Thèmes: Histoire, Société Mardi 12 Décembre 2017.
LES TRADITIONS DE L’AVENT ET DE NOEL : HISTOIRE ET REPRÉSENTATIONS
par Madame Nadine CRETIN, docteur en Histoire (EHESS) et historienne des fêtes.
INTRODUCTION
Au fil des siècles et selon les lieux géographiques d’Europe les traditions de l’Avent et de Noël ont évolué pour être de nos jours une fête religieuse mais surtout commerciale. La tradition de l’Avent est liée aux saints généreux et à la lumière si importante durant la période la plus sombre du solstice d’hiver dans l’hémisphère nord. Si Noël est avant tout la naissance de Jésus pour les chrétiens, c’est également le moment où les jours commencent à grandir : le proche passage à une nouvelle année est marqué par des gestes prometteurs, dont l’abondance des mets synonyme d’abondance pour toute l’année à venir.
I – La tradition de l’Avent.
La célébration de l’Avent débute dans la seconde partie du VIe siècle et il durait six semaines, à partir de la fête de Saint Martin, le 11 novembre, jusqu’à Noël, c’est pourquoi on l’appelait autrefois le Carême de Saint Martin. Saint Martin, premier saint généreux comme tous ceux de l’Avent, vivait au IVe siècle. Ce soldat romain est connu pour son partage du manteau avec un mendiant. Depuis le IXe siècle, l’Eglise commence le temps de l’Avent le quatrième dimanche avant Noël, le dimanche le plus proche de la Saint-André, et beaucoup actuellement n’observent plus ni jeûne ni abstinence particulière.
Au XIXe siècle les enfants promenaient des lanternes végétales dans les rues pour conjurer l’obscurité et faire peur aux revenants, comme le font encore les petits Allemands le soir du 10 novembre. C’est l’équivalent de la fête d’Halloween des Anglo-saxons. Lors de leurs tournées les enfants chantaient des voeux et en récompense on leur donnait un petit cadeau : friandises, petites pièces de monnaies, fruits secs. Il était important de leur donner quelque chose pour se mettre leurs voeux de son côté. Cette tradition explique en partie le cadeau de Noël.
L’autre grand saint de la période de l’Avent est Saint Nicolas. Saint Nicolas (v. 270 – v. 310) est un évêque de Myre en Asie mineure qui avait fait de nombreux miracles, selon la légende, notamment sauver des marins d’un naufrage, c’est pourquoi il est devenu le saint patron des marins. En 1087 des marchands de Bari rapportent les reliques du saint pour les préserver des musulmans. Un chevalier lorrain, Aubert de Varangéville, qui avait pris une phalange du saint, la ramène dans son village Saint-Nicolas-de-Port qui devient un lieu de pèlerinage. Plus tard est apparue la légende de saint Nicolas qui sauve de la mort trois enfants et qui amènera saint Nicolas à être aussi le saint patron des écoliers.
Le culte de saint Nicolas se développe et s’amplifie à partir de la Lorraine en se diffusant par les régions rhénanes notamment. Saint Nicolas va ainsi gagner la faculté de se déplacer dans les airs, comme le dieu Odin de la mythologie germanique. Jusqu’à nos jours, dans une partie de l’Allemagne et de l’Autriche, aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg, saint Nicolas est très populaire. En Lorraine, saint Nicolas est si important qu’il est depuis 1477 le patron de la région. Il apporte des pains d’épices et des friandises dans la nuit du 5 au 6 décembre, et de nos jours certaines familles pieuses continuent de donner leurs cadeaux aux enfants à cette occasion : à Noël elles se contentent de cadeaux alimentaires. Dans certaines régions saint Nicolas est accompagné par le Père Fouettard, être sombre et effrayant. Ce dernier est représenté aux Pays-Bas par des hommes noirs ou grimés de noir, ce qui fait polémique car cela est parfois vu comme une pratique raciste. Le Père Fouettard est issu d’êtres énigmatiques couverts de feuilles et de branchages qui symbolisent un monde non civilisé, encore présents lors de certains carnavals. Ils représentent le monde de l’inconnu, des ancêtres. Saint Nicolas était déjà représenté en rouge, mais aussi en vert, en bleu ou en gris et il porte une longue barbe. Saint Nicolas est le pourvoyeur d’abondance au cœur de l’hiver. Il est aussi extrêmement populaire en Amérique du Nord où les colons européens l’ont importé : les émigrés hollandais au XVIIe siècle qui fondèrent New Amsterdam (New York) apportèrent la coutume de « Sint Herr Klaas » qui deviendra Santa Claus.
Sainte Lucie est une autre sainte fêtée durant l’Avent. Son nom vient du latin « lux », la lumière. Sainte sicilienne du IIIe siècle, Lucie est très fêtée en Suède, le 13 décembre, où elle a sans doute recouvert une personnalité liée à la lumière. Lors de cette fête la plus jeune fillette de la famille porte une couronne de bougies. Comme on peut le voir avec les enfants qui portaient des lanternes végétales autrefois, la lumière est très importante en cette période du solstice ainsi que la verdure. La verdure était considérée comme prometteuse au moment où les arbres étaient dépouillés de leurs feuilles : c’est pourquoi on la fait rentrer dans la maison, tels le sapin et la couronne de l’Avent. D’ailleurs dès le IIIe siècle, Tertullien, éminent théologien de Carthage, ville d’Afrique du Nord romanisée à l’époque, reprochait aux chrétiens d’avoir autant de verdure et de lumière chez eux que les païens.
