JACQUELINE AURIOL

Thèmes: Histoire, Sciences                                                                                                                      Conférence du mardi 23 novembre 2021

JACQUELINE AURIOL

Par Madame Pierrette DUPOYET, comédienne, auteure, metteur en scène.

INTRODUCTION

Jacqueline Auriol est une des plus célèbres aviatrices européennes. Elle est la deuxième pilote d’essai en France après Adrienne Bolland. Sa vie personnelle tout comme professionnelle est empreinte de courage et de ténacité.

Issue d’une famille bourgeoise de province, elle devra lutter pour poursuivre son rêve de voler « c’est pas pour les filles ». Victime d’un très grave accident d’aviation, Jacqueline Auriol subira une vingtaine d’interventions chirurgicales, toutes très douloureuses. Elle surmontera toutes ces épreuves et reprendra courageusement le pilotage. Elle battra alors de nombreux records, stimulée par la compétition avec l’américaine Jacqueline Cochran de dix ans son aînée. Elle obtiendra de nombreuses distinctions aussi bien en France qu’à l’étranger.

I – Brève biographie

Jacqueline Auriol née Jacqueline Douet est née le 5 novembre 1917 à Challans (Vendée). A 16 ans elle fait son baptême de l’air mais n’est pas passionnée par l’aviation. Elle rêve dans un premier temps d’être pilote automobile. Sa mère, très stricte, s’y oppose vivement mais elle a le soutien de son père dont elle est très proche du fait du handicap physique de ce dernier.

Qualifiée de garçon manqué par sa mère, la jeune Jacqueline aime grimper aux arbres alors que son frère reste au sol. Plus tard elle dira que lorsqu’elle pilotait elle revivait les sensations de cette époque.

Après des études secondaires elle étudie à l’Ecole du Louvre et devient décoratrice. Très belle, elle travaille aussi comme mannequin. Elle épouse Paul Auriol, fils du futur Président de la République, Vincent Auriol,  en février 1938. En 1947 elle s’occupe de la décoration de certaines pièces de l’Elysée après l’élection de son beau-père.

Lors d’un cocktail mondain, elle rencontre le colonel aviateur Pierre Pouyade, ancien du groupe de chasse Normandie-Niemen à qui Paul Auriol suggère d’inviter Jacqueline à un vol d’essai. Le colonel sceptique et un peu misogyne accepte pensant qu’elle ne viendrait pas. C’est mal connaître Jacqueline Auriol qui se rend à St-Cyr-l’ Ecole et monte sans hésiter dans l’avion. Le colonel bien décidé à lui donner une bonne leçon fait durer le vol plus de trente minutes alors que normalement il n’excède pas dix minutes et réalise de très nombreux loopings. Jacqueline est malade mais cache ses maux et à la descente de l’avion affirme qu’elle va passer ses brevets.

Ainsi, en 1948 elle passe ses brevets, premier et second degré en quelques mois, ce qui est remarquable. Elle se met à lire toutes les biographies des pionnières de l’aviation notamment celle d’Adrienne Bolland et d’Elisa De Laroche.

Son moniteur est Raymond Guillaume, ancien instructeur de la célèbre Patrouille d’Etampes, plus tard Patrouille de France, qui deviendra son meilleur ami et soutien.

Le 11 juillet 1949, passagère lors d’un vol d’essai d’hydravion SCAN 30, elle est victime d’un terrible accident lors sur la Seine entre Meulan-en-Yvelines et Les Mureaux ; elle en réchappe mais reste totalement défigurée. Raymond Guillaume qui était à l’arrière de l’hydravion piloté par l’Américain Paul Mingam, n’est que légèrement blessé et sauvera Jacqueline de la noyade.

Devenue une véritable « gueule cassée », elle n’a plus ni bouche, ni nez, ni oreilles ; il lui reste les yeux, car les nerfs optiques n’ont pas été sectionnés. Jacqueline Auriol subira une vingtaine d’opérations de reconstruction. Persévérante et fière, elle refuse de voir ses deux fils avant de retrouver un « vrai » visage. Elle lutte afin de réaliser son rêve : faire de l’aviation un métier à part entière. Sa famille et surtout sa mère cherchent à la convaincre de ne jamais repiloter.

Et pourtant elle revolera.

En 1952 elle bat un premier record de vitesse féminin, d’autres records suivront comme celui notamment de dépasser le mur du son en 1953.

Elle meurt le 11 février 2000 à Paris.

II – Une battante hors norme.

Si l’on devait choisir un seul adjectif pour caractériser Jacqueline Auriol « battante » serait approprié. En effet, elle avait déjà dû s’imposer pour voler, puis surtout surmonter son terrible accident. Hormis les souffrances physiques, elle doit surmonter plusieurs souffrances morales. Tout d’abord supporter le fait d’avoir été une femme très belle -la plus belle femme du monde- et d’être maintenant défigurée. Mais aussi subir l’infidélité de son mari et l’absence de ses enfants qu’elle refuse de voir avant d’être guérie. Elle souffre aussi de l’absence de contacts physiques.

