Thème : HISTOIRE Mardi 26 février 2013
LES TEMPLIERS – Entre Histoire et légende
Par Bernard RIVY – Ancien élève de l’École Biblique et Archéologique de Jérusalem
Monsieur RIVY s’est attaché à nous raconter la riche histoire de ceux que l’on nommait les Templiers, membres du légendaire et très respecté Ordre du Temple.
Avant tout, il est important de resituer le contexte de l’époque. La société du XIème- XIIème siècle est une société que l’on à tendance à définir comme « primitive ». Le pouvoir appartient à quelques seigneurs en guerre permanente ; contraint au servage et à l’insécurité récurrente, le peuple est pauvre et assailli par les famines successives et les épidémies. L’Église est en crise et a bien du mal à rassembler ses fidèles ; les instances religieuses, conscientes de leur perte de vitesse entreprennent alors une grande réforme qui a pour objectif de redéfinir toute la religion, c’est la réforme Grégorienne. Celle-ci comporte 3 grands axes : l’affirmation de l’indépendance du clergé, la réforme de ce celui ci et le renforcement du pouvoir du Pape. A l’instar de l’Eglise, c’est l’ensemble de la société médiévale qui a besoin de se reconstruire. Le développement des pèlerinages vers Jérusalem va alors permettre de mobiliser la chrétienté et, par là même, de donner un but commun à la société.
En 1071, Jérusalem est prise d’assaut par les Turcs qui en interdisent l’accès. La société Occidentale réagit vivement et l’idée de reconquérir la Terre Sainte germe doucement. Il n’est alors absolument pas question de fonder un royaume mais uniquement de délivrer le tombeau du Christ.
La première croisade rassemble entre 400 000 et 500 000 pèlerins qui se mobilisent pour la reconquête de la Palestine. Le 15 juillet 1099, Jérusalem est reprise aux Turcs et le territoire palestinien est divisé en 4 comtés. Cependant, les revers de la médaille sont multiples car un nombre important de croisés s’installent avec leurs us et coutumes, les rivalités entre les comtés s’aiguisent, les pillages se répandent et c’est finalement un régime typiquement colonial qui s’installe au mépris des peuples vivant déjà sur place. Qui plus est, la sécurité des pèlerins n’est pas assurée ; entre les brigands locaux et les croisés aux buts peu louables, l’insécurité est générale et les pèlerinages deviennent parfois tragiques. Un petit groupe de chevaliers se propose alors au Roi de Jérusalem pour assurer la sécurité des pèlerins.
Au départ seuls deux chevaliers, Hugues de Payns et Geoffroy de Saint-Omer choisissent d’assurer la garde du défilé d’Athlit, le chemin d’accès le plus dangereux pour les pèlerins. Baudoin II, roi de Jérusalem, leur octroie rapidement une partie de son palais, à l’emplacement du Temple de Salomon. Ils se font alors assister par sept autres chevaliers français et en 1114, l’ordre des Pauvres Chevaliers du Temple voit rapidement le jour.
Celui-ci est officialisé par le Pape lors du Concile de Troyes en 1128 : il bénéficie d’une indépendance totale, morale et financière par rapport aux rois, les Templiers ont ainsi le privilège de ne dépendre que du Pape. Leur règle est rédigée par Saint Bernard (l’une des plus éminentes personnalités de l’époque), qui adapte la Règle de Saint Benoît au nouveau concept de Moine-Soldat : elle impose aux chevaliers la chasteté, la pauvreté et l’obéissance.
En 1139, l’Omne datum optimum est promulguée par le Pape. Elle officialise l’Ordre du Temple, reconnaît sa règle et place tous ses membres sous la protection directe du Saint Siège. Les missions de l’ordre sont alors les suivantes : défendre les pèlerins, préserver les territoires, faciliter le voyage, prier et trouver les financements nécessaires à leurs activités.
