Thème : HISTOIRE Mardi 4 Janvier 2011
Par Robert-Henry Calvet, Conférencier
La fin des Romanov peut rappeler, à certains égards, le destin tragique de la famille royale au moment de la Révolution Française. Il existe bien des parallèles entre Nicolas II, le dernier tsar de Russie, et Louis XVI, l’ultime monarque absolu, notamment en terme de personnalité. Comme le souverain français, Nicolas II, né en 1868, ne s’intéresse pas à la politique. Quand il était jeune, son précepteur se plaignait souvent auprès du tsar Alexandre III que son fils s’endormait pendant les cours de politique. Le futur Nicolas II en retire tout de même l’idée que tout le pouvoir repose sur le prince, qui représente sa nation. Ses parents veulent qu’il épouse la fille de Philippe d’Orléans – les liens entre la Russie et la France étaient alors très proches et en auraient été encore renforcés – mais le prince est convaincu de vouloir épouser la jeune princesse allemande dont il est amoureux. Pour lui faire oublier cette « tocade », le tsar et la tsarine décident qu’il doit voyager à l’étranger. En 1890, le jeune héritier du trône navigue vers la Grèce, puis vers l’Orient, jusqu’au Japon, où il est victime d’un attentat. Sérieusement blessé à la tête, il est rapatrié en Russie. Les médecins japonais qui lui ont prodigué les premiers soins ont conservé les bandages maculés de sang, ce qui se révélera très utile par la suite.
Certains parallèles avec Louis XVI
A son retour, il convainc ses parents d’épouser l’élue de son cœur, la princesse Alix de Hesse, dite Alexandra. Mais leur relation ne démarre pas sous les meilleurs augures : peu de temps après les fiançailles, le tsar Alexandre III décède subitement en octobre 1894, et la première image qu’ont les Russes de cette princesse venue d’Allemagne est celle d’une fille habillée de noir qui suit le convoi funèbre. Le symbole n’est pas des plus heureux. On peut y voir un parallèle avec l’impopularité de l’« autrichienne » Marie-Antoinette. Comme Louis XVI, qui déclara être trop jeune pour régner, Nicolas II se retrouve au pouvoir sans se sentir prêt. Tout comme le couple royal français, les Romanov mettent du temps à avoir un héritier mâle : Olga naît en 1895, Tatiana en 1897, Maria en 1899, Anastasia en 1901… et Alexis en 1904. Mais le tsarévitch, atteint d’hémophilie, est d’une santé fragile. Seul héritier du trône possible, le jeune prince sera surprotégé. La tsarine, se sentant de plus en plus malheureuse, se refugie dans la religion orthodoxe (protestante, elle s’était convertie pour épouser Nicolas) et le mysticisme. L’énigmatique Raspoutine parviendra à avoir une influence considérable sur la tsarine et la famille royale en « guérissant » le tsarévitch. Sous son influence, le jeune prince, qui déclinait régulièrement, va aller mieux, comme le confirment de nombreux témoignages. C’est l’un des mystères qui entoure les Romanov : comment Raspoutine, qui avait convaincu les parents de jeter les médicaments d’Alexis, a-t-il réussi à soulager cet enfant ? Sa mort, en décembre 1916, est elle aussi mystérieuse. Invité à un dîner, il est d’abord empoisonné au cyanure, mais sans effet, puis abattu par le prince Youssoupov. Alors même que la mort avait été constatée par un médecin présent parmi les conjurés, Raspoutine se rue quelques instants plus tard sur son agresseur. On lui tire dessus plusieurs fois. Mais Raspoutine réussit à s’enfuir par la cour, alors on lui tire à nouveau à la tête. Puis les agresseurs l’enroulent dans un tapis, qu’ils jettent dans les eaux glacées de la Neva. L’autopsie du corps révèlera que ses poumons sont remplis d’eau. Raspoutine est mort… noyé.
La Première Guerre Mondiale a affaibli le régime. Depuis 1914, Nicolas II est régulièrement sur le front et a abandonné la politique intérieure. Le conflit dans lequel l’armée russe s’est enlisée va accélérer la fin du tsar. En février 1917, après des troubles à Petrograd et sous la pression de l’état-major, Nicolas II abdique au profit de son frère, Michel qui, le lendemain, renonce à la couronne. La Révolution est en marche. Lénine – revenu d’exil par les bons soins du Kaiser Guillaume II – cherchera à négocier le « rachat » de la vie de Nicolas II et de sa famille auprès des autres monarchies européennes (aussi bien le Russe Nicolas que l’Allemand Guillaume sont des descendants directs de la reine Victoria d’Angleterre). Sans succès. Le pouvoir bolchevique décide donc de maintenir le tsar et les siens en résidence surveillée, au palais Tsarkoie-Selo à Saint-Pétersbourg. Pour autant, les choses ne sont pas figées, le tsar bénéficie encore du soutien des Russes blancs (qui s’opposent aux « rouges », les bolcheviques), parmi lesquels figurent de nombreux officiers de l’armée, une force qu’il ne faut pas ignorer. Pour éviter un coup de force des pro-tsaristes, les révolutionnaires décident de déplacer la famille impériale vers l’est, à Tobolsk. Dans un troisième temps, ils sont amenés à Ekaterinbourg, dans une maison bourgeoise réquisitionnée. Les conditions de leur séjour dans cette résidence surveillée se durciront progressivement. Leurs privilèges sont retirés, les grandes-duchesses doivent s’habiller en paysannes russes, les portes doivent rester ouvertes en permanence… Mais les princesses avaient réussi à garder les pierres précieuses cachées dans leur corset, ce qui tend à penser que les fouilles n’étaient pas trop rapprochées malgré tout.
