Thèmes: Histoire, littérature, sciences, société Mardi 16 janvier 2018
LE LEADERSHIP DANS LA BIBLE
par Monsieur Paul OHANA, consultant, essayiste, diplômé Harvard Business School et ENST.
INTRODUCTION
Le leader est quelqu’un qui se remet en question, qui doit faire des choix en permanence et dont l’inquiétude fait partie du quotidien car il a des responsabilités économiques, voire juridiques, importantes. Dans la Bible on trouve aussi de grands leaders qui ont influencé toute l’humanité comme Abraham, Joseph et Moïse. Il est donc intéressant de voir ce que peut apporter la Bible au leadership et comment la sagesse et les enseignements bibliques peuvent s’appliquer au monde de l’entreprise.
I – La Création et ses enseignements dans l’entreprise.
Le premier mot de la Bible est « Bereshit » c’est-à-dire « au commencement », Dieu dès le départ est actif et crée, tout comme un leader qui a un projet et qui se lance, car si la planification est importante, il faut à un moment donné passer à l’action.
La Bible décrit la création du monde par Dieu en six jours alors qu’elle aurait pu se faire en un instant. La Bible cherche à mettre en avant la nécessité de construire un projet avec temps et réflexion. Une entreprise faite à la hâte peut s’avérer être un échec alors qu’avec du temps, le projet aurait été un succès. Il est important aussi de suivre chaque étape de son projet, tout comme l’a fait Dieu. En effet, on trouve à plusieurs reprises la phrase « Et Dieu vit que c’était bon » ce qui prouve que Dieu en quelque sorte contrôle son oeuvre. Tout comme Dieu qui semble satisfait dans l’élaboration de son projet, le leader doit montrer sa satisfaction à chaque étape réussie.
Si la Bible aborde le thème de la réussite on trouve aussi l’échec car Dieu lui-même émet des regrets en ce qui concerne sa création de l’homme. Ici aussi on peut souligner l’importance de reconnaître son erreur car la renier est une faute morale mais peut aussi bien souvent être une faute économique. L’exemple le plus flagrant est celui du microprocesseur Pentium d’Intel. Un professeur de mathématique rendit public le fait que des erreurs dans les longues divisions pouvaient apparaître. Dans un premier temps Intel nia les faits mais à la fin l’entreprise dut remplacer tous les ordinateurs ce qui implique un coût mais en plus cela donna une image déplorable d’Intel.
Autre élément que l’on trouve dans la genèse, le manque de communication entre Adam et Eve. En effet, bien souvent on reproche à Eve d’être la responsable du pêché qui valu au couple d’être chassé du jardin d’Eden mais il faut souligner que c’est à Adam que Dieu avait interdit de manger le fruit de l’arbre de la connaissance, pas à Eve. Eve n’a eu l’information que par Adam qui l’a transformée en lui disant qu’il ne fallait pas toucher l’arbre. Le serpent a joué sur ce mauvais passage de l’information pour influencer Eve. Si le manque de communication au sein d’un couple peut avoir de lourdes conséquences il en est de même au sein de l’entreprise.
Le personnage de Noé est très intéressant car il prouve que même dans une situation désespérée, rappelons que Dieu qui avait regretté sa création de l’homme et l’évolution de ce dernier, souhaitait faire disparaître l’humanité, il y a toujours un sauveur. Ainsi il est écrit « Noé trouva grâce aux yeux de l’Eternel » il se trouve donc que Noé devient l’homme providentiel tout comme le sera, par exemple, le Général de Gaulle en son temps. Cela est dû au fait qu’il y a toujours dans une entreprise ou dans un pays un leader qui a plus d’espoir et de confiance dans l’avenir que les autres. Noé personnifie l’espoir que tout n’est pas perdu, que cela vaut la peine de recommencer.
II – Un leader visionnaire : Abraham.
On peut se demander pourquoi Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils et que ce dernier qui est un homme de bien et qui aime son fils, accepte.
C’est dû au fait qu’Abraham a une totale confiance en Dieu et qu’il sait qu’il ne lui demandera pas quelque chose de mauvais. Sa confiance est telle qu’au moment de partir, Abraham dit à ses serviteurs que son fils et lui vont revenir, il sait que rien d’irréversible ne sera commis. Abraham est animé d’un espoir infaillible. Dans l’histoire moderne on peut comparer cet espoir avec celui des rescapés des camps de la mort qui ont réussi à bâtir un pays prospère, alors qu’à la fin de la guerre ils n’avaient rien et avaient côtoyé la mort et la torture durant des années.
La rencontre et les accords entre Sadate et Begin en 1977 suivent rigoureusement le même schéma que les accords entre Abraham et Abimélec. Négocier un accord de paix c’est avant tout bâtir une confiance réciproque, c’est évaluer des rapports de force, estimer l’enjeu de la sécurité, considérer l’existence des points analogues et des similarités, instaurer la communication, trouver un alignement des intérêts et entretenir la confiance. Cette confiance permet de construire des relations durables et de signer des traités viables à long terme comme l’est l’accord israélo-égyptien et comme l’a été le contrat entre Abraham et Abimélec en son temps.
