Thèmes: Sciences, Société                                          Conférence du mardi 21 novembre 1989

L’ARBRE, SES AMIS, SES ENNEMIS

Par Christian Coulon, président de la Société Eden Vert et Raymond Hebecq, nous ont parlé de l’arbre en milieu urbain et péri-urbain./

Le milieu d’origine de l’arbre est la forêt. En France, la forêt est entretenue et exploitée. Les produits récoltés vont vers le chauffage, le bois de construction, la fabrication de meubles, et les industries dérivées telles que la fabrication du papier.

A ce titre, l’arbre est une richesse./

Dans son univers d’origine, il évolue dans un écosystème naturel./

L’arbre est devenu un repère, un signal, il a suivi l’évolution de l’homme et par là même, !’évolution de son cadre de vie. Nous sommes passés du concept de production à la notion d’ornement. « Nous pouvons même ajouter, sans faire rougir, ni Saint-Louis, ni les révolutionnaires de 1789, qu’il est le témoin de notre histoire sous forme de symbole de justice et de liberté »./

Malheureusement, sa situation n’est pas toujours aussi favorable que !’on pourrait le souhaiter.

Toute la vie de l’arbre en milieu urbain se déroule dans un milieu artificiel plus ou moins adapté. L’arbre, cet être vivant, élément psychologique équilibrant, si nécessaire à l’homme de la cité, est trop souvent ravalé au rang de mobilier urbain. Il perd toute la valeur symbolique ou décorative que l’on devrait logiquement lui attribuer en étant le parent pauvre et en se positionnant en dernier dans les réalisations./

Agressions sur les racines –

Il est simple de constater que l’arbre urbain ou périurbain évolue dans un milieu soumis à des contraintes multiples et cumulatives : environnement, voirie, réseaux, enrobage intensif, tassement, piétinement. Il est donc agressé de toutes parts : au niveau du système racinaire, au niveau du tronc, des charpentières et du système foliaire.

Nous devons donc veiller de manière réaliste à ne pas augmenter ces agressions au cours des interventions d’entretien ou de plantation.

Pour qu’un arbre puisse croître normalement, il est vital que son système racinaire se développe en parallèle de manière harmonieuse. Or, la moyenne du volume consenti aux trous de plantation des arbres se trouve comprise en règle générale entre un et quatre mètres cubes. C’est peu pour obtenir un résultat satisfaisant. « On pourra m’opposer le problème des réseaux qui représentent un facteur limitatif ». Néanmoins, il existe parfois d’autres voies dont celle qui consiste à planter moins, mais surtout planter mieux./

Le système racinaire a besoin d’eau, d’oxygène et d’éléments nutritifs. Leur pénétration dans le sol ne paraît pas évident dans la plupart des cas. En effet, les enrobages intensifs sont un frein, sinon une annulation pure et simple de la libre circulation naturelle de l’air et de l’eau. Ils excluent le recyclage des matières végétales en éléments fertilisants. Les terres s’appauvrissent. Les arbres s’affaiblissent et dépérissent.

Pour réagir contre cet aspect négatif, il existe des procédés simples : d’une part la mise en œuvre d’engrais organiques lorsque la surface disponible autorise des échanges gazeux sans appauvrir le milieu en oxygène si nécessaire à la dégradation des matières organiques, mais également à un bon état des racines, d’autre part, une fertilisation chimique liquide par procédé de pal injection. Cette deuxième technique permet l’introduction d’eau et d’air sous pression assurant ainsi le décompactage et l’aération du sol. L’eau sous pression sert à la pénétration de la sonde et il est possible de choisir la quantité désirée. L’adjonction d’air sous pression agit également dans le sens de la macroporosité du sol par fissurage. Elle facilite |’évolution du système racinaire./

Les réseaux (eau, gaz, électricité, etc.), lors de la plantation des arbres, génèrent des problèmes de même que l’installation de ces mêmes réseaux dans des créations paysagères déjà existantes. On peut citer par exemple, les tassements, les compactages, les enrobages ou les asphaltages intensifs qui privent inéluctablement le système racinaire d’une partie de son alimentation donc de son efficacité./

Les solutions envisageables sont le recours à des moyens préventifs tels que le choix de matériaux filtrants ou poreux ou encore, la pose de système de drainage/

Mais beaucoup plus graves sont l’arrachage et la déchirure des racines qui correspondent à une interruption pure et simple de l’activité végétative de la partie du système lésée. S’il existe des remèdes faisant partie de la chirurgie arboricole : est-ce que la vraie solution n’est pas de mettre en place des moyens qui suppriment les causes ?/

De nombreux arbres meurent également à cause des fuites de gaz et du salage. Les remèdes sont peu nombreux : le lessivage à grande eau des terrains contaminés, l’emploi du phosphogypse ou de certains engrais./

On obtient des résultats désastreux par l’emploi irraisonné ou totalement erroné de certaines molécules herbicides présentant des caractères de rémanence dans le sol./

Il s’agit surtout d’un problème d’absorption racinaire.

