Thème : MÉDECINE ET SCIENCES NATURELLES Mardi 14 octobre 2003
LE RÔLE DU VÉTÉRINAIRE EN PARC ZOOLOGIQUE, » La fin de l’ère Daktari «
par Florence OLLIVET COURTOIS – Docteur Vétérinaire
En guise d’introduction, Florence Ollivet-Courtois indique que l’examen des activités du vétérinaire en parc zoologique permet d’appréhender l’ensemble des actions entreprises pour les animaux dans ce type d’endroit.
En premier lieu, le rôle du vétérinaire est de prévenir toute maladie ou accident médical.
La médecine préventive
Les animaux sont très avares de symptômes : la meilleure médecine est donc la prévention. Elle se pratique de diverses manières :
a) l’alimentation dispensée doit être correcte et appropriée
Pour être en bonne santé, certains animaux nécessitent un régime particulier :
– les fauves en captivité doivent consommer aussi bien viande et os que compléments vitaminés,
– les vautours n’apprécient que la viande en décomposition,
– le panda se nourrit essentiellement de cellulose alors qu’il est pourvu d’un estomac de carnivore, etc.
En captivité, le problème principal lié à l’alimentation est celui de l’obésité. Privés de l’activité qu’ils devraient avoir en milieu naturel, les animaux sont souvent confrontés à une trop grande prise de poids. Le vétérinaire procède donc à des pesées systématiques et régulières.
L’acte alimentaire permet également au praticien d’améliorer son suivi médical :
– l’entraînement à la prise d’ » aliments favoris » est un moyen d’administrer facilement des médicaments à l’animal,
– nourrir un animal permet d’obtenir de lui des actions qui améliorent sa surveillance : c’est le medical training. Dressée, la bête se laisse facilement approcher et examiner.
b) Les qualités sanitaires du milieu, et notamment de l’eau, doivent être optimales
c) Il faut régulièrement procéder à des vaccinations et vermifugations
Le vétérinaire : un multi-spécialiste
En parc zoologique, le vétérinaire intervient sur une extrême variété d’espèces d’animaux et de problèmes médicaux. Il ne fait donc jamais le tour de sa profession, qui cumule quantité de spécialités.
a) Avant toute chose, le vétérinaire doit s’adapter et être créatif
Les exemples ne manquent pas de bizarreries liées au fait que les parcs zoologiques sont des lieux publics. Les visiteurs peuvent être vecteurs d’accidents : à Vincennes, un manchot s’était ainsi blessé en avalant un pic plastique » Hippopotamus « ; le corps étranger avait perforé le ventre de l’animal.
Le traitement médical de certains animaux nécessite aussi quelquefois de l’imagination : afin de soigner une souris-éléphant, on a eu recours à un appareil radiologique dentaire et on a dû fabriquer un masque en plastique adapté à la taille de l’animal.
b) Le vétérinaire chirurgien
Les parcs zoologiques possèdent des équipements pour interventions chirurgicales relativement lourdes.
c) Le vétérinaire dentiste
Tout comme un dentiste, le vétérinaire est appelé à soigner divers problèmes liés aux dents de ses » patients « . Ces interventions sont souvent les mêmes que celles qui sont effectuées sur les hommes : extractions, dévitalisations, etc.
d) Le vétérinaire ophtalmologue
Là aussi, les affections animales entraînent parfois les mêmes traitements que chez les hommes.
Ne pas soigner peut affecter aussi bien le physique que le comportement de l’animal.
Au zoo de Vincennes, un fennec atteint d’une double cataracte souffrait de graves problèmes relationnels avec ses congénères : une opération des yeux a rapidement réglé le problème.
e) Le vétérinaire anesthésiste
L’ensemble des opérations médicales pratiquées sur les animaux ne nécessite pas une anesthésie générale.
Lorsque c’est le cas, le vétérinaire a recours à la » télé-anesthésie « . Celle-ci se pratique à l’aide d’un fusil à lunette chargé de flèches hypodermiques : utilisées pour des distances pouvant aller jusqu’à 30 mètres, les flèches permettent aussi bien l’anesthésie que l’injection d’autres produits médicamenteux. Sur de petites distances, les vétérinaires préfèrent parfois au fusil l’utilisation de petits pistolets ou de sarbacanes.
Il n’est pas toujours indispensable ou possible de procéder à une télé-anesthésie : dans ce cas, il faut courir après l’animal et l’immobiliser. L’opération peut alors s’avérer difficile : il n’est, par exemple, pas possible de contenir un primate dès lors qu’il atteint 6 kg.
