Thème : SCIENCES NATURELLES Mardi 8 Mars 2011
Dr Henri Quinque, Chirurgien, président fondateur du CAVEX
Depuis l’apparition de la vie sur Terre, des millions d’espèces se sont développées, et des millions ont disparu. Selon le principe montré par Charles Darwin, celles qui n’ont pas su évoluer se sont progressivement éteintes. Mais leur disparition est parfois due à des causes brutales. L’Histoire a connu cinq extinctions massives. Il y a 250 millions d’années, 95% des espèces marines ont succombé à une élévation du CO2 et de la chaleur des mers. Lors de la disparition des dinosaures, provoquée par la collision d’une météorite dans le Yucatan, ce sont 75% des espèces déjà évoluées qui ont disparu. Seuls les petits mammifères ont survécu. Aujourd’hui, nous assistons à la sixième extinction massive, et ce dans un laps de temps très court, depuis cinquante à cent ans à peine. Et ceci en raison de l’activité humaine. Dans Le Grand Massacre, le Pr Ramade écrit que 15% des oiseaux et 25% des mammifères sont condamnés dans les cinquante années à venir. Cinq plantes disparaissent chaque jour ; 600 000 km2 de forêts sont détruits chaque année. La France, pourtant l’un des trois seuls pays à avoir su faire prospérer sa surface forestière, est depuis cinq ans le sixième pays le plus à risque en termes d’extinction des espèces. Dans nos départements d’outre-mer, cinquante espèces d’oiseaux sont directement menacées. Même en métropole on a pu constater que la population des moineaux, des tourterelles et des rouges-gorges avait diminué de 20% en cinq ans. Les mésanges charbonnières dont les œufs ne fournissent plus d’embryon sont dix fois plus nombreuses qu’auparavant.
Dans le même temps, l’homme se porte à merveille. La population mondiale s’accroit de 82 millions d’habitants par an. En France, l’espérance de vie augmente de trois mois chaque année, et une fille née aujourd’hui a une chance sur deux de vivre centenaire. Il faut donc tenter d’empêcher le désastre, que notre mode de vie ne provoque la fin de la vie de la faune et de la flore.
Le conservatoire des animaux en voie d’extinction
Passionné depuis mon plus jeune âge par les animaux, j’ai créé le CAVEX (conservatoire des animaux en voie d’extinction), qui travaille en étroite relation avec l’Association pour le Sauvetage et la Sauvegarde des Animaux (A.S.S.A.). Le conservatoire assume plusieurs missions : sensibiliser le public à la défense de l’environnement, plus particulièrement les scolaires ; sauvegarder et faire se reproduire les espèces menacées pour les réintroduire dans la nature ; mener des recherches scientifiques en partenariat avec le Muséum National d’Histoire Naturelle et un groupe de vétérinaires hautement spécialisés ; former à la profession de soigneurs animaliers.
Dans nos centres en Anjou et en région parisienne, nous accueillons cinq cents espèces d’animaux menacés, des oiseaux, des perroquets et des mammifères que nous sommes allés chercher dans leur pays d’origine.
Nos oiseaux : le jabiru, des flamants, des grues du paradis, des grues du Japon (il n’en restait que 17 en 1930, mais elles ont été sauvées grâce à la captivité, quand l’empereur les a consacrées « monument de la nature »), des grues couronnées (dont la population dans le monde décline d’année en année), le cygne à col noir, la bernache à cou roux, l’agami, le serpentaire (un rapace qui n’a pas de serres)… Nos protégeons également le touraco géant, un oiseau rare, difficile à faire vivre en captivité ; le coq de roche de Guyane dont les pattes ont une force énorme, le cotinga de Cayenne, le cotinga Pompadour, le calao des Salomon. Nous sommes les premiers au monde à avoir réussi à élever en captivité l’oie pygmée d’Afrique et le pigeon soyeux de Nouvelle-Calédonie. Nous avons le premier groupe mondial de cagous, ces oiseaux endémiques de Nouvelle-Calédonie qui ont de grandes ailes mais qui ne savent pas s’en servir : ils n’ont pas de prédateur (l’île est dépourvue de serpents). Les cagous figurent au premier rang des douze oiseaux les plus menacés.
Nos perroquets : il existe 335 espèces de perroquets, dont un grand nombre est sous la menace d’une disparition rapide. L’une de nos plus belles pièces est l’amazone de Marajo (qui est endémique à cette île du Brésil et qui est très rare). Nous préservons également le guarouba, l’amazone de Cuba (qui avait été ramené par Christophe Colomb de sa première expédition, et qui fut plus récemment sauvé par Fidel Castro), l’ara hyacynthe, le cacatoes microglosse, la nymphique de Nouvelle-Calédonie, la nymphique d’Ouvéa… Nous possédons le plus grand nombre d’amazones de Saint-Vincent au monde. Cette espèce de perroquets avait vu sa population s’effondrer de 75% après l’éruption du volcan de la Soufrière (1979).
