Thème: Histoire – Société Mardi 31 Mars 2015
LOUISE MICHEL (1830-1905)
par Madame Isabelle Pons, conférencière ARCUS.
INTRODUCTION
Louise Michel est une grande figure d’exception qui a marqué son temps et suscité beaucoup de réactions. On l’a surnommée la Vierge rouge, la Bonne Louise ou la Jeanne d’Arc de la république. C’est une militante qui a voué toute sa vie aux causes auxquelles elle croyait passionnément comme l’éducation ou l’égalité sociale.
I Enfance et jeunesse.
La vie de Louise Michel commence de façon très particulière. Elle est la fille naturelle d’une servante illettrée et du fils du châtelain où elle travaillait. Fait rare pour l’époque, elle est élevée par ses grands-parents paternels au château de Vroncourt où elle reçoit une excellente éducation. Sa grand-mère lui enseigne non seulement à lire et à écrire mais aussi la peinture et la musique. Avec son grand-père elle lit les grands philosophes des Lumières et s’imprègne de poésie. Dès l’âge de quinze ans, elle compose ses premiers poèmes et, sûre d’elle, les fait parvenir à Victor Hugo. Ce dernier lui répond, et ils garderont une relation épistolaire durant plusieurs années avant que Louise Michel ne le rencontre à Paris quelques années plus tard.
Elle s’intéresse aussi beaucoup à la nature et, dès son plus jeune âge, se préoccupe du sort des animaux et recueille de nombreux animaux blessées qu’elle soigne. Elle a une enfance atypique, libre et heureuse. A vingt ans sa vie connaît un premier tournant suite à la mort de ses grands-parents et de son père. En effet, la femme de son père fait quitter le château à Louise Michel et à sa mère. Louise, jeune fille de vingt deux ans, envisage d’enseigner et passe des certificats pour être institutrice. Mais elle refuse de prêter serment à l’Empire et ne peut donc enseigner dans les écoles ; mais elle ne se décourage pas et crée des écoles libres en Haute-Marne où elle propose un enseignement totalement novateur autorisant la présence d’animaux en classe, emmène ses élèves en promenade dans la nature et fait apprendre « La Marseillaise » ce qui lui vaut d’être sévèrement réprimée par le Préfet. En 1856 elle part à Paris et sa vie prend une nouvelle orientation.
II Une militante socialiste et une pédagogue novatrice.
Dès son arrivée à Paris, Louise Michel enseigne dans une institution dirigée par Madame Voillier avec qui elle lie une grande amitié. En 1861, elle ouvre sa propre école dans le 18ème arrondissement, quartier où elle est très active. Durant ces premières années parisiennes, elle rencontre Victor Hugo avec qui elle avait déjà été en contact. Son amitié est telle que certains iront jusqu’à dire qu’elle a eu une liaison avec l’écrivain. Elle rencontre également Théophile Ferré, future grande figure de la Commune. C’est également à cette époque qu’elle écrit et publie des contes, des poèmes et de nombreux articles de journaux. Elle a une vie sociale très active et participe à de nombreux cercles qui militent en faveur d’une amélioration de la situation des ouvrières (bien souvent elles tombaient dans la prostitution) ou de la situation désastreuse des prisonniers.
Un autre sujet qui lui tient à coeur est le sort des aliénés. Durant ces années, elle est socialiste, sympathisante du courant blanquiste. Son premier acte militant engagé a lieu lors des obsèques de Victor Noir, un journaliste tué par le neveu de Napoléon. Elle devient beaucoup plus virulente et active. En 1870, elle lance un appel aux infirmières pour qu’elles se rendent à Strasbourg soigner les soldats qui se battaient contre les Prussiens. En novembre 1870 elle devient Présidente des citoyens de vigilance du 18ème arrondissement et en décembre de la même année elle connaîtra la prison pour la première fois, suite à une manifestation.