Agressions sur les troncs, branches et feuillage

L’écorce, enveloppe protectrice de toute partie ligneuse de végétal, joue pour l’arbre, le rôle de notre peau. Toute atteinte accidentelle ou volontaire de celle-ci détermine des portes et des ouvertures vers l’intérieur de l’arbre, donc des potentialités de pénétration des organismes pathogènes ou saprophytes./

Cette fine pellicule est génératrice des tissus conducteurs : le liber et le bois. Il est l’élément de base de la croissance des arbres. Si un arbre n’est plus protégé par son enveloppe extérieure, ce bois est alors très rapidement attaqué par des champignons lignivores./

Les élagages drastiques peuvent être considérés comme le plus grand des maux que !’on puisse faire subir aux arbres./

De manière générale, les plaies de fortes sections, mal pansées, non protégées, ne cicatrisent pas, pourrissent et génèrent des cavités. Le développement du bourrelet cicatriciel très souvent de forme irrégulière n’est pas suffisamment rapide, l’altération du bois interne s’accroît, la cavité gagne du volume. Le coefficient de résistance mécanique diminue. L’arbre devient dangereux.

Lors des opérations de taille sur des houppiers, la suppression de certaines parties de charpentières non raisonnées donnent exactement les mêmes résultats quant à |’évolution des pourritures. Bien plus, à partir de telles sections et suite à la levée de dormance de bourgeons, des rameaux apparaîtront qui deviendront des branches de plus en plus pesantes. Il y a risque de rupture sur un point fragile.

Il y a donc contradiction flagrante entre cet état de choses et la sécurité que l’on prétend rechercher lorsque l’on taille un arbre.

La vraie solution, la plus rationnelle, est celle qui consiste à choisir un mode de gestion adapté à chaque style de plantation. Il faut également retenir la méthode des tailles légères (toilettage). Au niveau technique, il faut sélectionner des rameaux, des branches existantes aux endroits des coupes et que l’on appelle tire-sève. Les tire-sèves seront les éléments moteurs du processus de la cicatrisation qui assure la fermeture des plaies. L’application de produits cicatrisants faisant office d’écorce artificielle en préservant le bois de toute invasion extérieure confortera la situation vers le résultat souhaité. Le choix de taille est indiscutablement justifié dans le cas des arbres de parc.

Bien avant l’apparition de la tronçonneuse et des nacelles élévatrices, nos anciens taillaient peu leurs arbres ou, lorsqu’ils le faisaient, c’était pratiquement toujours à bon escient en utilisant des scies et des hachettes. On est en droit de se poser la question de savoir si une certaine facilité technique n’est pas la source des malheurs des arbres.

Il est toujours possible en restant circonspect et objectif, de pratiquer des opérations de chirurgie arboricole. Les coûts en étant toutefois relativement élevés, « je mettrais en garde contre les sauvetages insensés et contre le recours à la chirurgie pour le plaisir de la chirurgie ».

Lorsque l’on a bien fixé les limites du « champs opératoire », les interventions se réalisent en respectant des règles précises. Il convient dans un premier temps d’éliminer intégralement les parties nécrosées et pourries et de revenir sur du bois sain, non altéré par des mycéliums de champignon. Cette élimination délicate et obligatoire s’effectue à l’aide d’un instrument agressif du genre rabot. On donne volontairement une forme d’écusson ou de losange à la plaie. Le fond de la cavité est débarrassé de ses aspérités. Après traitement antifongique et insecticide de la surface, l’ensemble est protégé par un produit cicatrisant faisant office d’écorce artificielle et dont la pérennité est de l’ordre de cinq à six ans. Pour des arbres bien nourris, et des plaies peu ou moyennement profondes, le bourrelet cicatriciel se développera harmonieusement et l’on est assuré à 100 % d’une issue favorable pour la santé des arbres.

Les opérations de chirurgie requièrent dans les cas extrêmes, la pose de tiges de renforts aptes à restituer une rigidité mécanique d’ensemble ainsi que la pose de câbles ou de tuteurs./

Problèmes parasitaires –

Ils affectent tous les ans les plantations d’ornement. L’arbre en milieu urbain est dans une situation particulièrement difficile ; il est donc réceptif et sensible aux attaques parasitaires de tout ordre, qu’elles soient d’origine animale ou crypto-organique.

Toute diminution de volume foliaire, affectant un des éléments de la pompe, ne peut correspondre qu’à une perte de stockage. L’appauvrissement des réserves devient dramatique puisqu’il y a déjà accumulation de stress physiologiques inhérents à la structure d’implantation. La monospécificité d’espèces vient encore compliquer la situation.

Parmi les parasites les plus connus on peut citer : les acariens sur les conifères, responsables en plus de phénomènes allergiques, notamment oculaires, les pucerons qui au cours de leur alimentation excrètent du miellat, substance collante et sucrée sur laquelle viennent se greffer des champignons saprophytes souillant tout ce qui se trouve placé à proximité ou en dessous, les cochenilles qui rejettent à l’intérieur des arbres, par l’intermédiaire de la sève, des toxines, les chenilles gènantes par les consommations de feuillage qu’elles réalisent et par la prolifération des poils urticants qu’elles disséminent sur le sol et qui sont responsables de phénomènes allergiques…

Interventions dans la vie quotidienne –

Dans un premier temps, l’aspect général ou partiel d’un ou plusieurs arbres semble anormal et attire l’attention. Un examen approfondi est nécessaire : localisation et étendue des dégâts sur les plantes, observation du système aérien et parfois du système racinaire. À chaque fois que la solution ne paraît pas limpide au premier abord, des analyses de laboratoires sont reçues auprès de l’Institut de la recherche agronomique ou par les services de la protection des végétaux dépendant du ministère de l’agriculture.

La détermination précise du parasitisme à combattre et de sa biologie, permet le choix du ou des produits à mettre en œuvre, les époques et les fréquences d’application.

La conférence présentée par Raymond Herbecq a été accompagnée par la projection d’un diaporama et d’une démonstration dans le parc de la mairie, d’une taille d’arbre, avec l’utilisation de méthodes d’alpinisme.

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