Nos mammifères : nous accueillons de nombreux primates, essentiellement des petits singes (nous n’avons pas la place pour des gorilles ou des orangs-outans) comme le ouistiti à pinceaux, le tamarin pinché (qui a totalement disparu dans son Etat d’origine, la Colombie), le ouistiti de Geoffroy, le saki satan, l’ouakari rubicond, le gibbon… Ma femme et moi avons passé quarante ans de notre vie avec cet animal très intelligent, qui fait partie des cinq primates les plus évolués, qui marche en position bipède. Sa disparition serait un meurtre. Nous avons aussi en permanence une centaine de singes-lion à tête dorée (le plus grand groupe au monde), au visage magnifique, et qui a quasiment disparu en même temps qu’on le découvrait au Brésil.
Nos parcs sont aménagés avec des abris et des volières spécialement construits pour ces animaux en voie d’extinction, avec une température et une hygrométrie parfaitement adaptés. La préparation des menus est extrêmement complexe, il faut être précis dans les dosages. Par ailleurs, nos laboratoires d’incubation permettent de veiller sur les nouveau-nés. Nous formons le personnel et de nombreux stagiaires, qui viennent apprendre chez nous à traiter les animaux en voie d’extinction avant de partir travailler dans les zoos du monde.
Lors de nos voyages, nous avons croisé la route d’espèces que nous ne pouvions ramener, car ils ne survivent pas en captivité, comme le hoatzin, de l’île de Marajo. Cet animal est un trait d’union entre le reptile et l’oiseau. Son jabot est comparable à la panse des ruminants, il niche toujours au-dessus de l’eau car, en cas de danger, les bébés se laissent tomber dans l’eau : ils savent nager et peuvent même remonter dans leur nid grâce aux griffes de reptiles situées au coude de leurs ailes et dont ils sont pourvus pendant les trois premiers mois de leur vie.
Nous mettons beaucoup de cœur dans notre travail, et il assez triste de constater ce qui semble être l’inéluctable disparition d’espèces magnifiques. A Bali, le martin de Rothschild a disparu de cette île dont il est une espèce endémique. A Bornéo, nous avons constaté que la jungle avait laissé la place à des champs à perte de vue de palmiers à huile. La disparition de son habitat naturel est en train de tuer l’orang-outan, dont il ne reste que quelques spécimens dans les zones les plus montagneuses.
Réintroduction dans la nature des animaux qui naissent au Conservatoire
La poussée démographique démente qui submerge le domaine nécessaire à la survie des animaux rend ce problème très difficile.
Par exemple, nous nous préoccupons avec attention du territoire de la Nouvelle Calédonie pour y réimplanter les cagous nés en France.
Ce magnifique pays exploite un minerai, la garniérite qui produit le nickel. L’extraction se fait au sommet des montagnes avec d’énormes Caterpillar qui creusent des routes jusqu’au sommet. Du côté central se trouve alors un mur vertical de 4 à 5 mètres de haut ; du côté extérieur sont rejetés les arbres arrachés et les roches. Le Cagou ne peut plus franchir ni l’un ni l’autre, car il est incapable de voler. Les routes ainsi créées permettent l’accès des voitures, des chasseurs et de leurs chiens si redoutables pour cet oiseau fragile.
Les abattages, les conflits ethniques et les feux aggravent encore les choses. Il n’y a pas de canadairs en Nouvelle Calédonie et pas de pompiers en dehors des villes. Pour cela, il est sage d’élever ces oiseaux en captivité pour éviter leur disparition en attendant des jours meilleurs.
Partout autour du monde, des problèmes compliquent la réintroduction des animaux :
Au Brésil c’est la route amazonienne, l’orpaillage et la destruction de 99 % de la forêt atlantique.
En Guyane française : les exploitations forestières sont autorisées à condition de replanter, ce qui ne se fait jamais. L’orpaillage qui tue les cours d’eau et l’immigration surinamienne et le banditisme laissent peu d’espoir dans cette magnifique Amazonie française.
En Afrique francophone : brulis permanent incontrôlés, et les braconniers soudanais, souvent meurtrier pour les gardes, tuent les éléphants et vendent la viande boucanée des exceptionnelles antilopes de Derby.
Et pourtant, malgré tous ces malheurs, nous restons persuadés que le sauvetage des espèces en danger est encore possible parce que nous avons vu dans certains pays, dont le nord-est brésilien, des zones restées intactes car inexploitées depuis la fin de la fièvre de l’or et du diamant.
L’éducation du public surtout scolaire occupe une part importante de nos activités.
Un personnel spécialisé va au contact des écoliers dans les mairies, les conseils généraux, les établissements scolaires et régulièrement à la Cité des Sciences de la Villette où nous accueillons chaque fois 30 à 35 000 visiteurs. Nous imprégnons les enfants dès leur très jeune âge. Quand ils comprennent le miracle de la nature vivante ils l’aiment passionnément et la défendront toute leur vie.
Cet exposé a été illustré par un diaporama de 100 photographies puis un film a été projeté sur la mission du CAVEX.
Vous pouvez nous contacter par email « cavex@wanadoo.fr »
En savoir plus …
Coté Livres :
Sur la piste des animaux en danger
Auteur : Docteur Henri QUINQUE
Coté Web :
http://cavex.free.fr/accueil_027.htm
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