LA LIBERATION DE PARIS – Première partie : l’insurrection

Thème : HISTOIRE                                                                                                                                                                    Mardi 17 Novembre 2009

La libération de Paris – Première partie : l’insurrection

Par Yves Bodin – Président du C.D.I. – Maire honoraire de la ville de Garches

La libération de Paris fut, à l’échelle de la Seconde guerre mondiale, un épisode limité sur un strict plan militaire, mais un événement considérable sur le plan politique et pour l’histoire de France. La réussite de ce soulèvement tient en fait à la conjonction de nombreux éléments, souvent sans liens les uns avec les autres.

Paris, début août 1944. Les Parisiens attendent fébrilement, depuis le débarquement allié du 6 juin, que leur ville soit libérée des forces allemandes. Les Parisiens sont avides d’informations mais les nouvelles sont rares. Radio-Paris (« Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand » chante-t-on sur la BBC) diffuse des informations fausses. Quant à celles diffusées depuis Londres –brouillées par les forces d’occupation –, elles doivent  passer sous les fourches caudines de la censure militaire. Les alertes aériennes sont fréquentes et les Parisiens ont l’obligation de se rendre aux abris.  Par ailleurs, ils connaissent des difficultés pour se nourrir, les ravitaillements sont insignifiants et il faut se débrouiller avec le marché noir (qui coûte cher) ou en allant s’approvisionner en grande banlieue à prix d’or. En fait, Paris subit un véritable blocus. L’ouest de la France est zone interdite : tous les Parisiens qui fréquentent habituellement les côtes de la Manche ou de l’Atlantique ont interdiction de s’y rendre. Dès le 10 août, le métro est bloqué, il n’y a pas non plus de bus, donc on reste sur place tandis que les ragots les plus spectaculaires circulent. Malgré tout, les cinémas et les cabarets resteront ouverts et on continue à se distraire sur les grands boulevards.

Les forces en présence

Les alliés ont progressé difficilement depuis le 6 juin. Le 10 août, le commandement américain se trouve aux alentours de Laval. Pour Eisenhower, l’urgence est de faire progresser les troupes le plus vite possible vers l’Allemagne pour prendre de vitesse l’armée Rouge. Son plan du 2 août prévoit que les forces alliées passent la Seine à Mantes et à Melun et contournent Paris. Ainsi, ils n’auront pas à livrer un combat difficile et cela leur évitera d’avoir à ravitailler la population, ralentissant d’autant leur progression. Le général De Gaulle avait obtenu des Alliés que Paris soit libérée par des troupes françaises, à savoir la 2e division blindée, constituée à partir du Maroc et qui en juillet avait débarqué en Normandie. Ces 16 000 hommes (et 2 000 véhicules lourds) étaient commandés par le général Leclerc, lui-même placé sous le commandement de Patton et de Bradley, puis du général Gerow. Le 15 août, la 2e DB se trouve à Argentan, à 200 km de Paris, et piaffe d’impatience. Mais le général Leclerc ne reçoit toujours pas d’ordre de partir vers la capitale, et il lui est évidemment impossible d’agir de son propre chef et d’attaquer seul.

Côté allemand, l’attentat de juillet 1944 contre Hitler a provoqué de profonds bouleversements au sein des hautes autorités militaires. Ainsi Rommel est contraint au suicide. Le gouverneur de Paris, le général von Stulpnagel qui faisait aussi partie des conjurés, est remplacé par le général von Choltitz, qui s’était fait remarquer auprès d’Hitler par la politique de la terre brûlée qu’il avait menée en Russie. Avant de l’envoyer à Paris, le Führer le convoque le 7 août dans son bunker et lui ordonne de défendre Paris sans aucune réserve, jusqu’à sa destruction totale. Von Choltitz dira plus tard avoir eu le sentiment de se trouver face à un fou. Quand il arrive à Paris le 9 août, tout est calme. Mais il se conforme aux souhaits d’Hitler et prépare la défense de Paris : il demande tout d’abord des renforts et de l’aviation – alors même que la Luftwaffe est clouée au sol par les Anglais – et organise une défense à une vingtaine de kilomètres de la capitale, une ligne allant de Versailles à la Varenne Saint-Hilaire. Von Choltitz dispose alors de 20 000 hommes, d’une centaine de blindés et de canons de 88 pouvant transpercer les flans des chars Sherman.