Où sont passés les corps ?
Comme en France sous la Révolution Française, le nouveau pouvoir décide que, pour en finir définitivement avec l’ancien régime, il faut en terminer physiquement avec les personnes qui l’incarnent. Si le citoyen Capet a été jugé en France, ce ne sera pas le cas de Nicolas Romanov. Lui et sa famille seront exécutés de façon sommaire. Reste que nous ne savons toujours pas exactement comment cette décision a été prise. Il semble impossible que Lénine n’ait pas été mis au courant, mais on n’a pas retrouvé d’ordre de sa part exigeant l’exécution des Romanov (alors que des nombreux documents ont été retrouvés dans les années 1990, dont le court télégramme l’informant de la fin des Romanov).
Le secret étant une marque du pouvoir bolchevique, tant sous Lénine que sous Staline, jamais les circonstances exactes de l’exécution de la famille impériale n’ont été révélées. Dès lors, il y eut toutes sortes de suppositions. On sait que la famille impériale a été exécutée dans la nuit du 17 juillet 1918, une semaine avant que l’armée des Russes blancs ne reprennent la ville. Dans la cave de la maison Ipatiev, les soldats voient que le papier-peint est percé de balles, avec des taches de sang. C’est ici que les Romanov ont été exécutés, avec leurs serviteurs et leur médecin. Mais les corps sont introuvables. Les Russes blancs vont lancer des enquêtes pour savoir ce qui s’est produit, mais l’armée rouge regagnant à nouveau du terrain, ils doivent quitter les lieux avant d’avoir abouti. Néanmoins l’enquêteur Nicolas Sokolov, qui avait recueilli de nombreux témoignages et qui avait trouvé le puits de mine où les Romanov avaient été enterrés une première fois, rédigera un rapport, qui disparaîtra de longues années avant d’être retrouvé. Dans les années 1920, plusieurs documents officiels soviétiques confirmeront que les corps ont été enterrés dans les alentours d’Ekaterinbourg. Puis, dans les années 1930, une personne ayant participé à l’exécution et à la mise à disposition des corps, réfugiée aux Etats-Unis, racontera que les corps ont été brûlés et en partie détruits à l’acide sulfurique avant que les restes ne soient enterrés dans une fosse peu profonde. Cette thèse sera contestée par la suite. Dans les années 1970, la maison Ipatiev devient un lieu de culte, ce qui gêne les Soviétiques. Sa destruction est ordonnée en 1977 par le pouvoir central, et menée par un administrateur local devenu célèbre par la suite, Boris Eltsine.
Se fondant sur le témoignage, réapparu peu auparavant, de Sokolov, un géologue (associé à un écrivain) retrouve, en 1979, neuf squelettes au lieu-dit des Quatre-Frères, une forêt qui n’a pas changé depuis le début du XXe siècle. Il déterre les crânes pour les ramener à Moscou et faire des tests. Mais, ayant peur des possibles retombées, le géologue Gribov les ré-enterre au même endroit. Ce n’est qu’à la fin de l’URSS, en 1989-1990, que ces éléments sont rendus publics. En 1992, les restes sont exhumés, et testés (grâce à des analyses ADN). Très vite, on se rend compte qu’il s’agit de membres de la même famille. Mais sont-ce les Romanov ? Pour le savoir, il faut trouver des descendants. Pendant des années, une certaine Anna Anderson, recueillie à Berlin dans les années 1920, s’était fait passer pour Anastasia. Décédée en 1984, ses cheveux furent comparés, et il n’y avait pas de lien avec les corps retrouvés – elle aurait été une ouvrière polonaise. Le plus proche parent survivant des Romanov étant le prince Philip d’Angleterre, on fait la comparaison de son ADN avec celui des corps exhumés. Les tests sont positifs, et on en conclut qu’il s’agit des Romanov. Neuf cadavres seulement ont été mis au jour (sur les onze victimes : les sept Romanov, leur médecin, et trois domestiques), il manque encore les corps d’Alexis et de Maria, qui seront retrouvés en 2007. En 1998, une église commémorative est érigée à l’endroit de la maison Ipatiev. Après avoir été déclarés martyrs en 1981, les Romanov sont canonisés par l’église orthodoxe en 2000.
Cependant, un doute subsiste : les analyses réalisées sur les ADN des corps exhumés ont été comparées par des scientifiques japonais avec l’ADN du sang de Nicolas II qui se trouvait sur les bandages, et les tests n’ont pas été concluants. Mais pour les autorités russes, l’affaire est entendue, les corps inhumés en grande pompe en 1998 en la cathédrale Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg sont bien ceux des Romanov.
En savoir plus …
Coté Livres :
La Fin tragique des Romanov
Auteur : Pierre Lorrain
Éditeur : Bartillat Éd. revue et complétée (1 février 2005)
ISBN-10: 2841003477
http://www.amazon.fr/Fin-tragique-Romanov-Pierre-Lorrain/dp/2841003477
Coté Vidéo : Extraits de TVfilm
http://www.wat.tv/video/secrets-romanov-sur-109pe_2ey9n_.html
http://www.wat.tv/video/fin-romanov-parie-109j5_2ey9n_.html
Coté Web :
http://laplumeetlerouleau.over-blog.com/article-7102189.html
http://www.kadouchka.com/russie/Romanov.htm
http://www.les-derniers-romanov.com/une-version-contestee.php
http://www.lexpress.fr/informations/romanov-le-crime-etait-presque-parfait_592390.html
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