même lignée conquiert Constantinople en 1453 (aujourd’hui « Istanbul ») et y établit sa capitale.
Là se situe l’époque de Soliman (1520-1555): il devient le nouveau sultan. La Turquie est une nation forte. l’Empire est alors très vaste. Il s’étend des Balkans à Vienne en Autriche jusqu’au golfe arabo-persique avec l’Irak, en passant par la mer rouge avec la Syrie et l’Egypte et le nord de l’Afrique avec Alger. L’Empire ottoman est une armée avant d’être un état. Dans cette armée, il y a les janissaires, la troupe d’élite, essentiellement des esclaves d’origine chrétienne islamisés. En 1520, l’empire ottoman est fort et riche. Sa position est inégalée dans le monde de l’Islam.
Il existe des liens cordiaux entre les ottomans et les français, artistiquement et commercialement, l’apogée se situant au XVIème siècle sous le règne du fils de Soliman, Sélim II.
Les finances de Soliman prospérant, il s’entoure d’objets précieux et inaugure une politique de construction qui marquera son empreinte à jamais à Constantinople. Le souverain vit dans un palais grandiose, « Topkayen », œuvre de toute beauté que nous visitons ici :
1- Palais de Soliman à Istanbul « Topkayen »
Situé au début du Bosphore, de la corne d’or et de Marmara, cet endroit extraordinaire est bordé par l’eau. Il possède une situation dominante avec des pentes douces et des jardins. L’endroit est enclos de murs. A l’intérieure, se présentent autant de zones publiques que privées. Les marchands entrent au palais à cheval, mais ont l’obligation dès la 2ème porte de mettre un pied à terre. La seconde cour est semi-publique. C’est le siège de l’administration et le bureau du Vizir, gendre du sultan ; le sultan y est quasiment invisible sauf lors des réceptions d’ambassadeurs et le vendredi lors de la prière à la grande mosquée ainsi que lors des départs ou retours de guerre. Dans la 2ème cour se situent aussi les cuisines avec d’immenses fours. Tous les jours on y nourrit des milliers de personnes du personnel.
Le sultan délègue son gouvernement à des ministres de classe servile, tels les grands personnages de cour, pris dans le monde turc : dans les villages des Balkans, on choisit les plus forts et les plus brillants mentalement, on les instruit et on les convertit. Ce sont des chrétiens convertis à l’islam et formés dans l’administration ou les métiers de guerre. Bien souvent, ils deviennent les têtes pensantes dans le gouvernement ou l’armée d’un souverain. C’est l’administration des ottomans dont l’élite parvient aux honneurs et à la fortune qui forme les esclaves de l’armée dévoués au sultan jusqu’à la mort. Derrière l’administration se situe le harem. Il existe une 3ème porte dans le palais derrière laquelle se situe le trône. Un édifice juste derrière la porte barre la vue de la cour : le souverain y accueille les ambassadeurs ; dans la cour se situent les écoles des jeunes pages élevés dans une instruction poussée. Ils n’ont pas le droit de parler. Comme le silence est total, se développe le langage des signes.
La 4ème zone est dotée de petits pavillons et d’édifices de plaisance superbement décorés. C’est là où le souverain se repose. Derrière, il y a les jardins pentus. Chaque année, on fait venir des bulbes de fleurs de tout l’empire. La tulipe a été introduite en occident ainsi : l’ambassadeur de Charles Quint a été subjugué par le dessin d’une fleur sur une carafe, qui n’était autre qu’une tulipe. Il est reparti avec des bulbes de tulipe. Lui-même les transmettra par la suite en Hollande.
Dans la 4ème zone se situe aussi la salle des circoncisions. Lors de la circoncision d’un prince, on désigne aussi d’autres enfants du peuple. Cela donne lieu à d’immenses festivités qui durent plusieurs jours avec défilé des corporations des divers métiers.
Une tour domine dans le palais, la tour de la justice avec vue sur la capitale et le harem. Le harem est protégé par des eunuques. On y protège les épouses du souverain, les concubines et les autres femmes d’origine servile affranchies et converties. Elles ne sont pas toutes les maîtresses du sultan. La reine mère a le dernier mot sur le choix de la femme ; il existe tout un rituel de présélection. Les femmes doivent baisser les yeux devant le souverain. La mère désigne la femme, le souverain fait tomber un mouchoir devant la jeune-fille. Les femmes reçoivent des grades. L’avancement social est progressif, elles ont chacune une fonction : couturière, nourrice etc.
Les jeunes princes sont mis en cage dorée dans des appartements privés. Le droit d’aînesse n’existe pas.
2- Les Objets d’art du 16ème siècle
Des objets d’art très précieux décorent les lieux. Des feuilles mortes peuvent devenir des supports de calligraphie. Des écailles de tortue et de nacre décorent les volets marquetés ; les portes sont en bronze et des vitraux ornent les pièces. Il existe des techniques de céramiques étonnantes entre le 15ème et le 18ème siècle, avec des matières et des couleurs originales. Le bleu profond cobalt est à la mode depuis que les mongols ont envahi la chine et l’Iran au XIVème siècle. Le décor bleu et blanc apparaît. Ce goût est caractéristique en terre d’islam, le décor est souvent saturé. En 1530, la tendance est à la polychromie avec un mélange bleu cobalt/ turquoise. En 1555, lors de la construction de la grande mosquée de Soliman, la nouvelle couleur est le rouge tomate, puis le vert émeraude sur les murs. Les pierres précieuses sont dures ou semi précieuses. Il existe par exemple des plumiers en cristal de roche. Quant aux textiles, la mode est au kaftan : costume d’une pièce. Les tissus sont en soie tissée et non brodée ;il existe une chemise talismanique en cas de guerre, qui sert de protection.
Dans le palais, il existe des ateliers avec des artisans. Ce sont les ateliers royaux de soierie et autres. Au XVème siècle, Mekmet’ le conquérant qui parlait plusieurs langues a fait venir des peintres italiens à la cour. Le coran interdit l’idolâtrie mais pas la représentation figurative.
Pour en savoir plus…
« Soliman le Magnifique ». Par André Clot chez fayard.