Son séjour à l’hôpital Foch de Suresnes est particulièrement pénible du fait de l’isolement et des chambres capitonnées nécessaires pour atténuer les hurlements de douleurs des patients, tous mutilés de guerre. Durant cette période, seul Raymond Guillaume, son instructeur, vient la voir tous les jours et la soutient. Elle tient bon et se fixe l’objectif de piloter à nouveau. En cachette, elle fait tous les jours des exercices qui lui permettront de pouvoir repiloter.

Ayant retrouvé un visage, Jacqueline entre à 34 ans dans le célèbre centre d’essais de vol de Brétigny-sur-Orge avec toujours Raymond Guillaume comme instructeur. Elle prend en main le « Vampire » que la France vient de commander à la Grande-Bretagne.

Le 21 décembre 1952, elle bat le record de vitesse féminin sur un avion à réaction Mistral à la vitesse de 855 km/h, l’Américaine Jacqueline Cochran lui reprend ce record le 20 mai 1953 à 1050 km/h. C’est le début de ce que la presse a appelé « la guerre des Jacqueline ». Toujours aussi déterminée, Jacqueline persévère et le 15 août 1953 elle devient la première Européenne à franchir le mur du son, à bord d’un Mystère II.

Jacqueline Cochran alors vice-présidente de la Fédération Aéronautique Internationale, fait tout pour conserver son titre de femme la plus rapide du monde et annonce en mai 1955 que les records féminins seront abolis le 1er juin de la même année. Mais, Jacqueline, toujours très déterminée, reprend le record de vitesse avec 1151 km/h sur Dassault Mystère IV le 31 mai 1955 contraignant sa rivale à revenir sur sa décision.

La compétition continue de plus belle et le 7 avril 1961, Jacqueline Cochran porte le record à 1262 km/h.

Le 22 juin 1962, Jacqueline porte le record féminin du 100 km en circuit fermé à 1849 km/h sur Mirage III C puis à 2038 km/h sur Mirage III R. La société Dassault lui demande de réaliser des records sur l’avion d’affaires Mystère 20. La ténacité de Jacqueline a été payante, elle a la confiance de grands constructeurs aéronautiques dans un domaine quasi exclusivement masculin.

Le temps passe et elle arrête de piloter à la fin des années soixante et vit alors dans l’anonymat.

En 1975, Madame Dupoyet, alors qu’elle jouait dans un théâtre du Quartier Latin sort un soir après une représentation prendre un café avec d’autres artistes, là une dame couverte d’un large chapeau lui parle de sa vie qui semble être identique à celle de Jacqueline Auriol. N’ayant pas dit son nom. C’était Elle ?

A sa mort en 2000, le Président de la République, Jacques Chirac, dira de Jacqueline Auriol : « Cette grande dame a incarné pour les Français, pendant des décennies, le courage et la modernité […] ».

Ses exploits seront couronnés par de nombreuses décorations nationales (Légion d’honneur en 1952, Grand-croix de l’ordre national du Mérite en 1997 et Ordre du Mérite sportif) et internationales. Elle reçoit également des prix et des diplômes comme le diplôme Paul Tissandier de la Fédération aéronautique internationale en 1952, le trophée Harmon décerné par les Etats-Unis pour ses records de vitesse et enfin le prix Icare de l’association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace en 1963.

CONCLUSION

Jacqueline Auriol a été l’une des plus brillantes aviatrices de son temps. Pourtant, elle n’a pas eu les honneurs qu’elle méritait. Elle a su s’imposer dans un domaine réservé aux hommes avec des exploits inouïs. De nos jours, quelques établissements scolaires portent son nom ; en 2003, la Poste a édité un timbre à son effigie.

NB : Madame Dupoyet, a créé un spectacle JACQUELINE AURIOL ou le ciel interrompu présenté au Festival d’Avignon en juillet 2017 au Théâtre La Luna, – auteur et interprète Pierrette Dupoyet, mise en scène Pierrette Dupoyet, personnage Pierrette Dupoyet -,   et qui retrace la vie de celle qui avec d’autres ont fait de leur parcours un encouragement à se battre pour faire triompher la Vie. Ce spectacle a été repris de nombreuses fois depuis, et fait l’objet de nombreuses conférences.

 

+ de 1000 textes des conférences du CDI sont disponibles sur le site du CDI de Garches  et via le QRCode   

Un commentaire

  • Jean-Michel BUCHOUD

    Dec 05, 2021

    Reply

    Pierrette Dupoyet nous a offert un moment de grande humanité. Elle a réussi à faire passer beaucoup d'émotions. Bravo et merci. Signalons qu'au moment de l'entrée au Panthéon de Joséphine Baker, Pierrette Dupoyet propose un spectacle "Josephine BAKER, un pli pour vous" qui remporte un grand succès, après avoir été présenté au Festival d'Avignon.

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