Thème : HISTOIRE Mardi 6 Janvier 2009
Par Isaure de Saint Pierre – Journaliste et romancière
On a longtemps pensé que Virginia de Castiglione (1837-1899) n’était qu’une de ces cocottes illustrées par Emile Zola dans Nana, une de ces femmes dont l’existence consistait à ruiner les riches messieurs qui s’éprenaient d’elles. La réduire à ce rôle serait une erreur. La Castiglione passait pour être une des plus belles femmes de son temps, les hommes en étaient fous, et elle fut la « reine » de Paris pendant deux ans, le temps que dura sa liaison avec l’empereur Napoléon III. La lecture de sa correspondance avec certains hauts dirigeants internationaux du XIXe révèle une femme passionnée de politique, qui a beaucoup fait pour l’unité de son pays d’origine, l’Italie.
Utilisée à des fins politiques
Virginia Oldoïni naît le 22 mars 1837 à Florence dans une vieille famille de la noblesse locale, elle est la fille du marquis Filippo Oldoïni. Ses parents sont désunis, sa mère multiplie les conquêtes masculines et délaisse sa fille. Heureusement pour elle, son grand-père lui offre les services d’un précepteur, ce qui permet à la jeune Victoria de bénéficier d’une bonne éducation. Quand son père est nommé diplomate à Paris, elle attend avec impatience ses lettres évoquant la Ville lumière, les grands bals de l’époque, Offenbach. C’est pour elle, qui s’ennuyait à Florence, une grande source d’amusement.
Alors qu’elle se trouve un été dans la résidence familiale de La Spezia, au bord de la mer, elle fait la connaissance de François de Castiglione. Ce bel homme a découvert la jeune femme grâce un portrait d’elle que sa mère fait circuler à Florence (bien que mauvaise mère, elle n’est pas jalouse de la beauté de sa fille dont elle vante un peu partout les mérites). Virginia, qui ne connaît rien de la vie, tombe sous le charme de ce grand blond sans caractère, s’imagine que c’est le grand amour tel qu’elle l’a lu dans les livres, et l’épouse trois mois plus tard. Elle n’a que dix-huit ans quand elle donne naissance à son unique enfant, Georges, qu’elle élèvera aussi mal qu’elle le fut elle-même.
Cavour, premier ministre de Victor-Emanuel roi du Piémont et cousin de Virginia de Castiglione, décide d’utiliser les charmes de la jeune femme comme atout politique. Il veut que Napoléon III se rallie aux vues de Victor-Emanuel, qui cherche à unifier l’Italie sous l’autorité du Piémont. En ce milieu de XIXe siècle, l’Italie est un pays morcelé en régions et villes-Etats, dont une partie du territoire est occupée par les Autrichiens.
L’époux de Virginia est nommé à Paris. Ni lui ni elle n’ont conscience d’être utilisés, d’autant moins qu’elle se passionne pour la cause de l’Italie et que sa démarche est sincère. Peu de temps avant de partir, elle était devenue la maîtresse de Victor-Emanuel… Mais plus qu’un amant, le futur roi d’Italie est un ami et un appui, et sera toujours là pour elle. Virginia arrive à Paris à l’âge de dix-neuf ans. Elle est introduite par Joseph Poniatowski dans la société parisienne, une société où tout le monde s’observe et où il ne faut pas faire de faux-pas. Pourtant, sa première rencontre lors d’un bal avec Napoléon III se passe mal. Elle arrive en retard, ce qui met l’empereur de mauvaise humeur. Son premier commentaire sur elle : « Elle est très belle mais très sotte. » En fait, elle est loin de l’être…
Quelque temps plus tard, lors d’un déjeuner champêtre organisé au château de Villeneuve l’Etang, on remarque que l’empereur et Virginia se sont absentés ensemble sur un canot pour rejoindre une petite île. Pendant que la fête bat son plein et que l’impératrice Eugénie danse, Napoléon III et la jeune italienne entament une relation, comme peut laisser à penser l’état chiffonné de la robe de Virginia à leur retour.
Une « reine » déchue
D’abord installé rue de Castiglione (un aïeul de François), le jeune couple déménage avenue Montaigne grâce à l’empereur. C’est plus pratique pour Napoléon III de venir y rejoindre discrètement la jeune femme quand son mari est absent. Lors de ces rencontres, elle plaide la cause de l’unité italienne, la nécessité d’en faire un état fort autour du roi du Piémont. Napoléon III est assez séduit par l’idée mais plusieurs difficultés le retiennent d’agir : il faudrait rassembler une armée et déclarer la guerre à l’Autriche, ce qui est d’autant plus délicat qu’il entretient des liens amicaux avec l’empereur François-Joseph, époux de la belle Sissi.
L’un des défauts principaux de la Castiglione est son manque de discrétion. Elle apprendra vite à ses dépends qu’il ne faut pas s’afficher comme la favorite de l’empereur. L’impératrice Eugénie fit une scène terrible à Napoléon III pour avoir offert une magnifique parure en dentelle à la jeune femme. Un jour, déguisée en Dame de cœur, Virginia commit encore l’imprudence de recevoir des invités avec cette parure, affichant de fait sa liaison avec l’empereur. Eugénie obtint de lui qu’il renvoie la jeune femme de la cour.
A tout juste vingt et un ans, Virginia a l’impression que sa vie est finie. Elle a divorcé d’avec son mari, qui s’est ruiné pour elle et qui est reparti en Italie. Elle vit d’expédients, seule avec son fils. Certes, elle continue à avoir des amants, dont certains se ruineront aussi pour elle (le banquier Lafite, Joseph Poniatowski…) mais, à son grand regret, elle n’a plus la même influence. Elle continue pourtant à voir Cavour, elle connaît Thiers, écrit à des dirigeants comme Bismarck, qui lui répondent. Sa correspondance montre un esprit brouillon, confus, mais elle continue à séduire par son érudition et ses intuitions politiques.
Sa fin de vie est triste. Son fils, qui s’était brouillé puis réconcilié avec elle, meurt accidentellement à vingt-quatre ans sans descendance. Dans l’espoir de laisser une trace de sa beauté passée, elle pose pour des photographes, dont Nadar, mais l’effort est assez vain. Quand elle meurt à Paris en novembre 1899, elle pense être ruinée, aucun argent ne lui provenant plus de ses exploitations italiennes. En fait, elle est très riche, comme le découvriront ses neveux, mais elle l’ignore.
Il n’en demeure pas moins que c’est grâce à cette femme que Napoléon III s’est intéressé à la cause de l’unité italienne. La Castiglione a marqué son époque, elle était une femme aux sentiments patriotiques ardents, ayant des idées modernes pour l’époque, et dont la personnalité ne se limite pas au statut de favorite d’un roi et d’un empereur.
En savoir plus …
Coté livres :
La Dame de coeur
Un amour de Napoléon III
Auteur : Isaure de Saint Pierre
Éditeur : Albin Michel
ISBN-10: 2226173633
http://www.evene.fr/livres/livre/isaure-de-saint-pierre-la-dame-de-coeur-24647.php
Coté Web :
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Castiglione
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Louis_Pierson
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