Thème: Sciences Conférence du mardi 7 avril 1992
Par Bernard Dupont, passionné de botanique et d’entomologie. Il nous a présenté et commenté de superbes photographies d’insectes, plantes et paysages du Vivarais cévenol.
Dans ce compte-rendu, nous ne pouvons malheureusement en présenter que quelques exemples qui se prêtent à l’impression noir et blanc..
Pénétrons dans le jardin de Monsieur Dupont.
La cigale –
la cigale se déplace avec rapidité dans la végétation grâce aux bonds que lui permettent ses pattes. Elle est bien camouflée par sa couleur. Elle se nourrit des sucs des plantes qu’elle aspire sur les tiges et les feuilles.
La chenille du sphinx du gaillet –
Elle est d’un brun noirâtre avec de grandes taches à l’avant du corps. Devenu papillon, le Sphinx prend son vol dès la tombée du jour et va visiter les fleurs de chèvre-feuille et autre caprifoliacée. Ensuite, il se livre à son vol nuptial. Le mâle voltige autour de la femelle posée à terre et la frôle de ses antenes, il s’éloigne et puis revient ; il continue ce manège jusqu’à l’accouplement. La femelle pond une centaine d’oeufs sur le gaillet.
Le doryphore –
Ce coléoptère redoutable est originaire d’Amérique du Nord, d’où il est passé en Europe pour s’y répandre maintenant dans presque toutes les contrées. Il hiberne à l’état adulte sous terre. Une femelle peut pondre jusqu’à mille oeufs et les larves rouges sont capables de détruire en très peu de temps toutes les feuilles d’un champ de pommes de terre. Les adultes mangent eux aussi les feuilles.
Le méloé violet –
Le méloé peut, en cas de danger, exsuder un liquide huileux qui sent très mauvais et contient un poison, la cantharidine. Les femelles sont gonflées d’une quantité innombrable d’oeufs et se traînent littéralement. Elles sont incapables de voler, pas plus d’ailleurs que les mâles. Les oeufs, plusieurs milliers pour chaque femelle, sont pondus dans la terre au voisinage de fleurs. Les larves rampent bien vite jusqu’aux fleurs pour se cramponner à une abeille dans tous ses déplacements. Mais il faut qu’elle soit transportée jusqu’à la ruche pour pouvoir s’y nourrir de miel et de pollen.
La nèpe cendrée ou scorpion d’eau –
La nèpe se tient à proximité d’eau peu profonde, souvent sur des plantes aquatiques et des pierres, parfois à la surface de l’eau. C’est une très mauvaise nageuse qui se noie facilement. Son tube respiratoire se trouve placé au bout de l’abdomen. Ses pattes antérieures sont transformées en organes préhensibles.
Les ptérophoridés –
Les ptérophoridés ne ressemblent pas aux papillons habituels. Leurs ailes sont divisées en lamelles étroites, ciliées des deux côtés comme des plumes d’oiseaux. Au repos, ils se tiennent les ailes écartées sur le côté. Leurs pattes sont très longues et quand ils se posent, ils gardent leur paire de pattes arrière étirée. Ces papillons volent surtout au crépuscule et pendant la nuit, parfois aussi le jour quand ils sont effrayés. Les chenilles vivent sur de nombreuses plantes différentes.
Le grand paon de nuit –
Le mâle de ce papillon vole le jour. La femelle, plus grosse et plus terne, ne déploie d’activité que dans l’obscurité. Le mâle retrouve la femelle grâce à ses antennes géantes qui lui révèlent l’odeur particulière de la femelle, la phéromone (*). Cette odeur, propre à la plupart des papillons porte à plusieurs kilomètres.
(*) – Secrétion glandulaire comparable aux hormones, mais qui est rejetée hors de l’organisme. Les phéromones jouent un rôle important dans la transmission des messages chimiques.
La strangalie tachetée –
Elle visite volontiers les fleurs pour s’y repaître de nectar et de pollen. Les larves vivent dans les souches d’arbre et les branches mortes de divers feuillus comme les bouleaux. La plupart des quelques trente espèces sont cependant rares.
La libellule déprimée –
Elle doit son nom à son large abdomen aplati qui, chez la femelle est jaune brun. Perchée sur une brindille, la libellule reste à l’affût d’une proie, vers laquelle elle est prête à foncer à tire d’ailes. Quant à l’accouplement, il ne dure que quelques secondes. la femelle pond ses oeufs en vol sous la surface de l’eau.
Le lucane ou cerf-volant –
La femelle du lucane ou cerf-volant est nettement plus petite que le mâle. Après s’être accouplée, elle choisit, pour déposer ses oeufs, une souche pourrie ou un tronc vermoulu de chêne. La larve met cinq ans pour atteindre son complet développement. Elle est alors un géant qui atteint jusqu’à 10 cm de long. Pour se transformer en nymphe, elle construit un cocon avec du vieux bois. Le mâle reste dans son cocon jusqu’à ce que ses longues mandibules soit durcies.
La pardose –
Cette araignée ne file pas de toile, mais pour attaquer sa proie, elle saute dessus et la paralyse en lui donnant un coup de dents de ses mandibules empoisonnées. Lorsque son poison a dissout les parties molles de sa victime, l’araignée la suce.
ANNEXE I
ANNEXE II
Je crois être fidèle à l’esprit de la conférence de Monsieur Dupont que ne reflètent pas le noir et blanc de nos illustrations, ni le texte du compte-rendu à qui il manque à la fois la chaleur et le ton amusé de la voix.