De nombreux réseaux de résistance d’obédiences politiques différentes sont alors présents à Paris. Le général de Gaulle avait réussi, avec Jean Moulin, à fédérer tous ces mouvements au sein du Conseil National de la Résistance (CNR), qui rassemblait aussi bien des militaires, des paramilitaires, que des politiques. Il existait aussi des comités de libération. Celui de Paris est dirigé par le colonel « Rol » alias Henri Rol-Tanguy, un communiste qui prend ses ordres de Moscou et qui veut déclencher l’insurrection le plus tôt possible. Mais le CNR ne veut pas d’une mise en route prématurée pouvant aboutir à un bain de sang et à la destruction de la capitale, d’autant que les résistants manquent d’armes. Jacques Chaban-Delmas, délégué militaire du général de Gaulle, contacte Londres pour avoir du soutien. Il est convenu avec le général Koenig que des parachutages d’armes et d’argent seront effectués au-dessus de Paris, mais uniquement vingt-quatre heures avant l’arrivée des militaires, ce qui n’est pas du goût de Rol.

L’insurrection se met en place

Le 13 août, alors que tout est encore calme, Von Choltitz décide de désarmer la police, mais à l’exception des fonctionnaires de Saint-Denis et de Levallois, les agents refuseront de rendre leurs armes. Le 15 août, il fait beau et chaud. Ce jour-là, le métro s’arrête définitivement. Les policiers s’habillent en civil et, tandis que le préfet Bussières les appelle à rentrer dans le rang, ils se mettent en grève.

Le 16 août, Rol persiste à déclencher l’insurrection au plus vite et on décide de réunir le CNR le lendemain. Ce jour-là, trente-cinq jeunes résistants, tombés dans un traquenard, sont exécutés par la Gestapo à la cascade du bois de Boulogne.

Le 17 août, la radio nationale cesse d’émettre ; Pierre Laval quitte Paris. La réunion du CNR ne donne rien : on décide de ne rien décider dans l’immédiat. Rendez-vous est pris pour le lendemain. Mais le colonel Rol ne veut pas différer à nouveau. Il ordonne à ses hommes de prendre des bâtiments publics et fait afficher dans la nuit des affiches appelant la population à l’insurrection.

Le 18 août, devant la détermination de Rol, le CNR décide de lancer l’insurrection mais précise qu’elle ne sera proclamée que le lendemain. Les prises de possession par les FFI se font généralement sans heurts : les Allemands, surpris, se rendent facilement. Cette journée du 18 août est une journée de mise en place, avec les premières escarmouches, les premiers morts et blessés.

Le 19 août, les agents de police occupent la préfecture de police. Vers 11 h 15, Charles Luizet prend possession de ses nouvelles fonctions de préfet de police. Le drapeau tricolore est hissé sur l’édifice. Vers midi, les Allemands commencent à réagir de façon désordonnée : ils contre-attaquent violemment à la mairie de Neuilly-sur-Seine, tuant la quasi-totalité des résistants présents. La mairie du Ve est également reprise. Mais, globalement, les forces allemandes sont très dispersées. Elles sont installées dans les forts qui entourent Paris, dans les casernes de la capitale, à l’Assemblée Nationale, au Sénat… Vers 14 heures, trois tanks allemands s’approchent de la préfecture de police. L’un d’eux est endommagé par une grenade, et les deux autres se retirent. A l’intérieur, les dirigeants paniquent : Edgar Pisani tente désespérément d’alerter Londres du manque d’armes.

Paris échappe au pire

Von Choltitz décide de réagir vigoureusement. Il rédige un plan qui prévoit que, le lendemain, 20 août, ses troupes procèderont d’abord à des mitraillages avant de faire appel à l’artillerie et aux blindés puis de préparer le contrôle grâce à l’infanterie. Il exige que tous les plans de destruction soient installés sur les édifices, sur les monuments et sur les ponts mais il se garde le droit de mise à feu.