Durant la Commune, Louise Michel, très active, participe à plusieurs batailles, notamment à Issy-les-Moulineaux, Clamart et Neuilly. En janvier 1871, en habit de garde nationale, elle fait feu sur l’Hôtel de ville. Garde au 61e bataillon de Montmartre, ambulancière et combattante, elle anime aussi le club de la Révolution à l’église Saint-Bernard de la Chapelle. A cette occasion elle rencontre Clémenceau, alors maire du 18ème arrondissement. Elle a même le projet d’assassiner Thiers, et franchit seule les barrages de Versailles, mais finalement elle abandonne. Pourtant, le pouvoir versaillais cherche à l’arrêter et menace sa mère afin de la faire plier. Louise Michel se rendra aux autorités et sera enfermée au camp de Satory. Elle se défend elle même et réclame d’être exécutée au même titre que certains de ses camarades, notamment Théophile Ferré luttant ainsi farouchement contre tout traitement de faveur. Finalement elle sera condamnée à la déportation à vie en Nouvelle Calédonie. Une nouvelle page de la vie de Louise Michel débute.
III La vie en Nouvelle-Calédonie.
Avant d’être déportée en Nouvelle Calédonie, elle passe deux ans dans une prison de Haute-Marne. Sur le bateau, elle rencontre Henri Rochefort qui deviendra un de ses grands amis. Il est fasciné par Louise Michel. Cette dernière vit son bannissement comme une aventure et non pas comme une punition. En décembre 1873, elle débarque en Nouvelle Calédonie où elle est, durant deux ans, assignée dans un centre clos. Cet enfermement ne l’empêche pas de s’intéresser aux populations autochtones. Son attitude interpelle non seulement les gardes du camp mais aussi les prisonniers qui ne voyaient dans les Kanaks que des sauvages dangereux, ne méritant pas plus d’estime que des bêtes sauvages. Au bout de deux ans elle jouit d’une sorte de semi liberté, qui lui permet d’apprendre la langue kanak et d’aller à la rencontre des tribus de l’île. Elle va recueillir les traditions et les contes kanaks et réalise un véritable travail d’ethnologue. En échange, elle cherche à instruire les autochtones et, comme à l’accoutumée elle va créer une méthode pédagogique adaptée aux Kanaks. Son intérêt va également se porter sur la flore de l’île, et très tôt, elle construit une serre où elle fait des essais de reproduction et de greffes entre les espèces.
En 1879 la déportation close de Louise Michel sera commuée en déportation simple ce qui permet à la militante de partir enseigner à Nouméa. Le 14 juillet 1880 la République accorde la grâce à tous les condamnés, ce qui n’implique pas le retour immédiat, car chaque déporté devait payer son retour. Louise Michel part donc à Sydney où elle enseigne pour gagner un peu d’argent afin de pouvoir repartir pour l’Europe. Quelques mois plus tard elle embarque pour Londres puis Paris ; une nouvelle fois sa vie prend un nouveau tournant.
IV Le retour à Paris et la période anarchiste.
Dès son retour à Paris Louise Michel donne des conférences en faveur de la cause anarchiste, mouvement qu’elle avait embrassé en Nouvelle Calédonie. Entre 1880 et 1890 elle vit de ses conférences et de ses écrits ; elle participe également à de très nombreuses manifestations. Lors de l’une de ces manifestations, une boulangerie est pillée et des arrestations ont lieu. Louise Michel est condamnée à six ans de prison. En 1884, sa mère étant mourante, quelques jours de liberté lui sont accordés pour qu’elle se rende à son chevet. En 1886, elle est graciée mais continue de participer à plusieurs manifestations de soutien aux mineurs.
Elle milite aussi pour l’abolition de la peine de mort. Lors de l’une de ses conférences au Havre, un fou tire et la blesse à la tête. Louise Michel survivra et, fidèle à ses principes, refusera de porter plainte. Elle était convaincue que les aliénés étaient des victimes et non des assassins responsables. Elle se sent gênée du traitement de faveur qu’on lui accorde, et elle décide de partir pour Londres où elle ouvre une école internationale afin de promouvoir le Français. De 1890 jusqu’à sa mort, Louise Michel alterne ses séjours entre la France et la Grande-Bretagne. Elle fait également des tournées de conférences en Belgique et aux Pays-Bas.
