Thème : MEDECINE ET SCIENCES NATURELLES Mardi 21 Octobre 2008
Par Michel Riottot – Ancien ingénieur de recherche au CNRS et Président d’Environnement 92
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la nutrition a été le seul moyen efficace dont disposaient les médecins si l’on excepte la saignée et la purge. C’était déjà le cas en Egypte et en Grèce antique. Le fameux Hippocrate, considéré comme le père de la médecine, avait enseigné que « l’aliment est le premier des médicaments ». Si le Moyen-Âge a marqué un recul des connaissances en occident, les Chinois firent, eux, de progrès grâce à leurs découvertes sur les plantes et à leur vision globale de la santé humaine. Le XXe siècle a été marqué par l’essor de la chimie médicamenteuse, prenant le relais des conseils nutritionnels, mais le XXIe siècle verra certainement une évolution vers des techniques beaucoup plus ciblées et le retour de la nutrition.
L’évolution de la nutrition humaine
Le fonctionnement de notre organisme est conditionné par l’évolution de l’homme au cours du temps. A l’époque des premiers hommes, pratiquant la chasse et la cueillette, survivaient ceux dont le métabolisme permettait de stocker l’énergie sous forme de graisses. La sélection naturelle s’est opérée dans ce sens, malheureusement pour nous. La nourriture était alors principalement carnée, avec quelques apports en fruits et racines. Quand l’homme s’est sédentarisé (de -10 000 ans à -1 700 av JC), il a commencé à varier son alimentation, avec notamment l’apport de céréales (riche en amidon). Puis, il a appris à fabriquer des aliments qui se conservent pour se prémunir de la faim (comme le pain), tout en cultivant davantage de légumes. Mais il pouvait encore y avoir des périodes de famine. Ce n’est plus le cas aujourd’hui dans nos pays développés, à l’ère de la mondialisation. La nourriture est importée des quatre coins du monde et nous sommes à l’abri du manque. Mais notre métabolisme est toujours « programmé » pour stocker l’énergie, comme il y a 10 000 ans.
A l’époque de la chasse et la cueillette, l’alimentation était constituée à 50-70% d’amidon (glucides), à 15-20% de graisses et 15-20% de protéines. A l’époque de l’agriculture, l’amidon représentait 60-75% des apports, les graisses seulement 10 à 15%, les protéines 10 à 15%, et le sucre 5%. Aujourd’hui, dans les sociétés modernes, l’amidon ne compte plus que pour 25-30%, les protéines 12%, tandis que l’apport en graisses dépasse 40% et le sucre 20%. Nous mangeons trop gras et trop sucré. Et il n’est pas certain que notre tractus digestif soit adapté à cette évolution, le passage d’une alimentation peu riche en calories à une alimentation très riche en calories s’étant fait très rapidement (moins de 100 ans).
Grâce à l’apparition de techniques de conservation des aliments (stérilisation, froid…), les maladies microbiennes et virales liées à la nourriture sont derrière nous ou en passe de l’être, mais nous sommes désormais confrontés à d’autres problèmes : obésité, diabètes, maladies cardio et cérébrovasculaires (MCV), calculs biliaires… Avec 170 000 décès par an, les MCV sont la première (voire la deuxième) cause de décès en France. L’obésité touche 10% des adultes et 13% des enfants. 40% des femmes de plus de 75 ans sont atteintes d’ostéoporose. On sait par ailleurs qu’une alimentation trop grasse est un facteur aggravant dans le développement des cancers, voire déclenchant. Le coût économique de ces maladies est loin d’être négligeable pour la collectivité : 4,5 milliards d’euros pour les MCV ou 1,8 milliards pour l’obésité.
Toujours plus d’obèses
Quelqu’un est obèse quand son indice de masse corporelle (IMC) est supérieur à 30. L’IMC, c’est le poids (kg) divisé par la taille (mètre) au carré (P/T2). Un IMC normal est situé entre 23 et 27 ; entre 27 et 29 la personne est en surpoids.