C’est alors qu’un premier miracle se produit. Raoul Nordling, consul général de Suède, qui avait déjà négocié avec Von Choltitz le sort de prisonniers en transit à Fresnes, va voir le gouverneur militaire dans la soirée de ce 19 août. Le gouverneur militaire sera convaincu par ses arguments en faveur d’une trêve. Avec Alexandre Parodi, délégué du général De Gaulle auprès du CNR, ils négocient un cessez-le-feu, d’abord de quelques heures puis jusqu’au lendemain. Von Choltitz mettra en veilleuse son plan de mitraillage. Au moment où les esprits se calment, un gros orage éclate…

Mais le colonel Rol n’accepte pas cette trêve, accusant de trahison ceux qui l’ont signée et menaçant de passer par les armes ceux qui la respecte. Il rédige même un mémorandum pour expliquer en quoi cette décision est illégitime – le bureau CNR n’avait pas à prendre seul cette décision. Par un concours de circonstance, Alexandre Parodi est arrêté par des gendarmes allemands en faction qui le renvoient devant Von Choltitz. Au sortir de l’hôtel Meurice – QG du gouverneur militaire – il réchappe à une embuscade fomentée vraisemblablement par des SS. Les Allemands multiplient les exactions : exécutions sommaires, mitraillages dans les fenêtres d’appartements, civils placés comme boucliers humains sur leurs chars…

A la croisée des chemins

Le 21 août est marqué par la parution des premiers journaux libres, Libération, Le Parisien Libéré et Combat. Au même moment, le CNR renonce à la trêve mais décide de ne l’annoncer que le lendemain. Ce jour-là est un peu un jour de dupes. Trêve ou pas ? Von Choltitz, qui ne veut pas détruire Paris et pense à la sauvegarde de ses 20 000 hommes, doit tout de même sauver les apparences auprès d’Hitler. Si le moindre soupçon de trahison pesait sur lui, sa famille restée en Allemagne pourrait en payer les conséquences. De son côté, le colonel Rol se rend compte que la situation est condamnée sans arrivée d’armes. Il envoie le seul membre anglophone de son état-major auprès des alliés. Gallois arrive chez Patton en fin de soirée de ce 21 août mais ne pourra rien obtenir dans l’immédiat.

Le 22 août, répondant à des affiches des FFI intitulées « Aux barricades », les rues de la capitale se couvrent de barricades improvisées – on en comptera plus de quatre cents. De son côté, Von Choltitz a reçu des instructions en vue des destructions et reçu l’avis de renforts – des chars seraient regroupés à Metz voire à Chantilly (donc, aux portes de la capitale). Ignorant ces avis, le gouverneur de Paris reprend contact avec Nordling et l’enjoint d’adresser un message verbal aux alliés pour leur dire de se hâter. Un proche de Nordling, muni d’un sauf-conduit rédigé de la main de Von Choltitz, franchira difficilement les lignes allemandes.

En cette fin de 22 août, la situation est à la fois anarchique et angoissante. Deux envoyés spéciaux – Gallois chez Patton, la mission Nordling chez Bradley – vont tenter, chacun de leur côté, de faire pencher la balance.

Fin de la première partie

En savoir plus …

Coté livres :

                          

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Lib%C3%A9ration_de_Paris

http://pagesperso-orange.fr/stephane.delogu/2db-paris.html

http://www.v1.paris.fr/musees/memorial/liberation_de_paris/THEMES/insurrection/vi_t_01.htm

http://mapage.noos.fr/liberation_de_paris/

Les Images

http://images.google.com/images?q=lib%C3%A9ration+de+paris&rlz=1I7GGLD_fr&oe=UTF-8&sourceid=ie7&um=1&ie=UTF-8&ei=1i5PS5fSEZaqjAfN8IybCg&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=4&ved=0CCQQsAQwAw

Les Vidéos

http://www.dailymotion.com/video/x3nmp1_la-liberation-de-paris_events

http://www.youtube.com/watch?v=oawZEYXICbs

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