Voici donc présentées quelques-unes des « spécialités » du vétérinaire en parc zoologique. Les affections dont souffrent les animaux ne sont pas toutes inhérentes aux espèces ou aux accidents. Parfois c’est la captivité même qui en est l’origine.
Les problèmes liés à la captivité
a) Des surfaces qui font défaut
Les surfaces limitées des parcs zoologiques entraînent des complications d’ordre physique chez les animaux.
Il s’agit souvent de cas d' »onglons », c’est à dire de sabots ou d’ongles qui ne s’usent pas suffisamment. Pour cela, le vétérinaire emploie des méthodes de parage, de curetage et de ponçage des pieds.
b) L’ennui des animaux
La question du bonheur des animaux en captivité fait l’objet d’études depuis une trentaine d’années. En parc zoologique, beaucoup de bêtes se portent très bien. Cependant, quelques individus développent des troubles comportementaux qui peuvent dégénérer en problèmes physiques (exemples d’usure de pieds et de dents, etc.).
Les vétérinaires ont envisagé plusieurs solutions :
– augmenter les interactions humains-animaux (cette solution est toutefois de plus en plus évitée, car elle peut entraîner à terme d’autres problèmes),
– redonner une surface par une occupation plus réfléchie du volume (exemple de confection de hamacs pour les ours), – mettre en place des jeux (introduction de cônes de signalisation routière et de gros blocs de glace contenant pommes et poissons dans l’enclos des ours polaires).
La conservation des espèces
Toutes les activités développées par le vétérinaire et ses aides autour des animaux tendent en fait à un seul et même but : la conservation des espèces menacées. C’est l’objectif premier des pars zoologiques.
Elle commence par une bonne gestion de la reproduction.
a) La reproduction
En général, tout se passe très bien tout seul. Mais un certain nombre d’espèces, notamment félines, demandent des méthodes d’insémination artificielle, et la transplantation embryonnaire se pratique sur des cervidés. Dans ce cas, l’eugénisme est toléré.
Inversement, il faut parfois stopper la reproduction chez certains animaux : le vétérinaire emploie des techniques de maîtrise des naissances qui sont réversibles (endoscopies, implants d’hormones) ou définitives (vasectomies). Ces solutions suivent les normes des » plans d’élevage européens « .
Après les naissances, les vétérinaires sont aussi quelquefois appelés à » biberonner » pour prévenir des maladies ou remplacer une mère qui n’élève pas correctement ses petits.
b) La réintroduction en milieu naturel
La conservation des espèces menacées permet éventuellement la réintroduction des animaux dans leurs milieux naturels.
A Vincennes, de nombreux programmes sont en cours : ils concernent l’oryx, l’addax, le chimpanzé, l’éléphant (dans d’autres zoos), etc. Mais, là encore, les problèmes viennent souvent du domaine de comportement de reproduction.
Pour pallier le plus grand nombre d’insuccès, les vétérinaires mettent en place des » stages de réintroduction » pour les animaux, et pratiquent la pose d’émetteurs et d’implants d’identification électroniques sur les animaux, pour les suivre dans leur évolution.
c) La mort des animaux
Toutes ces techniques n’empêchent pas le décès d’individus (maladies, vieillesse, accidents, etc.). Le vétérinaire est systématiquement obligé de pratiquer une autopsie, comprenant une histologie des organes et la conservation des informations en banques de données pour éviter toute maladie ou virus futurs.
Ce faisant, le vétérinaire entre dans le domaine de la recherche et contribue à la conservation des espèces.
d) La pédagogie
Conserver, c’est aussi apprendre à connaître, pour mieux aimer et respecter. Une des missions du vétérinaire est de faire connaître les animaux:
– par l’intermédiaire de cours donnés dans les écoles,
– à travers les relations aux médias (l’objectif est d’obtenir des fonds).
Conclusion :
Le parc zoologique remplit des rôles dans différents domaines : la conservation, la recherche, la pédagogie, les loisirs.
Dans tous ces rôles, le vétérinaire a sa place.
A la fin de la conférence, illustrée de nombreuses diapositives, Florence Ollivet Courtois se prête de bonne grâce aux questions de son auditoire. Le débat est notamment l’occasion, pour ce docteur émérite et globe-trotter, d’évoquer son expérience de vétérinaire sapeur-pompier.
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