Au moment de l’affaire Dreyfus, Louise Michel prend fait et cause pour Dreyfus, ce qui cause sa rupture avec Rochefort qui, lui, de par son éducation et ses origines, est dans le camp des anti-Dreyfusard. Toute cette activité finira par être néfaste pour sa santé. Faisant preuve d’un altruisme excessif, elle vivait dans des conditions austères et ne gardait que très peu de l’argent qu’elle gagnait. Son seul luxe était ses chats ! En 1902, elle est victime d’une très sévère pneumonie et son état général se dégrade. Elle part donc se reposer à Londres mais, en 1904, elle repart en tournée dans toute la France et va même jusqu’à Alger. Ses tournées sont moins populaires, durant les premières années du XXème siècle ; l’anarchisme est en perte de vitesse face au syndicalisme. En 1904 elle refait une pneumonie et décide de rédiger son testament. Elle ne souhaite pas de cérémonie religieuse et veut être enterrée auprès de sa mère au cimetière de Levallois. Elle décède en janvier 1905. Plusieurs milliers de personnes accompagnent le cercueil de Louise Michel. Toute la gauche pluriel, comme nous dirions de nos jours, était présente, ce qui était très rare mais la personnalité de Louise Michel était elle aussi peu commune.
CONCLUSION
Louise Michel reste une grande figure dans l’histoire de l’anarchisme et de la lutte ouvrière et tous ses écrits prônent la lutte pour un monde nouveau et meilleur. Elle avait un aura qui dépassait les cercles anarchistes et ses idéaux de justice sociale ont eu un grand impact. Louise Michel est une des rares femmes à avoir donné son nom à une station de métro et bien qu’elle ne se définissait pas comme féministe, elle a aussi influencé ce mouvement. Jusqu’en 1916, une manifestation a eu lieu chaque année sur sa tombe au cimetière de Levallois. En 1946 ses restes sont déplacés au rond-point des victimes du devoir dans le même cimetière. De nos jours sa tombe est encore fleurie à chaque anniversaire.
4 commentaires
de vriese
Jun 17, 2017
Très bon site. J'adoooore tout est clairemnet expliqué et justifiés comparé à wikipédia qui met des informatins par ci par là Merciiii
luca
Apr 26, 2019
Bonjour. L'affirmation selon laquelle "au moment de l’affaire Dreyfus, Louise Michel prend fait et cause pour Dreyfus, ce qui cause sa rupture avec Rochefort" est non seulement erronée, mais diamétralement opposée à la vérité. C'est en effet chose notoire que Louise Michel brilla par son absence en cette affaire. Elle fut en effet effrayée, en raison de ses rapports privilégiés avec Rochefort, de voir le nom de celui-ci conspué dès le premier meeting dreyfusard... On se doit toutefois de préciser qu'elle ne rallia pas pour autant le camp anti-dreyfusard, et se contenta de repartir à Londres. Cordialement
Pierre Legue
Apr 26, 2019
Bonjour cher auditeur du CDI, Votre intervention en commentaire sur la conférence de Madame Isabelle PONS retient toute notre attention. Ce commentaire est transmis à Mme Pons afin qu'elle en ait connaissance et la possibilité de vous répondre. Dans cette attente, nous vous prions d'accepter nos meilleures salutations. Le secrétariat du CDI
luca
Apr 27, 2019
Bonjour, et merci de votre aimable réponse. En attendant le retour de Madame Isabelle PONS je ne voudrais surtout pas que soit cru qu'il y a ici... "quelque chose à cacher". Le point sur cette question a été fait il me semble dans l'ouvrage sur Louise Michel publié en 1971 par Edith Thomas. Celle-ci fut bien, présente au premier meeting (celui qui eut lieu le 15 janvier 1898 au Tivoli-Waux-Hall) mais... elle en resta là. Non qu'elle ait eu la moindre complaisance pour l'antisémitisme, qu'elle condamna fermement -il y a sur ce point une différence absolue entre elle et Rochefort. Mais depuis près d'une vingtaine d'années, c'est-à-dire depuis son retour de déportation de Nouvelle-Calédonie en 1880 elle avait pu compter sur la solidarité agissante de Rochefort, et se trouva embarrassée de le voir mis en accusation. Cordialement