D’un vieux livre écrit vers 1940 dans nos compagnes hurepoises par un entomologiste poète, mais à qui il manque les couleurs et l’art de la photographie rapprochée. Je tire quelques observations sur des insectes que Monsieur Dupont nous a montrés dans leur splendeur et qui avaient, cinquante ans plus tôt excité la curiosité, accentué l’émerveillement et suscité les réflexions de notre entomologiste poète, Marcel Roland, dont je n’ai malheureusement que le Tome V : « Amour, harmonie, beauté » de son ouvrage : « Les bois, les champs et les jardins – Vues sur le monde animal ».
Amour – Le perce-oreille :
« Je venais de prendre le courrier dans notre boite à lettres … quand une chose brune, tombée d’un pli, se mit à trotter sur mon bureau … j’avais reconnu un de mes amis, ce brave perce-oreille qui est à la fois le fléau de nos jardins et l’une des plus charmantes bestioles que je connaisse ».
« Ma mère perce-oreille, que j’appellerai Forfi pour la commodité, avait subi le sort le plus commun : mâle mort avant l’hiver, son office rempli. Si elle avait pu parler, elle m’eût dit son idylle : comment, à la fin de l’été précédent, vers septembre, il s’est approché d’elle, la saluant d’une pince aimablement levée, la fixant de ses yeux bombés où se lisait le désir. Elle se sentait justement, ce jour-là, en disposition de se laisser conter fleurette : une langueur dans tout son être, et comme un poids en elle, ses oeufs sans doute, qui étaient mûrs. Et le temps à l‘orage, et ce je ne saits quoi de certaines journées d’arrière-saison qui exaspère les odeurs, les effluves, la lumière. Ce qu’on nomme l’amour tient souvent à des causes si étrangères à l’amour ! ».
Harmonie – L’abeille :
« Avec ses toits de paille, le rucher ressemble à un village nègre. Je l’avais devant moi, abrité contre un vieux mur, dans un petit champ resté en friche »‘.
C’est une abeille qui parle à notre observateur : « Je t’épargnerai bien des détails dans ma machine, mais je ne puis te faire grâce de mes pattes ; nos pattes représentent vraiment un chef-d’oeuvre, nous avons six pattes, disposees en trois paires, et celui qui nous a construites a voulu que chaque paire réponde à un rôle particulier.
La premiere paire nous sert d‘abord à notre toilette. Ces pattes sont, chez nous, le nécessaire indispensable à toute élégante : brosse, peigne, houppe, rien ne manque ! Mais ces pattes antérieures ne nous sont pas seulement utiles comme outils de beauté, elles président aussi, avec nos autres membres, aux travaux de la récolte. Lorsque nous sortons d’un « bain de fleur », ivres et chancelantes, toutes poudrées de pollen, du nectar plein notre jabot, nos pattes de devant s’activent, avec la paire intermédiaire, à balayer la farine merveilleuse, dont nous composons nos produits de régime : bouillie pour les larves, gelée royale pour nos mères, miel pour … mettons pour nous * Ces quatres rateaux rassemblent le pollen à l’arrière de notre corps, et l’emmagasinent dans ce que vous appelez, avec votre rage de tout désigner par des sons, les « corbeilles ».
Beauté – La bête à Bon Dieu, les amies de la maison : L’autre hiver, j’en hébergeais plusieurs. Je crois bien qu’il y avait une bête à Bon Dieu dans chaque pièce ».
« Vint le printemps, dans le jardin, un sureau déjà vieux, tout fleuri d’ombelles blanches à l’odeur trop forte, et sur ce sureau une multitude de pucerons noirs. Ils s’y sont installés en maîtres, ils ont gagné peu à peu les branches jusqu’au bout, les ont gainées de leurs étuis sombres, et le vent m’en fait pleuvoir sur les épaules. Mais il y a aussi, sur le même sureau, des bêtes à Bon Dieu. Ah ! comme il y en a …… Moins que de pucerons, bien sûr, mais une belle armée pourtant, à croire qu’elles se sont toutes donné rendez-vous ici. Jaunes, rouges, noires, blanchâtres, elles se promènent avec la lenteur des bergers au milieu de leurs troupeaux. Seulement, le berger, en la circonstance, devient le loup.
La cicadelle : « Je m’étais dis, il faut que j’aille un jour voir çà ».
« Ces flocons n’étaient pas de laine ; c’étaient des amas de bulles, non de savon, bien sûr, mais d’une substance qui y ressemblait fort, également faconnée en petites spheres creuses, chatoyantes et peintes aux nuances de l’arc-en-ciel. J’avais tout de suite deviné en quoi consistaient ces houpettes d’écume : c’était ce que les gens de la campagne appellent de divers noms charmants, tels que « crachat de coucou », « salive degrenouille ». Ces bulles me livrèrent leur contenu. Et au mili eu, que trouvais-Je? Une bestiole verte, tout engluée de cette salive, où elle marinait à l’abri. A l’abri de quoi ? Du soleil, du bec des rapaces, des autres insectes ? Je ne sais, mais la première merveille était ce champ, habité par tant de petites vies, chaque Barbe-de-bouc comptant la sienne ».
Pour conclure et remercier Monsieur Dupont de sa remarquable conférence, il ne refusera pas que je lui offre ces quatre vers de Lamartine :
« Mais la nature est là qui t’invite et qui t’aime
« Plonge-toi en son sein qu’elle t’ouvre toujours
« Quand tout change pour toi la nature est la mienne
« Et le même soleil se lève chaque jour ».
Emile Brichard
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