L’Ordre prend de l’ampleur, lentement d’abord, puis plus rapidement. Protecteurs des pèlerins, les Templiers deviennent progressivement conquérants de la Terre sainte. Lorsque la ville d’Ascalon tombe en 1153, ils sont les premiers sur les rangs des attaquants. Coutumiers du territoire Palestinien, ils diversifient leurs activités et se révèlent également de brillants diplomates et médiateurs.
Petit à petit, ce qui n’était au début qu’une petite équipe de neuf nobles se transforme en une organisation indépendante des plus puissantes et en moins d’un siècle, les Templiers développent un véritable réseau d’influences s’appuyant sur diverses sources de richesses :
– L’Ordre est avant tout la seule force militaire bien organisée avec une véritable unité de commandement et une discipline stricte regroupant plus de 15 000 hommes, bien plus que ce qu’aucun roi de la Chrétienté n’aurait pu espérer réunir!
– Importants propriétaires terriens, ils possèdent en Orient et à travers toute l’Europe de larges territoires sur lesquels ils exercent leur talent de bâtisseurs. Ils construisent de nombreuses forteresses (Krak) pour contrôler les territoires Francs et bâtissent des villages entiers tout en développant une production agricole et animale relayée par un puissant réseau commercial.
– Riches de telles possessions, le Temple se mue en une réelle puissance économique et devient l’une des principale institution financière occidentale. Les « Pauvres Chevaliers du Christ » exécutent diverses opérations financières :banquiers des biens de l’Église et de ceux des rois d’Occident (Philippe le Bel, Jean sans Terre, Henri III), prêt de sommes conséquentes pour les croisades ou autres, attestation de crédit (les pèlerins confient leur argent aux commanderies templières qui leur délivrent une attestation de crédit à hauteur des sommes perçues. Ils peuvent ainsi récupérer leur argent dans n’importe quelle autre commanderie templière et ne sont ainsi plus détroussés en chemin).
Pendant près de deux siècles, l’Ordre accroît son aura, cependant la succession d’échecs militaires, la reprise de Jérusalem par Saladin (1187) et la fin des croisades marque le retour définitif des templiers en Occident. Leur retour ne convient pas à tous car l’Ordre du Temple qui s’est largement renforcé et enrichi au fil du temps excite les jalousies et tout porte à croire que les diverses activités menées lui donnent une puissance qui permettrait de bouleverser l’organisation féodale …
Philippe le Bel, envieux vis-à-vis des Templiers, cherche par plusieurs moyens à les utiliser à ses fins. Tentant au départ d’en devenir le grand maître tout en restant Roi de France, il joua un jeu de trahison qui finit par l’arrestation, le vendredi 13 Octobre 1307 , de tous les Templiers du royaume. Devenus trop puissants et menaçant de dépasser les rois en fonction. Banquiers ou milices protectrices, ils avaient pourtant bien aidé Philippe le Bel en le protégeant par exemple des émeutes à Paris qui faillirent lui coûter la vie !
Un procès inique suit cette arrestation bien orchestrée. Pendant sept années, les Templiers en liberté cherchent à se justifier auprès du Pape, mais menacé par Philippe le Bel et ses sbires, ce dernier ne les écoutera souvent même pas ! Le 22 Mars 1312, le Pape Clément V abolit l’Ordre du Temple.
Le 18 Mars 1314, Jacques de Molay dernier grand maître du Temple (et vingt-deuxième) est livré aux flammes d’un bûcher dressé dans l’île de la cité de Paris. Celui-ci lance alors l’anathème «Clément, juge inique et cruel bourreau, je t’assigne à comparaître, dans quarante jours, devant le tribunal de Dieu ! Et toi aussi, roi Philippe !». De fait, Clément V et Philippe le Bel meurent respectivement le 20 Avril et le 29 Novembre de la même année …
Nombreux sont les mouvements sérieux ou non qui se sont attribués l’héritage des Templiers et ce thème est figure parmi ceux qui ont suscité le plus thèses et antithèses : le trésor des Templiers, l’ésotérisme des Templiers, la puissance des Templiers, … tous les ingrédients semblent rassemblés pour déchaîner les passions et les légendes !