En France, 39% de la population est en surpoids, 10% sont obèses. En Allemagne, l’obésité touche 17% de la population (21% dans les zones de l’ex-RDA) alors qu’on dépasse les 40% aux Etats-Unis. Or nous sommes sur la même pente que les USA, avec dix ans de retard. Le plus inquiétant est de constater l’évolution de l’obésité chez les enfants français : elle était de 3% en 1960, 6% en 1980 et de 13% en 2000.
Les causes de l’obésité chez un individu peuvent être multiples. Dans seulement 2% des cas, l’obésité a une origine génétique claire. Elle peut aussi être due au stress, un phénomène remarqué chez les vétérans du Vietnam, ou à cause d’une lésion cérébrale dans la zone de l’hypothalamus, mais le plus souvent elle est provoquée par une hyperphagie. Le plus généralement, l’obésité a souvent une origine multifactorielle. Quelques défauts génétiques mineurs associés à des erreurs nutritionnelles peuvent provoquer l’obésité. Quand quelqu’un est obèse, ses adipocytes (cellules de stockage les graisses) s’hypertrophient mais aussi se multiplient – alors qu’on pensait dans les années 1970 que leur nombre était programmé dès la naissance). Ces cellules, à côté de leur fonction de stockage, jouent un rôle hormonal. Des expériences récentes (- de 10 ans) ont montré qu’elles produisaient plusieurs types de messagers biochimiques (hormones) renseignant le cerveau et plus particulièrement la zone hypothalamique (HT) sur l’état de stockage des graisses. Or cette zone HT est celle qui commande la prise alimentaire de l’individu. Ainsi en cas de diminution du stockage des graisses, un message de « faim » est envoyé au cerveau et l’individu s’alimente. Le cas inverse s’observe aussi, un message de « satiété » est envoyé lorsque le stockage est suffisant. Malheureusement, ces messages ne sont pas transmis par un seul messager, il y en a généralement plusieurs qui empruntent des voies de « transmission » différentes. On parle alors de redondance. Une bonne vingtaine de neurotransmetteurs permettent à l’hypothalamus, les organes digestifs (estomac, intestins, foie, pancréas) et le tissu de stockage (tissu adipeux) de réguler la conservation énergétique de l’individu. La sélection naturelle a probablement protégé l’espèce en multipliant les chances de fonctionnement des mécanismes de stockage de l’énergie seul capable d’assurer sa survie. Difficile donc de trouver un traitement unique contre l’obésité.
Les solutions pour lutter contre l’obésité sont à trouver du côté de l’alimentation. La prévention dans les phases précoces de la vie (gestation, prime enfance) est fondamentale. Les principes de base sont les suivants : un équilibre calorique des repas (règle du 421 : 4 parts de glucides, 2 de glucides et 1 de protéines), et limiter les entrées (calories) tout en augmentant les sorties (dépenses énergétiques).
Sous peine d’échec à court terme, il est conseillé de réduire seulement d’un quart sa prise calorique, de multiplier les petits repas et de diminuer fortement la prise de graisses et de sucres (saccharose…). Pour augmenter les sorties, l’exercice physique doit être accru, par exemple, 30 minutes de marche rapide journalière est un minimum.
En 2001, le ministère de la Santé a lancé le programme national Nutrition-Santé. Son objectif est d’améliorer l’état de santé des Français en augmentant la prise de fruits et légumes de 25%,(5 différents par jour), la consommation de calcium de 25%, en réduisant la part des graisses à moins de 35% (en calories), d’augmenter la part des glucides complexes (amidon : pain, pâtes, pomme de terre, riz…) à plus de 50%, réduire de 25% la consommation de saccharose (même caché dans les pâtisseries…), et de limiter l’apport de sel dans notre alimentation. De grandes campagnes d’information ont, depuis, été lancées auprès du public. Car plus que jamais, la nutrition est une affaire de santé publique.
En savoir plus …
Coté Livres :
Le Guide Nutrition Et Santé
Auteur : Philippe Cornet
Editeur : Vidal
http://www.priceminister.com/navigation/se/category/sa/kw/le+guide+nutrition+et+sant%e9
Bon poids, bonne forme au quotidien.
Auteur : Docteur Jean-Pierre Ruasse
Editions : Ipredis
Coté Web :
http://www.hc-sc.gc.ca/index-fra.php
http://fr.move-eat.be/intro.php
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