La couronne de l’Avent est traditionnellement faite de branchages de sapin ou de houx. Les quatre bougies qu’elle porte symbolisent les quatre semaines de l’Avent. Le houx est un végétal qui plaît beaucoup à Noël, en particulier pour ses pointes, autrefois réputées annuler les sorcelleries. De la même façon, les petits gateaux de l’Avent comportent souvent des pointes
Les marchés de Noël sont une autre grande tradition de l’Avent. Cette tradition est originaire des régions germaniques et on trouve des témoignages de ce type de marchés dès le bas Moyen-Age, à Dresde par exemple. Avant la Réforme, on appelait ces marchés « Marchés de saint-Nicolas », mais à partir du XVIe siècle, ils se sont calés avant Noël, tel celui de Strasbourg en 1570. De nos jours de nombreuses villes ont un marché de Noël, mais ils connaissent une fortune inégale.
II – Autour de Noël.
Un des éléments caractéristiques de Noël est la crèche qui apparaît d’abord dans les églises. Des spectacles, les jeux liturgiques, se sont développés dans les sanctuaires au milieu du Moyen-Age et, dans cette lignée, la reconstitution de François d’Assise dans une grotte de Greccio en 1223 est célèbre. En réaction à la Réforme qui voulait supprimer les images, le jésuites encouragèrent les crèches, comme celle de Prague de 1562, l’une des premières. Les crèches familiales apparaissent d’abord en Italie au XVIIe siècle, en Espagne et au Portugal. A la fin du XVIIIe siècle, dans le sud de la France apparaissent les « santons » (du provençal « petits saints ») du fait de la grande quantité d’argile disponible. Ces petits personnages de quelques centimètres (de 3 à 10 généralement) sont peints : ils sont habillés quand ils sont plus grands. Les Provençaux sont restés très fidèles à la crèche et aux santons qui sont d’une grande diversité, et que l’on trouve dans les foires aux santons. Situées hors des marchés de Noël, ces foires se démarquent des marchés davantage dédiés aux denrées alimentaires, aux jouets et aux décorations. Contrairement aux figurines napolitaines qui illustrent des tableaux (recherche d’une auberge, Nativité, annonce aux bergers par les anges, cortèges des mages), les santons représentent les métiers de tout un village et, gardant leurs costumes Restauration, ils apportent leur cadeau à l’Enfant-Jésus.
Les vitrines de Noël sont elles aussi typiques et contribuent à l’ambiance de la fête de Noël. En 1909, le Bon Marché crée la première vitrine animée parisienne, dont le thème était la récente découverte du Pôle Nord par Robert Peary. C’est également au début du XXe siècle qu’apparaissent les premiers catalogues des étrennes.
A Noël, on chante beaucoup autour de la naissance de Jésus, notamment à la messe de minuit, et c’est une période propice aux dons pour les démunis et aux réunions familiales.
La fête de l’Épiphanie le 6 janvier marque l’arrivée des rois mages venus d’Orient à Bethléem avec de précieux cadeaux pour l’Enfant-Jésus. A partir du VIIe siècle, les trois rois gagnent des noms et une apparence : on les fait venir des trois continents alors connus (l’Europe, l’Asie, l’Afrique). La tradition de la galette ou de la couronne des rois n’est pas liée aux rois mages, mais elle évoque l’élection du « roi » du banquet des Saturnales romaines, plus sages que ce que le nom laisse entendre aujourd’hui. Le roi de ces fêtes liées au solstice d’hiver était élu aux dés ou aux osselets. Le partage d’un gâteau avec une fève est connu depuis 1311 dans une charte de Robert d’Amiens et, il est représenté depuis le XVe siècle avec un enfant caché sous la table, dans les Heures d’Adélaïde de Savoie.Traditionnellement on gardait une part de galette pour un mendiant de passage. En Espagne, les enfants reçoivent leurs cadeaux à l’Epiphanie, et en Italie c’est à cette occasion que la sorcière Befana apporte des cadeaux aux enfants et du charbon à ceux qui n’ont pas été sages.
Pendant toute cette époque, on mange beaucoup. L’abondance sur les tables est porte bonheur : elle appelle l’abondance. Les familles pieuses se contentent plutôt d’un repas frugal le 24 au soir avant de se rendre à la messe de minuit, le grand repas familial ayant lieu le lendemain. Complètement différente, la nuit de la Saint Sylvestre, fêtée souvent entre amis, marque l’arrivée de la nouvelle année dans la joie et le bruit.
CONCLUSION
Dès le début de l’Avent, les saints généreux sont fêtés dans diverses régions d’Europe et en quelque sorte nous préparent à Noël. Les traditions telles que la crèche, le sapin ou l’abondance des mets sont toujours très vivaces. L’ambiance de partage et de générosité de la période de Noël reste aussi une réalité.
Un commentaire
Jean-Michel BUCHOUD
Feb 04, 2018
Merci à Madame Cretin de nous avoir fait retrouver notre âme d'enfant dans les traditions que nous avions vécues et de nous en avoir fait découvrir d'autres. Merci pour cette conférence fort bien documentée.