La grande force d’Abraham est qu’il espère toujours et a une totale confiance en Dieu mais il sait aussi rester humble, et il reste lui-même tout au long de ses épreuves.
La Bible tend à voir la prospérité matérielle d’une manière tout à fait positive et on trouve plusieurs passages qui nous informent sur la fortune d’Abraham, « [Il] rassemble tous les biens qu’il possédait et tous les serviteurs qu’il avait acquis ». La fortune est le résultat du travail, ce qui est positif mais il est nécessaire de garder le sens de la mesure. On peut voir dans l’initiative de Warren Buffett et Bill Gates, qui se sont employés à réunir des milliardaires pour signer un « engagement de donner » au moins la moitié de leur fortune, une parfaite illustration de ce principe. Abraham a su amasser une fortune sans revenir sur ses principes ce qui important aussi pour les entreprises qui peuvent réaliser des profits importants en gardant une certaine éthique.
Parmi ses multiples leçons, l’histoire d’Abraham donne au bien-être matériel une certaine dignité.
III – Joseph : le leader stratège.
Joseph est le leader par excellence car il sait conceptualiser ses plans et les mettre en oeuvre, il sait aussi ce qui fait réagir les grands de ce monde, gagner leur confiance et obtenir qu’ils lui confient la direction de leurs affaires.
Dans sa jeunesse, Joseph est si prétentieux et insupportable que ses frères décident de le mettre à mort. Grâce aux épreuves qu’il traverse, Joseph change radicalement et fait preuve de nombreuses qualités notamment d’intégrité, de compétence, de crédibilité et de loyauté.
Au cours de l’histoire on peut trouver de nombreux exemples de réconciliation similaires à celle de Joseph et ses frères. Ce passage de la Bible met en pratique les règles de la Teshouva : reconnaître les torts, savoir les évaluer, ne pas avoir l’ancien comportement et ne pas dévier. La réconciliation de Joseph et ses frères a été possible et durable car les protagonistes ont appliqué le principe de « se souvenir et pardonner » plutôt que « pardonner et oublier » comme l’ont fait Jacob et Esaü. Ces derniers illustrant une réconciliation ratée. Ce sont ces mêmes étapes qui ont été appliquées lors de la réconciliation franco-allemande par exemple.
IV – Moïse : le leader missionnaire.
On peut dire que Moïse est un leader missionnaire parce qu’il n’a jamais dévié de la charge qu’il avait reçue de Dieu, à savoir sortir les Israélites d’Egypte, les conduire au Mont Sinaï et de là vers la Terre Promise. Il remplit sa mission en dépit des nombreuses difficultés qu’il rencontrera et notamment l’insatisfaction régulière de son peuple (épisode du veau d’or, plaintes de faim et de soif …).
Moïse a toutes les qualités requises pour être un bon exécutant car il a une formation de base, il est fidèle à son groupe, il est modeste et patient, il sait résoudre les problèmes, il relève les défis, il gère les crises et enfin il est respectueux des valeurs. Cependant, Moïse n’est pas un leader né, il est modeste et Dieu doit insister pour qu’il accepte sa mission car il sous-estime ses capacités et redoute l’échec. Dieu soutient Moïse pour qu’il puisse mener à bien sa mission tout comme le leader économique doit encourager sa délégation ou son second pour réussir son projet.
Dans toute entreprise il est essentiel qu’il y ait un leader et toute vacance de direction peut conduire au désastre tout comme le démontre l’épisode du veau d’or. Le problème initial vient du fait que Moïse n’a pas évalué tous les problèmes qui auraient pu advenir lors de son absence et par conséquent il n’a pas délégué son leadership aux personnes adéquates. La responsabilité du drame du veau d’or est beaucoup plus le fait de Moïse que d’Aaron car il a surestimé la foi des Israélites en Dieu et sous-estimé leur dépendance à sa seule présence physique. En confiant toute la responsabilité à son frère, un homme qui n’avait pas d’expérience en matière de leadership, Moïse commet une erreur. Dans une entreprise il faut aussi savoir choisir quelqu’un de compétent et qui soit toujours prêt à remplacer le leader efficacement.
CONCLUSION
Les leaders donnent le modèle à suivre et mettent en évidence le fait qu’il est important de maîtriser le temps. Rien n’est dû au hasard, Dieu nous donne la ligne directrice et c’est à nous de construire notre chemin au jour le jour. Il est également important dans tous nos projets de faire preuve de bienveillance comme l’ont toujours fait nos trois leaders bibliques. Si nous devions retenir un seul enseignement biblique qui s’applique aussi bien au monde du travail qu’à la vie personnelle, ce serait ce que répondit le Rabbin Hillel à un incroyant il y a deux mille ans : « Ce que tu hais, ne le fais pas à autrui ». C’est la conclusion de Messieurs Paul Ohana et David Arnow dans leur ouvrage « Leadership dans la Bible » paru chez MA Editions, Paris, 2016.
Pour en savoir plus:
www.Leadershipinthebible.com
Interview de l’auteur
2 commentaires
MARIE MYRLÈNE RENÉ
May 16, 2022
J'aime cet article. Merci.
Pierre Legue
May 18, 2022
Merci pour votre fidélité au CDI de Garches